Pour la première fois, les Nations unies, via leur groupe
d’experts indépendants sur le Mali, dénoncent dans un rapport
accablant, noms à l’appui, l’implication de membres de groupes armés
signataires de l’accord de paix d’Alger ou désignés comme “coopératifs”
dans des attaques terroristes, mais aussi dans le trafic de migrants et
de drogues. Il s’agit de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune (Coalition du
peuple pour l’Azawad), Ahmoudou Ag Asriw (Gatia) et Mahamadou Ag Rhissa
(HCUA).
Plus d’un an après avoir créé le régime de sanctions sur le Mali, le
Conseil de sécurité de l’ONU est passé à l’action le jeudi dernier. Les
15 membres se sont unanimement accordés sur trois noms qui se voient
notifier une interdiction de voyager qui prend effet immédiatement. Il
s’agit de trois personnalités de rangs intermédiaires : Mohamed Ousmane
Ag Mohamedoune (Coalition du peuple pour l’Azawad), Ahmoudou Ag Asriw
(Gatia) et Mahamadou Ag Rhissa (HCUA). Ils sont accusés d’entraver la
mise en œuvre de l’accord de paix dans le Nord malien. Paris, qui était à
la manœuvre, espère que le message de frustration émis par l’ONU sera
entendu.
Après avoir laissé planer la menace de sanctions contre tous les
signataires de l’accord de paix, y compris les autorités maliennes, le
Conseil de sécurité s’est finalement accordé sur une approche qualifiée
par un diplomate de progressive et équilibrée pour ne pas mettre en
péril l’accord de paix. Pour l’instant, trois individus dont les liens
avec des groupes terroristes ou des activités de trafic ont pu être
prouvés. Ils sont sanctionnés.
‘’Ces trafics alimentent les caisses de ces groupes’’
Le premier, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, appartient à la coalition
pour le peuple de l’Azawad. Il est accusé d’entretenir des liens avec le
groupe terroriste pour la défense des musulmans dans la région de
Tombouctou. Le second, Ahmoudou Ag Asriw, fait partie de la direction du
Gatia, un groupe pro-gouvernemental. Il est accusé d’être engagé dans
le trafic de drogue pour financer des attaques contre les forces
maliennes. Le troisième individu sanctionné, Mahamadou Ag Rhissa, est un
homme d’affaires influent de la région de Kidal, membre du HCUA, issu
de la rébellion. Il est impliqué dans le trafic de migrants et des
activités de contrebande de pétrole avec l’Algérie. Sans accélération de
la mise en œuvre de l’accord de paix, de nouveaux noms pourraient être
proposés, estime un diplomate.
Les groupes armés sur la défensive
Le rapport produit par un groupe d’Experts du Conseil de sécurité de
l’ONU sur le processus de paix dans le nord du Mali, et d’une manière
générale sur la situation sur le terrain, crée l’émoi dans les rangs de
certains groupes armés du nord du Mali. Un document de 71 pages.
Les accusations du groupe d’experts indépendants de l’ONU sur le Mali
sont accablantes. Il est question d’attaques terroristes contre les
forces de sécurité maliennes, de trafic de migrants, de trafic de
drogue, ou encore de recrutement d’enfants soldats. La liste des noms
cités dans ce rapport est longue.
Alors que le rapport n’est même pas encore officiellement publié, des
responsables de groupes armés parlent sans vouloir être nommément cités.
C’est le cas de ce responsable militaire du Gatia, groupe armé du nord,
loyal à Bamako : ‘’Non, à ma connaissance, dit-il, des éléments du
Gatia ne sécurisent pas des convois de drogue dans le nord du Mali’’.
C’est pourtant ce qu’on peut lire dans le document onusien.
Présenté comme ‘’un membre éminent du HCUA (Haut Conseil pour l’Unité de
l’Azawad)’’, Salah Ag Ahmed est aussi accusé directement d’être un
intermédiaire entre des groupes terroristes du nord du Mali. Cet élu de
la localité de Talataye (Nord), membre de la CMA (ex-rébellion), est
injoignable pour le moment. Mais selon un de ses proches, ces
accusations ne sont pas fondées. Il va plus loin en demandant ‘’une
nouvelle enquête indépendante’’.
Iliad Ag Mohamed, le porte-parole de la CMA, pointe justement du doigt
des erreurs dans le rapport des Nations unies qui contient selon lui
‘’des éléments qui ont provoqué chez nous une très grande surprise. Nous
pensons que les enquêteurs ou, en tout cas, les éléments contenus dans
ce rapport contiennent d’énormes erreurs, d’éléments infondés’’.
Il reprend justement l’exemple de Salah Ag Ahmed, décrit comme un
élément qui crée l’interconnexion entre Ansar Dine et l’EIGS [le groupe
Etat islamique dans le grand Sahara, deux organisations terroristes à
l’origine d’attaques armées dans la zone]. ‘’Ce n’est pas vrai, c’est
sans fondement, martèle-t-il. On a tous les éléments pour prouver qu’il
n’en est rien de tout ce dont il a été accusé. Je crois que les rapports
ne sont pas basés sur des enquêtes approfondies. Peut-être qu’il a
permis à certaines personnes de régler leurs comptes au détriment des
autres. En tout cas, c’est notre analyse’’.
L’un des seuls à s’exprimer pour le moment à visage découvert est
Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA, Coalition
du peuple de l’Azawad, accusée d’entraver l’application de l’accord de
paix. Le rapport laisse également clairement entendre que des éléments
de ce groupe auraient participé à des attaques terroristes. Mohamedoune
est accusé d’avoir très activement retard, par ses alliances sur le
terrain, la stabilisation de la région. ‘’Tout ça est faux’’, répond
Ousmane Ag Mohamed, pour qui les enquêteurs de l’ONU ont trop tendu leur
micro aux ennemis de son mouvement qui ne veut ‘’que la paix’’.
Y SANGARE
Source: Le Malien