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“Combattre la pauvreté”: le revenu universel testé au Kenya

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Jusqu’à récemment, le seul horizon de Molly était la fin de la journée. Labourer le champ d’un autre, gagner juste assez d’argent pour manger, et recommencer. “Un cercle sans fin dont je n’arrivais pas à m’extirper”, raconte cette Kényane de 25 ans.

Une histoire banale dans son village de la région de Bondo, dans l’ouest du Kenya, où la plupart des habitants vivent plus que simplement et s’échinent à faire pousser du maïs, du millet ou du coton sur un sol ocre et poussiéreux.

Mais tout cela, raconte-t-elle, c’était avant l’introduction en octobre 2016 du revenu universel de base dans son bourg, dans le cadre d’une étude à grande échelle réalisée sur une période de 12 ans.

Molly reçoit désormais 2.250 shillings par mois (19,50 euros), une somme qui a selon elle “tout changé”. “J’ai pu économiser pour payer des études d’institutrice maternelle”, dit-elle fièrement, depuis sa maison de béton au toit de tôle, autour de laquelle picorent quelques poules. “Ca a été le petit coup de pouce qui a fait basculer la situation.”

Grâce à ses études, elle travaille désormais comme stagiaire rémunérée à l’école du village. Avec le revenu universel et quelques petits boulots, Molly a plus que triplé ses revenus mensuels et touche aujourd’hui quelque 5.000 shillings (43,30 euros) par mois.

Des villageois de Bondo au Kenya qui perçoivent un revenu universel dans le cadre d’une étude de long terme, le 3 octobre 2018 / © AFP / Yasuyoshi CHIBA

Et surtout, dit-elle, elle regarde vers l’avenir. “Avant j’avais à peine assez d’argent pour survivre, alors que maintenant j’ai des projets. Je vais bientôt passer mon diplôme d’institutrice”. “Je vais même chez le coiffeur une fois tous les deux mois”, sourit-elle.

– “Débat mondial” –

Le village de Molly, au nom tenu secret pour ne pas attiser les convoitises, est l’un de ceux choisis par l’ONG américaine Give Directly pour tester le revenu universel de base dans la région de Bondo, sélectionnée pour sa pauvreté, sa stabilité et l’efficacité d’un système de transfert d’argent par téléphone utilisé au Kenya.

Créée en 2010, cette ONG active dans plusieurs pays africains se démarque de l’aide humanitaire “traditionnelle”, préférant donner de l’argent directement aux gens plutôt que “décider à leur place” ce dont ils ont besoin, explique Caroline Teti, responsable des Relations extérieures pour Give Directly au Kenya.

Grace, 65 ans, perçoit un revenu universel dans son village de Bondo au Kenya. Photo prise le e 3 octobre 2018 / © AFP / Yasuyoshi CHIBA

Mais au lieu des transferts d’argent “en une fois” pratiqués depuis sa création, elle souhaite désormais tester l’efficacité d’un revenu versé mensuellement.

“Nous posons un certain nombre de questions: lorsqu’on donne de l’argent aux gens chaque mois, vont-ils s’arrêter de travailler? Vont-ils prendre des risques dans leurs investissements en sachant qu’ils auront des revenus quoi qu’il arrive?”, détaille Mme Teti. “Comment cela affecte-t-il leurs aspirations?”

“Il y a un débat mondial sur le revenu universel et nous voulons des preuves pour avancer”, poursuit-elle, ajoutant que l’étude s’inscrit dans le contexte spécifique du “soulagement de la pauvreté en Afrique”. “En Occident, le débat sur le revenu universel est tout autre et tourne notamment autour du rôle de l’État-providence ou des pertes d’emploi.”

Le village de Molly est “pilote”. La vraie étude, débutée en janvier, est menée, elle, dans des dizaines d’autres villages de la région.

Monica, 30 ans, a investi dans un élevage de poulets dans son village de Bondo, au Kenya le 3 octobre 2018 / © AFP / Yasuyoshi CHIBA

Les habitants de 40 d’entre eux recevront 2.250 shillings par mois pendant 12 ans, tandis que ceux de 80 villages recevront la même somme pendant seulement deux ans. Les habitants de 76 autres villages recevront pour leur part 51.000 shillings (440 euros) en deux tranches espacées de deux mois, soit un mode de fonctionnement plus proche de celui déjà utilisé par l’ONG.

En tout, quelque 20.000 personnes bénéficieront d’une forme de revenu dans le cadre de cette étude, qui est selon Give Directly la plus importante jamais réalisée dans ce domaine, en termes de durée et de nombre de bénéficiaires.

– Limites –

Dans le même village que Molly, Edwin, 29 ans, envisage de remplacer sa maison de torchis par une maison en béton, alors que Monica et son époux ont investi dans un élevage de poulets.s

Samson, 72 ans, dans le village de Bondo au Kenya le 3 octobre 2018 / © AFP / Yasuyoshi CHIBA

“On a un tout nouvel enclos et quelques poulets”, montre cette commerçante de 30 ans, portant une élégante robe noire rapiécée à plusieurs endroits. Cette mère de trois enfants dit espérer à terme pouvoir leur payer des études, pour qu’ils ne “vivent pas dans la pauvreté, comme nous”. “Chacun dans le village utilise l’argent différemment”, se réjouit-elle.Give Directly se dit toutefois conscient des limites du transfert d’argent comme alternative à l’aide humanitaire traditionnelle.

“Dans une situation de conflit par exemple, les gens sont affectés au-delà du basique et n’ont peut-être plus d’endroit où dormir. Dans ce contexte, un revenu de base peut faire partie de la solution mais ne peut être la seule solution”, souligne Mme Teti.

Elle souligne également que le revenu universel n’a pas pour but de se substituer à l’État pour la construction d’écoles ou d’hôpitaux.

A la question de savoir si le revenu universel est monté à la tête de certains, tous les habitants du village répondent de la même manière: “2.250 shillings, ce n’est pas assez pour acheter des choses inutiles, c’est juste assez pour vous nourrir et sortir de la pauvreté”, juge Samson, un entrepreneur de 72 ans.

Monica met en garde: “Peut-être que, dans le futur, certains oublieront ce qu’ils ont traversé et commenceront à acheter des choses stupides…” Avant d’ajouter: “Mais je ne pense pas que ce sera le cas”.

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Source: AFP 

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