Cinq ans après leur mort à Kidal au Mali, et l’institution par les Nations-Unies d’une «Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes », Ghislaine Dupont et Claude Verlon de RFI restent toujours les victimes d’un crime dont les auteurs continuent de courir. Si la flamme de leur mémoire reste vive, la justice quant à elle, ne semble pas s’empresser de mettre la main sur les auteurs, leurs complices et les éventuels commanditaires. Hier 1er novembre, une cérémonie d’hommage consacrée aux journalistes tués dans l’exercice de leur métier, a eu lieu à Paris, à la veille de la Journée internationale contre l’impunité pour les crimes commis.
Lors de sa 68ème session, en 2013, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté le 18 décembre, la Résolution A/RES/68/163, qui proclame le 2 novembre « Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes ». Cette résolution a exhorté les Etats Membres à mettre en place des mesures précises afin de lutter contre l’actuelle culture d’impunité. La date a été choisie en mémoire de l’assassinat de deux journalistes français au Mali le 2 novembre 2013, Ghislaine Dupont et Claude Verlon de RFI.
Cinq ans après, on ignore toujours les circonstances réelles de leur assassinat, et probablement l’identité réelle des auteurs, ainsi que celle de leurs complices et commanditaires, puisque jusque là, aucun mandat d’arrêt n’a été lancé ni par Bamako ni par Paris. Ce qui peut laisser les collègues, les amis et les parents des victimes, incertains sur l’aboutissement des enquêtes, alors que depuis le lendemain de l’odieux crime commis à Kidal, nous brûlons d’impatience de tout savoir sur les circonstances et les motivations de ce double assassinat. « Dans cette affaire, les assassins courent toujours et bénéficient d’une impunité totale », témoigne Christophe Boisbouvier, journaliste à Radio France Internationale et membre de l’association des Amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. « Nous comptons sur la justice de notre pays, sur les pouvoirs publics, français et maliens. Emmanuel Macron, il y a un an, avait pris sur notre antenne un engagement solennel. Nous attendons que cette promesse se tienne. Nous comptons enfin sur le législateur, car à cause du secret-défense, le juge n’a pas accès à toutes les pièces du dossier. », a-t-il dénoncé.
La fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes sonne l’espoir, mais un espoir si lointain et si proche, tel un mirage qui fuit. Depuis le début de l’année, 86 journalistes ont été tués, la plupart dans des pays en paix ; 1066 journalistes ont péri en 15 ans, selon le secrétaire général de RSF Christophe Deloire.
Au Mali et partout ailleurs dans le monde, les journalistes demeurent la cible à abattre pour les ennemies de la liberté d’expression et de la presse, des délinquants financiers qui managent le blanchiment d’argent de la drogue, du trafic des armes et du trafic humain. Le journaliste malien, Birama Touré du journal d’investigation Le Sphinx, qui a disparu le 30 janvier 2016, n’a plus jamais fait aucun signe de vie. Au nord du Mali, dans les régions de Tombouctou, Gao, Mopti, ce sont les terroristes qui dictent leur loi aux hommes de media (radios) menacent ou tuent ceux qui ne se plient pas à leur diktat. La Maltaise Daphne Caruana Galizia, assassinée en octobre 2017 ; Jamal Kashoggi, journaliste saoudien assassiné au consulat de son pays à Istanbul ; la liste est longue et l’impunité demeure.
Hier à Paris, Reporter sans Frontière (RSF) a organisé une opération de rappel et d’interpellation à la veille de la journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. Les effigies de plusieurs journalistes tués sont brandies, parmi lesquels celle de Jamal Khashoggi, le journaliste saoudien assassiné au consulat de son pays à Istanbul. Le secrétaire général de RSF Christophe Deloire, demande au nom de l’ONG une enquête internationale sur cet assassinat. Car, poursuit-il, peut-on faire confiance à la justice saoudienne et à la police turque qui enferme des journalistes ? (source RFI). « Il y a pire que le crime : il y a l’oubli qui ensevelit le crime », affirme Christophe Boisbouvier.
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B. Daou
Source: Le Républicain