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Application de la peine de mort au Mali : Des spécialistes en droit se prononcent

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Samedi 23 février 2019, le Mémorial Modibo Keita a servi de cadre à la tenue du deuxième numéro de’’ benberebenkan’’, une cérémonie des blogueurs de la plateforme Benbere. Avec comme thématique : ‘’peine de mort au Mali’’, le débat a été animé par Cheick Oumar Konaré, avocat au barreau du Mali et Mohamed El-Bachir Singaré, chargé des questions juridiques à l’Amnesty International du Mali.

La question de la peine de mort constitue une actualité phare au Mali depuis la mort de l’imam Yattabaré. Pour éclairer les lanternes, les Benbéristes, les blogueurs de la plateforme de blogging au Mali ‘’Benbere’’ ont invité deux spécialistes du droit pour faire entendre aux invités ce que beaucoup murmurent au fond des chambres. Me Cheick Oumar Konaré, avocat au barreau du Mali et Mohamed El-Bachir Singaré, chargé des questions juridiques à l’Amnesty International du Mali ont expliqués les contours de cette question de la peine de mort.

  1. Singaré a d’abord souligné au public que la peine de mort est légale au Mali par le fait que le Code pénal le prévoit et précise la manière dont elle doit être exécutée. Pour être succinct, le débatteur a précisé que pour l’exécution de la peine de mort, le Mali a même opté pour la fusillade. Mais qu’à cela ne tienne, indique le débatteur Bachir, l’Amnesty International s’oppose à la peine de mort. Car dit-il haut et fort, l’Amnesty International possède des arguments qui « militent en faveur de l’abolition de la peine de mort ».Cela, par le fait que l’application de cette peine n’est pas dissuasive. Pour démontrer cela, il a fait recours à une expertise de la police américaine en charge de la question. Laquelle expertise démontre que la criminalité est croissante dans les États américains qui exécutent le plus cette peine. Aux dires de de M. Singaré, l’application de cette peine de mort n’a aucun effet dissuasif. Car, argumente-t-il : « à partir du moment où le Canada a décidé d’abolir la peine de mort, la criminalité a baissé de 40%, pour la France, c’était en 1981.Mais depuis l’abolition de la peine de mort, il n’y a aucune donnée qui dit que la criminalité s’est augmentée ».

Partant de ces explications, M. Singaré finit par dire  que la peine de mort est un acte cruel, inhumain et même dégradant vu les diverses méthodes utilisées pour le faire. À l’en croire, la sanction doit avoir une vertu de rééducation.  Chose qui n’est pas le cas en ce qui concerne la peine de mort qui  est d’une application systématique et obligatoire. Et quand l’exécution est systématique et obligatoire, il précise qu’«on ne peut pas en savoir davantage sur la personnalité de celui qui a commis le crime, et on ne peut pas non plus savoir les circonstances qui ont entouré la commission du crime, chose qui n’est pas à minimiser dans une procédure de la justice ». Sa crainte dans cette pratique, c’est  l’exécution des innocents.  C’est ce qui l’a amené a exposé que depuis la reprise de la peine de mort en date de 1977 aux États-Unis, il y a eu 161 cas de personnes innocentées après plus de vingt ans de justice dans l’histoire du monde. Pour M. Singaré, l’une des raisons d’abolition de cette peine de mort est qu’elle est discriminatoire puisque ne s’applique qu’aux malades mentaux, aux pauvres, à des communautés d’immigration et non à tous de façon juste et irréprochable.

Pour le juriste Singaré, même la « charia » ne prévoit pas une exécution systématique.  Même le coran prévoit une alternative à la peine de mort à travers le paiement du prix de sang symbolique afin de protéger le coupable de la peine de mort, explique-t-il.

La vie étant sacrée, dit-il, on ne doit pas l’ôter. «Mais cela ne veut pas dire que celui qui tue ne doit pas être tué. La prison à vie est une mort si les choses se font normalement », dixit M. Singaré.

Quant à Me Cheick Oumar Konaré, celui-ci montre que son opposition à la peine de mort n’est pas de principe, contrairement à son codébatteurSingaré. Il commence ainsi la sacralité de la vie exposée par M. Singaré. Si Dieu a inscrit la peine de mort, dit-il, c’est parce qu’à des moments de l’histoire, des hommes ont commis des crimes qui n’avaient d’autres solutions que de les tuer. À l’en croire, celui qui tue son prochain, c’est comme s’il s’est attaqué à l’humanité entière. Me Konaré précise : « Celui qui te voit et qui te poignarde à mort, comme c’est arrivé avec l’imam Yattabaré, doit être tué, exécuté. » Ce qu’il déplore, c’est que les hommes sont en train d’aller au-delà de ce cadre.  À l’en croire, la peine de mort bien qu’étant prévue dans les textes a été appliquée dans des situations moins nobles. Elle a servi à des causes politiques afin de punir des opposants, des révolutionnaires, précise-t-il. « Je prévois la peine de mort pour quiconque prépare le renversement de mon pouvoir. Je veux faire du populisme, je veux plaire à mon peuple, je prévois la peine de mort… »,a-t-ilexpliqué.

Me Konaré reconnait que le code du Mali est rempli de dispositions qui prévoient la peine de mort. À ce titre, il explique toutes les mesures prévues pour exécuter un condamné à mort pour se demander enfin si le contexte actuel du Mali est favorable à l’application des mesures. Il répond par le négatif. Ce qu’il craint le plus d’ailleurs, c’est que les risques d’erreurs seraient extrêmement élevés au Mali quant aux procédures de condamnations des personnes à cette peine de mort, surtout dans le contexte actuel du Mali où les difficultés d’identification d’une simple empreinte digitale du présumé coupable peuvent être un vrai problème pour la police malienne qui n’en a pas de moyens.Outre cela, Cheick Oumar s’est également posé la question à savoir si les juges vont réellement juger le présumé meurtrier suivant la procédure préétablie par des règles en cas de peine de mort au Mali. Il précise alors qu’appliquer la peine de mort dans ces contextes risque de semer une forme de discrimination. À l’en croire, les textes ne sont pas respectés au Mali. Le Code pénal malien écrit :« Sera puni de mort comme coupable de trahison, tout Malien qui prend des armes contre le Mali », rappelle-t-il pour se demander si le Mali a la force de prendre le chef d’un groupe rebelle et de l’exécuter en vertu de cette disposition du Code pénal ?

Mamadou Diarra

Source: Le Pays

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