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Après la mort de Koufa : Guérir le centre du Mali du terrorisme

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La petite victoire peu reluisante tirée de la neutralisation du chef de la katiba d’Ensar Eddine du Macina représente une goutte d’eau dans une mer de désastre étendue au centre du Mali, à cheval sur les régions de Mopti, Ségou et Koulikoro. Amadou Koufa est mort, mais le mal est déjà fait. Si rendre le centre ingouvernable était un objectif des terroristes, il est atteint. Le centre du Mali se présente aujourd’hui tel « un far West sans shérif », prêtant cette expression de Nicolas Normand (ancien Ambassadeur de France au Mali) dans son ouvrage intitulé « Le Grand livre de l’Afrique ». Il reste pour l’Etat malien de reprendre le centre, de traduire dans la réalité quotidienne, ses prérogatives régaliennes, l’éducation, la santé, la justice et de mettre résolument les populations au travail, dans un cadre de gestion des ressources naturelles locales, orienté vers le développement. 

La situation sécuritaire au centre est exécrable, avec une combinaison de conflits divers : outre le terrorisme, la lutte anti –terroriste fait aussi des victimes collatérales. A cela s’ajoute que les populations civiles désemparées sont devenues, malgré elles, parties aux conflits entre ethnies ou entre communautés, le tout sur un fonds de désaccord sur la gestion du foncier rural, le partage des ressources naturelles. Mais il y a surtout l’absence de l’Etat, Bamako jouant à l’Autruche pour faire croire que les populations ne sont pas à l’abandon. Les djihadistes se sont assez longuement sentis en terrain conquis. C’est cela le désastre du centre, une réalité à laquelle peut s’identifier parfaitement la situation si pertinemment dépeinte par Nicolas Normand, ancien Ambassadeur de France au Mali, dans le livre qu’il vient de publier « LE GRAND LIVRE DE L’AFRIQUE », paru aux Editions Eyrolles (novembre 2018) en France, et qui est disponible au Mali à la librairie BAH du Grand hôtel à Bamako. Il écrit en résumé : « Les conflits internes se transforment, devenant surtout périphériques et causés par de petits groupes. Les raisons des conflits ont évolué : ils sont désormais principalement liés à la faiblesse d’Etats incapables d’assurer le monopole de la force et de contrôler l’ensemble de leur territoire qui devient alors (en partie) un far West sans shérif. Les motivations du recours aux armes, facilité par l’absence de barrières et de moyens de règlement pacifique des différends, restent principalement l’avidité ou l’ambition et le ressentiment. Mais d’autres facteurs entrent en jeu : l’accès ou le partage des ressources de survie, les richesses minérales, la pauvreté et le manque d’éducation qui abaissent le seuil du recours à la violence, l’instrumentalisation ethnique à l’occasion d’élections, les déplacements de population… », résume l’écrivain et ancien diplomate français en Afrique, Nicolas Normand.

Les mines de l’insécurité sans Koufa

En ce qui concerne le centre du Mali, la situation d’insécurité rampante qui le mine est assez complexe avec un engrenage de causes multiples et malicieuses (terrorisme, armement des groupes ethniques, absence des services de l’Etat, conflits divers empêchant les activités de production, paupérisation, incompréhension entre communautés).

En effet, il ne faut pas s’attendre à un retour automatique de la paix et de la cohésion sociale, comme par un coup de baguette magique ; même si l’on peut croire que le serpent a été atteint à la tête, la mort d’Amadou Koufa, représentant de Iyad Ag Ghaly ne signe pas forcement la fin du djihadisme au centre du Mali. Pourquoi le chef de la katiba d’Ensar Eddine du Macina a-t-il tenu tête à tous depuis 2012, et a-t-il résisté et survécu aux ratissages des Fama, aux forces Serval et Barkhane jusqu’à cette date fatidique du 23 novembre 2018 ? Qu’est ce qui n’a pas marché, et qui après Amadou Koufa ?

La mort du compagnon d’Iyad Ag Ghaly ne peut pas produire des effets immédiats satisfaisants de grande envergure. Au contraire, faudrait-il s’attendre à des coups d’éclats et de baroud’ honneur de la part des terroristes. Avec un tel engrenage au centre, fait d’actes terroristes d’une part, et de conflits pernicieux entretenus pour instrumentaliser les ethnies, d’autre part, la mort de Koufa ne sera forcement pas synonyme de retour de la paix dans l’immédiat. En plus de la neutralisation ou presque de la katiba Ansar Eddine du centre, l’action humanitaire, les services sociaux de base et la force de la persuasion doivent être les meilleurs alliés de l’Etat malien, s’il décidait de revenir au centre et de s’occuper des populations.

Matérialiser l’Etat malien au centre

Persuader et reconquérir les cœurs des populations du centre nécessite un Etat fort, qui ne tire pas sa force dans des interventions militaires musclées, sans discernement entre terroristes et non terroristes, mais qui accompagne les populations à travers des services sociaux de l’éducation, la santé, l’eau potable, une justice qui tranche, indemnise les victimes et punit les coupables. Il faut également instaurer une gestion équitable du foncier rural entre les exploitants agricoles (éleveurs et cultivateurs). C’est dire qu’autant de facteurs interviennent indubitablement, pour que la solution militaire puisse aboutir à une sécurité durable, à l’équilibre de l’équation sécuritaire. Pour preuve, la présence de force Barkhane et les ratissages des Fama, ainsi que les patrouilles de la force du G5 Sahel n’ont pas permis de réduire une guerre qui est asymétrique. L’acquisition par le Mali de plusieurs avions n’a pas pu non plus avoir raison de l’insécurité. Il est donc temps de se concentrer aussi sur une prise en main des populations locales, afin qu’elles deviennent actrices du développement à travers des projets bien conduits, et que les bras valides poussés par l’oisiveté, renoncent à attenter à la vie des autres. En définitive, la solution ne réside pas que dans l’intervention militaire, mais aussi dans des actions humanitaires, de développement. « Mais ce que je voudrai souligner, est que même avec le G5 Sahel et cette coordination dans la région, cela est nécessaire, mais pas suffisant ; la réponse sécuritaire n’est pas suffisante, parce que la solution durable au conflit et à l’extrémisme violent, demande la bonne gouvernance, l’Etat de droit, la protection des droits humains et le développement économique, qui sont des éléments complémentaires », avait souligné Brian Neubert, porte-parole – en langue française – du département d’État des États-Unis, parlant aux journalistes maliens, en marge de la 73ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU 2018), qui s’est ouverte le 18 septembre 2018 à New-York.

Après la mort de Koufa : Guérir le centre du Mali du terrorisme

B. Daou

Source: Le Républicain

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