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Affaire Gbagbo: une longue bataille juridique à venir

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Acquittés le 15 janvier de crimes contre l’humanité commis suite à la présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont toujours détenus dans la prison de la Cour pénale internationale (CPI). Le 1er février, la chambre d’appel tiendra une audience sur leur éventuelle libération. Un simple épisode dans une procédure qui s’annonce encore bien longue.

De notre correspondante à La Haye,

L’acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé le 15 janvier aura ouvert la « saison quatre » d’une affaire dont tous les ingrédients sont ceux d’une série politico-judiciaire, tenant la Côte d’Ivoire en haleine depuis déjà huit ans. La « saison un » avait vu l’arrestation et le transfèrement à La Haye de l’ex-président ivoirien, puis du chef des Jeunes patriotes, en 2011 et 2013. La « saison deux » était consacrée à leur mise en accusation pour crimes contre l’humanité. La « saison trois » était dédiée au procès et l’audition des 82 témoins du procureur. Elle finissait sur un ultime rebondissement lorsque les avocats jugeaient inutile d’appeler des témoins à décharge, et demandaient l’acquittement.

Le 15 janvier 2019 marque le début de la « saison quatre ». Deux des trois juges de la chambre de première instance décidaient d’acquitter les deux accusés. « Le procureur n’a pas démontré qu’il y avait un plan commun pour garder Laurent Gbagbo au pouvoir », déclarait à l’audience le président Cuno Tarfusser, il n’a pas prouvé que « les crimes ont été commis en vertu d’une politique d’Etat ciblant la population civile », et que « par leurs discours, les accusés ont incité au crime ». Les juges ordonnaient, le lendemain, la libération immédiate de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.

L’épisode trois de la « saison quatre » aura lieu lors d’une audience prévue le 1er février à La Haye. Après avoir prononcé leur acquittement, la chambre de première instance avait ordonné la libération immédiate des deux Ivoiriens. Mais le procureur faisait appel de cette libération, qui a été suspendue, le temps de trancher cet appel. Acquittés, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont donc toujours détenus à La Haye.

Que se passera-t-il le 1er février ?

L’épisode du 1er février ne devrait pas connaître de rebondissements particuliers. Les acteurs du procès défendront leurs arguments face aux juges. Pour le bureau du procureur, qui a fait appel de la décision d’acquittement, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pourraient « prendre la fuite » s’ils étaient libérés, et ne jamais revenir à la Cour pour entendre le verdict définitif. Il demande donc que leur libérationsoit assortie de conditions restreignant leur liberté de mouvement et de parole.

La représentante des 729 victimes enregistrées dans l’affaire, Paolina Massida s’oppose à une libération, assurant que les supporters des deux acquittés « pourraient menacer les témoins et les victimes qui ont déjà témoigné, et tenter de compromettre l’intégrité des procédures ». Les avocats des deux acquittés demandent la libération immédiate. L’avocat de Laurent Gbagbo, Emmanuel Altit, relève que « c’est la première fois dans l’histoire des juridictions pénales internationales qu’une procédure de discussion relative à la mise en liberté […] d’une personne acquittée prend autant de temps. »

Quand sera rendue la décision ?

La décision de la chambre d’appel devrait être rendue dans les jours suivant l’audience du 1er février. Les juges peuvent décider de confirmer l’ordonnance de libération immédiate, ou de renvoyer le dossier à la chambre de première instance. Le procureur leur demande néanmoins de trancher eux-mêmes la décision définitive.

Si la Cour décide d’une mise en libération assortie de conditions, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé se verront remettre un document de voyage par la Cour et devraient, dans un premier temps, être pris en charge par les autorités néerlandaises, sur le territoire desquelles ils ne peuvent circuler librement. Les autorités du pays d’accueil – déjà contactées en amont par le greffe de la Cour – se verront notifier officiellement la décision. Les autorités belges ont accepté que Laurent Gbagbo puisse rejoindre sa seconde épouse et son fils en Belgique. Quant à Charles Blé Goudé, qui n’a pas de liens avec la Belgique, sa demande est en attente.

Et après ?

Une fois la question de la libération tranchée, bien des inconnues pèsent sur la suite du dossier. Le procureur va faire appel de l’acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, mais ne pourra déposer son mémoire qu’après avoir obtenu la version écrite de la décision rendue le 15 janvier. Les juges avaient énoncé les raisons de leur décision dans ses grandes lignes, mais doivent désormais les motiver par écrit. Un travail qui pourrait encore prendre des mois.

Ensuite, avocats et procureurs échangeront des mémoires écrits. Les juges de la chambre d’appel devront décider soit de confirmer l’acquittement, soit de renvoyer le dossier à une chambre de première instance, mais elle devrait être composée de nouveaux juges. Dans ce cas, l’affaire pourrait reprendre là où elle en était restée après l’audition des témoins du procureur, en janvier 2018. Si les juges estiment qu’il existe des éléments, les avocats devraient appeler leurs témoins à décharge. Il faudrait ensuite requérir et plaider. Et le verdict ferait sans doute l’objet d’un appel. Quels que soient les scénarios à venir, l’affaire Gbagbo – Blé Goudé devant la CPI est donc loin d’être refermée.

RFI

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