Depuis 4 ans, des voix se sont élevées pour attirer l’attention des autorités sur le pourrissement de la situation dans la région de Mopti et une bonne partie du Centre du pays. Pour mémoire, l’association Tabital Pulaaku (Association des amis de la culture peulh) est montée au créneau moult fois, mais les autorités maliennes n’ont jamais réagi à leur cri de détresse… Retour sur quelques évènements sanglants enregistrés dans cette partie du territoire national.
Le 18 novembre 2013, à Tinahamma, dans le cercle d’Ansongo, près de la frontière avec le Niger, 53 éleveurs ont été massacrés.
Mercredi 5 mars 2014, 25 corps de victimes gisaient au fond d’un puits-charnier, près de Doungoura. Plusieurs fois démarchées, les autorités refusent d’être témoin de cette horreur, alors que les parents ne demandent, ni plus, ni moins, qu’à donner une sépulture aux leurs…
C’est dire à tel point les peuls (du Mali tout entier) sont éprouvés par les exactions, mais paradoxalement abandonnés à leur sort par l’Etat.
Ténenkou, Léré, Youwarou, Niafunké et Mopti, les populations peulhs de ces zones vivent dans le plus grand traumatisme du fait des exactions des groupuscules armés, à savoir embuscades, braquages, enlèvements de bétail et vols de motos.
27 février 2014, un camion appartenant à un certain Touré, en partance pour la foire de Léré (tous les vendredis), a été bloqué à 30 km de là par des hommes armés. Les bandits font descendre la cinquantaine de passagers sous la menace d’armes à feu, les ligotent et procèdent à leur fouille systématique. Ils les dépouillent de tout : argent, téléphones, parures, marchandises et tous objets de valeur. Pire, ils mettent le feu au véhicule et s’en vont sans crainte, laissant derrière eux des victimes impuissantes, toujours ligotés.
Les volontaires peuls qui ont franchi ce pas pour venir faire le compte rendu au capitaine, ont vu tous leurs parents du Mema chassés avec leur cheptel.
Cette embuscade du 27 février entre Dioura et Léré est le énième acte de banditisme dont les populations peulhs sont quotidiennement victimes de la part des bandits armés. Leurs cheptels sont enlevés comme des poulets, quasiment à tous les levers du soleil.
Les peulhs sont dépouillés de leur argent, biens et marchandises suite à des embuscades tendues par les rebelles, à l’image de cette autre attaque d’un camion entre Dioura et Léré, le 19 janvier 2014.
Ils sont braqués et soulagés de leurs motos ou assassinés, comme ce peul tué pour son engin entre Nampala et Dioura, le 20 janvier 2014.
L’administration est constamment mise au courant (si elle n’est pas témoin) de tous ces dangers, exactions, sévices et injustices, mais elle ne pipe pas ; pas plus que les autorités centrales.
Des brigades d’autodéfense s’implantent
Alors, les communautés peulhs des secteurs concernés, meurtries dans leur chair et dans leurs âmes, ont décidé de plancher sur leur destin.
Le mercredi 26 février 2014, le tabalé a retenti pour convoquer une rencontre historique dans le village de Doungoura. La réponse spontanée des populations fut proportionnelle au degré de leur ras-le-bol face à leurs souffrances et au mépris des autorités.
Vingt-quatre (24) grandes familles venues de 46 villages ont répondu à l’appel. Un seul point était inscrit à l’ordre du jour :
Que faut-il faire face à la situation ?
Les communautés peulhs ont été contraintes d’en arriver là parce qu’elles sont convaincues de trois choses : les hommes armés ne cesseront jamais de les attaquer ; l’Etat a clairement prouvé qu’il ne viendra pas à leur secours ; et qu’elles sont abandonnées à leur sort. C’est pourquoi, la réponse à l’objet de la rencontre du jour (Que faut-il faire face à la situation ?) fut du tic au tac. A l’unanimité, l’Assemblée générale a décidé de la création des brigades d’autodéfense, partout et par tous les moyens, pour défendre les forains, préserver le cheptel, sécuriser les propriétaires de véhicules et d’engins à deux roues ainsi que les biens et marchandises.
Une grande association de 120 membres (5 de chaque grande famille présente) a été formée sur place pour suivre, encadrer et veiller à l’exécution de l’instruction distillée.
Cette instruction, la voici : « Défendez-vous ! Financez-vous ! Préservez votre cheptel, vos biens, vos vies ! Usez de tous les moyens de défense possibles… C’est au prix de votre existence ».
Prononcé en peul, ce message s’annonce comme un appel du clairon à la défense de la patrie adressé à toute la communauté. Les uns avaient les larmes aux yeux, les autres le cœur gros comme un ballon, tous prêts à verser leur sang et « laisser leur vie » sur le champ de l’honneur.
D’où ce mauvais présage d’un carnage qui se profile à l’horizon. En effet, si rien n’est fait, les communautés peules vont dorénavant riposter à toutes les attaques des rebelles dans le sang. Ceux-ci, mieux armés (par des pays voisins connus de tous) peuvent revenir massacrer tout un village et repartir. Ainsi de suite dans un cycle infini.
Toujours est-il qu’après la rencontre de Doungoura du 26 février, un communiqué a été rédigé et diffusé dans toutes les radios de proximité. C’est dire que la décision de création des brigades d’autodéfense dans toutes les contrées peules (du Mali) est largement distillée. Alors, aux autorités de prévenir avant qu’il ne soit trop tard.
La Rédaction
Source: L’Aube