Les autorités ont remis au goût du jour la révision constitutionnelle très contestée vers la fin du premier quinquennat du président Kéita. Le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, est à pied d’œuvre pour faire aboutir le projet qui avait fait couler beaucoup d’encre et de salive. Le chef du gouvernement, par décret n°2019-0016 PM-RM du 14 janvier 2019, a mis en place un comité d’experts chargé d’élaborer l’avant-projet. Mais déjà des voix s’élèvent pour contester son approche.
C’est officiel. Le président de la République a relancé son projet de révision constitutionnelle. Lors de son traditionnel message de nouvel an à la nation, il a laissé entendre “qu’il est indispensable de procéder à une révision constitutionnelle proposant juste des aménagements à partir de notre vécu institutionnel, de nos fragilités, de nos silences, de nos imprécisions”.
Le président de la République a ainsi instruit à son gouvernement la relance du projet qui avait été vivement contesté par la société civile et certains partis politiques. Un Comité d’experts pour la réforme constitutionnelle est créé auprès du Premier ministre. Ce Comité devra élaborer l’avant-projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992.
Le comité comprend un président, onze experts et un personnel d’appui. Les experts et le président sont désignés par le Premier ministre et le personnel d’appui nommé par le président du Comité d’experts après un avis favorable du Premier ministre. En cas de besoin le Comité pourra faire appel à des personnes ressources à titre consultatif. Des orientations précises ont été données aux membres du Comité nommés.
Des procédures contestées
Le Front pour la sauvegarde de la démocratie a dans une déclaration donné sa position sur la réforme constitutionnelle engagée. Dans la déclaration du regroupement politique on note : “Le dialogue politique est un préalable à toute réforme constitutionnelle”. Selon le communiqué dont nous avons reçu copie, le FSD dit découvrir avec étonnement la publication par le PM de deux décrets dont celui portant création d’un Comité d’experts pour la révision de la Constitution et celui portant nomination des membres du Comité.
En procédant ainsi le Premier ministre est dans la logique de mettre tout le monde devant le fait accompli. Une attitude que condamne le FSD. Pour certains acteurs politiques la République et la démocratie acquise de haute lutte sont en danger !
Les Fare/An ka wuli de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé ne partagent pas cette approche et souhaitent une large concertation. C’est aussi le point de vue du parti de l’ex-Premier ministre sous la transition 1991-1992, Soumana Sako.
Toute initiative de révision constitutionnelle appartient concomitamment au président de la République et à l’Assemblée nationale. Pour le Front, il est inapproprié que le Comité chargé de la révision constitutionnelle soit créé par le Premier ministre et à plus forte raison rattacher à son cabinet.
Pour ces acteurs de la scène politique, pour prétendre réviser la Constitution, il faut commencer par la respecter. Au stade où vont les choses le référendum annoncé risque fort d’essuyer un échec cuisant comme celui de la fin du quinquennat.
Les mêmes obstacles
C’est la quatrième tentative de révision constitutionnelle au Mali de 1992 à maintenant. Tous les présidents de l’ère démocratique ont tenté sans réussir la réforme de la Loi fondamentale. En 2017, cette révision s’est heurtée à une forte opposition des populations à travers le mouvement “An tè A banna” dans tout le pays.
Les acteurs du mouvement avaient reproché au président IBK de vouloir prendre notre démocratie en otage et de surcroit de n’avoir pas pris en compte les critiques objectives de l’opposition politique. Avant même que les experts commis à la tâche amorcent les travaux de réflexion, la démarche essuie des critiques acerbes qui font peser des menaces sur ce projet de révision constitutionnelle.
Le FSD, les Fare, ont exprimé leur réprobation et demandé l’ouverture d’un dialogue politique. Tout le Mali politique devrait se réunir, se parler et s’entendre pour sortir le pays du trou dans lequel il est depuis 2012. Un consensus national s’avère être le seul à même de réconcilier les Maliens avec eux-mêmes. Aujourd’hui le Mali est dans une profonde crise.
Il faudrait maintenant que tous se retrouvent pour qu’ensemble tout soit mis en œuvre pour réussir ce challenge. Le PM fait en tout cas le pari de conduire à bon port ce chantier. Il a franchi un pas mais le pari n’est pas gagné d’avance. Pour le réussir, un large consensus est obligatoire.
Néguésson Diarra, stagiaire
Source: Notre printemps