Quelques jours après le triste attentat du camp de MOC de Gao, attentat ayant fait près de 80 morts et 115 blessés, nous avons réalisé une interview avec le Gouverneur de Gao, Col. Seydou Traoré, afin de faire l’état des lieux et prendre connaissance des mesures prises dans le cadre de la gestion de cette crise.
Monsieur le Gouverneur, pouvez-nous nous faire la situation qui prévaut à Gao, cinq jours après le sinistre attentat du camp de MOC ?
Seydou TRAORE : Je vous remercie. Nous sortons d’une crise, le deuil on le vit encore, mais avec courage et engagement. Pour dire que nous sommes en train de panser les blessures toujours et ensemble. Nous réarmer moralement sur les orientations du Président de la République et des membres du Gouvernement et du Parlement. Résolument, nous faisons face à la situation. Ce qui est fait est passé, la mort est inévitable, les circonstances peuvent l’aggraver, mais au regard de toutes les chaines de solidarité autour de nous, je pense que nous sommes debout et nous tiendrons.
Après ce triste attentat, on estime que de nouvelles mesures méritent d’être prises. Est-ce que cela est le cas à votre niveau ?
Seydou TRAORE : Bien sûr que oui. Sous l’égide du Gouvernorat de Gao, depuis le jour de ce triste événement, nous avons tenu une réunion d’urgence avec toutes les autorités locales, les responsables des forces de défense et de sécurité nationales et étrangères pour gérer la situation et envisager de nouvelles mesures.
Cependant ce qu’on doit comprendre, c’est le fait que ceux qui nous attaquent aujourd’hui, ne nous affrontent pas de face, sinon le défi allait être facile à relever. Il s’agit d’une guerre asymétrique. Il faudrait un sursaut national, une grande cohésion d’ensemble, non seulement des différentes forces de défense et de sécurité, des groupes armés, mais aussi des populations, pour pouvoir relever ce défi. Il faut surtout pour la conscience collective une saine lecture de la situation. Il ne s’agit pas de critiquer ou de s’autocritiquer seulement, cela ne résous rien. Ce qui est essentiel c’est de comprendre la situation, se donner la main résolument. Le rôle de la population est de dénoncer, par ce que ces gens qui commettent des actes terroristes ne viennent pas d’ailleurs. Ils sont avec nous, dans des cellules dormantes qu’ils cherchent à les activer de temps à temps et souvent malheureusement, les gens se contentent dans le silence, de leur donner des opportunités.
Maintenant en ce qui concerne les forces de sécurité, des dispositions vont être renforcées, il y’en a déjà. La ville sera encore mieux sécurisée. Des fouilles systématiques seront opérées partout et sur tout le monde. Nous envisageons de faire identifier tous les véhicules se trouvant dans la ville de Gao. Par ce que, depuis la fin de l’occupation, avec la situation de crise toutes sortes de véhicules entrent et sortent de Gao sans contrôle, comme une zone de non droit. Par exemple sur 100 véhicules, ce sont 10 seulement qui sont régulièrement immatriculés. Nous allons demander à la population, à ceux qui sont propriétaires de véhicules, de venir eux même identifier leur véhicule. Après ce processus, nous saurons quel véhicule aurait franchi le seuil de la ville.
En plus de la prise en charge des blessés, pouvez-vous nous faire l’état des lieux des nouveaux chantiers envisagés pour permettre à la ville de Gao de faire face désormais à une telle crise ?
Seydou TRAORE:
Nous remercions le bon Dieu, grâce au concours des uns et des autres, mais surtout de l’appui considérable des autorités, la prise en charge des blessés à la suite de cet attentat se passe bien. Parmi les internés, ceux qui devraient être opérés l’ont été tous. Idem pour ceux qui devraient être évacués sur Bamako. Les autres patients au niveau de Gao, sont pris en charge entièrement par l’Etat malien. Car tous les frais en produits pharmaceutiques ont été payés à hauteur de 15 millions CFA par le Gouvernement. Des moyens ont été dégagés au niveau de la comptabilité de l’hôpital pour la prise en charge alimentaire de tous les patients et leurs accompagnateurs. Les médecins légistes et tout le corps médical qui se sont déployés ce jour ont reçu des gratifications et remerciements.
Dans la même veine, le ministère de la Solidarité a fait des dons financiers et en vivres. Le ministère de la Santé également.
Quant au ministère de la Défense, il a fait un dépôt de 30 millions pour la couverture financière de l’ensemble des charges liées à cet événement. Sur cette somme, nous avons affecté 10 millions aux services de l’armée pour faire des cérémonies funéraires dignes. Des stèles seront installées sur les tombes. Des prières seront organisées partout dans la région et à travers le pays, par les mosquées et églises.
En perspective, il est prévu à court terme des travaux pour améliorer l’état actuel de la morgue de l’Hôpital principal de la ville de Gao. Le président de la République a annoncé que le centre hospitalier de Gao va être totalement réhabilité. Un nouvel hôpital sera institué à Gao.
D’ici là, la qualité de la desserte en électricité de l’EDM va être améliorée avec la dotation en groupes électrogènes. Les moyens roulants de l’autorité administrative vont être homologués avec ceux des autres partenaires qui sont dans des véhicules blindés
Comment ressentez-vous cette extraordinaire chaine de solidarité, du président de la République au simple citoyen, depuis cet attentat, au profit de Gao ?
Seydou TRAORE :
Nous sommes honorés et réconfortés à l’avènement de cette chaine de solidarité constituée autour de nous depuis le jour de ce drame. Monsieur le président de la République, dès les premières heures de l’attentat, nous a appelé par l’entremise de ses collaborateurs pour nous rassurer de son soutien dans la gestion de la crise, puis il a dépêché immédiatement le ministre de la Défense et le président de la Commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale, il a fait observer une minute de silence par le Conseil des ministres et décrété un deuil national de trois jours. Tout cela n’a pas suffit, lui-même, compte tenu de la circonstance s’est transporté physiquement, malgré tous les risques, pour venir nous témoigner sa solidarité et celle de toute la nation malienne à travers sa personne. Lorsqu’il est venu, il a tenu lui-même à aller voir les blessés, pour échanger avec eux, afin de leur témoigner le soutien du peuple malien, à la suite de l’épreuve qu’ils ont vécue, puis il a déjeuner avec nous et nous a donné l’assurance de la détermination du Gouvernement à renforcer la cohésion nationale et le retour rapide de la paix.
Cela, comme j’ai eu à le dire, nous a beaucoup réconfortés.
De même, du centre des Nations Unies à New York aux imams de Kayes, de Tombouctou, de Sevaré, de Niono, de San, de Segou… bref, nos compatriotes de partout, ont exprimé tout ce qui est acte de solidarité à l’endroit de Gao, aux victimes et leurs parents. C’est ce réconfort moral là qui nous permet de tenir aujourd’hui sur les pieds, sécher les larmes et de dire que nous ne sommes pas trompés de voie, la voie de la recherche de la paix, de la sécurité pour le développement et le bien être des populations de Gao. Pour cela, je remercie l’ensemble des autorités, des organisations de la société civile, des partenaires et autres. Car, on n’a pas de qualificatif pour décrire ce qui nous anime aujourd’hui en termes de réconfort moral.
Entretien réalisé par Moustapha Diawara
Source: Le Sursaut