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Crise scolaire : les dessous d’une grève qui se radicalise…

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Dans l’intervalle de trois mois, les syndicats d’enseignants ne sont pas à moins de six préavis de grève, déposés sur la table du gouvernement, avec autant d’arrêts de cours avec des séquences plus ou moins prolongées. Une radicalisation syndicale qui tranche avec les efforts menés par les acteurs de cette crise, y compris du côté de l’Etat, pour désamorcer la tension. Que cache le «un pas en avant et deux pas en arrière» chez les grévistes de l’éducation ? Jusqu’où iront-ils ?

Suite à des grèves perlées des syndicats d’enseignants signataires du 10 octobre 2016, qui n’en finissent plus de se radicaliser, l’année scolaire, on le sait, émaillée de nombreux et fréquents arrêts de cours, n’est plus loin de s’installer dans la zone dangereuse. D’après des sources proches des milieux syndicaux, on n’en est pas à moins de cinq mouvements de débrayage enclenchés, depuis l’ouverture des classes, à ce jour.

Pourtant, dans le même temps, plusieurs acteurs de l’école, parents d’élèves, conseil supérieur de l’éducation, Assemblée nationale, AEEM, AMSUNEEM, représentants des familles fondatrices de Bamako,ont joué les bons offices pour emmener les syndicalistes à de meilleurs sentiments. Et cela, pour donner plus de chance à la vertu du dialogue social, entamé par les autorités scolaires, de produire tous ses effets. Mais, en vain…

Le ministre de l’Education nationale, animé d’un bon sens du dialogue, a lui-même rencontré, à plusieurs reprises, les représentants des acteurs et partenaires de l’école, en lesinvitant à s’impliquer auprès des organisations syndicales en vue de trouver l’accalmie nécessaire pour pacifier l’espace scolaire. Il nous est revenu que beaucoup de ces acteurs ont eux aussi eu des contacts poussés avec les différents syndicats d’enseignants.

En dehors de ces bonnes volontés, le ministre Témé, lui-même, face à la gestion de la crise, bien qu’il ne soit pas négociateur, a tenu, à de nombreuses occasions, à rencontrer les différents syndicats d’enseignants pour évoquer, avec eux, le fond des préoccupations qui les touchent. À chacune de ces rencontres, le ministre demandait en personne à ses interlocuteurs de comprendre la situation financière actuelle difficile du pays, tout en faisant des propositions concrètes de sortie de crise ; sur lesquelles l’Etat pourrait s’engager pour améliorer les conditions de vie des enseignants. Toujours, pas d’entente entre les protagonistes de cette crise qui se radicalise d’ailleurs.

En fait, les syndicats d’enseignants ont mis sur la table des négociations dix points de revendication. À l’issue des pourparlers, sous l’égide d’une équipe de médiateurs, composée d’anciens syndicalistes et de professeurs en classe, tous de grande expérience professionnelle, ils ont obtenu six points d’accord, un point d’accord partiel et trois points de désaccord.

Sur la base de ces acquis, jugés dans les milieux syndicaux, comme cruciaux, donc traduisant la bonne volonté de la partie gouvernementale à mieux garantir de bonnes conditions de travail au personnel enseignant, il a été demandé aux responsables syndicaux, au nom de l’esprit partenarial qui caractérise l’école, de lever leur mot d’ordre de grève, à défaut de le suspendre, de manière à permettre le déroulement correct de l’année scolaire.

Par deux fois, nous a-t-on rapporté, pour tout le temps qu’ont duré les discussions, Mme le ministre du travail, sous le regard attentif de l’équipe de la commission de médiation, a participé personnellement aux pourparlers en question. Elle a expliqué les nombreux efforts consentis par l’Etat en faveur des enseignants, en dépit de la conjoncture difficile.

Les médiateurs eux aussi ne sont pas en reste : ils se sont déployés pour emmener les grévistes à de meilleurs sentiments. Mais impossible de les faire bouger sur l’exigence financière qu’ils ont formulée autour de la prime de logement. Sur ce sujet, objet aujourd’hui de tous les chamboulements, les syndicats ont demandé qu’une prime de logement leur soit allouée, allant de 100 mille, 75 mille, en passant par 50 mille francs CFA, selon les catégories.

La partie gouvernementale, elle, a répondu que compte tenu de la situation financière actuelle du pays, cette revendication ne peut être supportée par le trésor public au risque de voir tout l’édifice des salaires s’écrouler. De plus, dans les discussions, sur cette question, il a été signifié aux grévistes que le cumul n’est pas possible en la matière, les enseignants disposant déjà d’une indemnité de résidence qui a été d’ailleurs majorée, pour tous les agents publics, depuis 2014, y compris les enseignants.

Mais qu’à cela ne tienne, l’Etat a fait des propositions concrètes aux enseignants liées à la facilité d’acquisition de parcelles et logements sociaux ainsi que la possibilité, pour eux, d’avoir des crédits bancaires pour y faire face. Cette proposition, initialement faite par la médiation, pour laquelle le gouvernement s’est dit disposé à en examiner tous les contours, a été purement et simplement rejetée par les syndicats.Peu de monde, autour de ces négociations, comprennent quelque chose en ce refus des syndicats. Et pour cause ?

Forts de la pertinence des arguments soulevés par la partie gouvernementale, sur cette prime de logement, les syndicats avaient clairement déclaré qu’ils étaient prêts à l’abandonner purement, dès lors qu’ils obtenaient la prime de documentation.Ce qui fut fait.Mais coup de théâtre !

L’octroi de la prime de documentation n’a rien changé chez eux bien qu’elle soit désormais un acquis. Or, estiment les sources proches des milieux syndicaux, cet accord est même jugé comme un accord historique, si on se réfère à son origine. En fait, c’est la première fois, dans notre pays, qu’une telle prime est accordée aux enseignants du fondamental, du secondaire, et autres général et professionnel. Elle n’existait que pour le supérieur, d’autant que les enseignants, ici, pour leur avancement en grade, doivent faire des publications. Ce qui exige des travaux de recherche ;ce qui n’est pas le cas pour les autres ordres d’enseignants qui, eux, gagnent leur titre par inspection.

Mais l’Etat, pour améliorer la qualité de l’enseignement, a dû octroyer cette prime de documentation aux enseignants pour qu’ils préparent mieux leurs cours, en achetant des ouvrages. Si les syndicalistes s’étaient tenus au respect de leurs propres engagements, ils auraient pu abandonner la prime de logement qui fait discorde, pour les raisons que l’on sait, au profit de la prime de documentation qui leur est désormais accordée.

Mais non ! Ils durcissent leur position en dépit des acquis sur leurs doléances. Aujourd’hui, il n’y a que trois points de désaccord sur les dix qu’ils ont été soumis à l’appréciation du gouvernement. Pour tous les observateurs sérieux, il n’y a pas matière à radicaliser un mouvement syndical face à une telle avancée notoire.

Ce n’est donc pas par hasard que certaines sources disent que les motivations de ces grèves sont ailleurs. Au grand détriment de l’école et de l’écrasante majorité des enseignants qui sont ainsi les victimes silencieuses d’un maximalisme syndical qui les dépasse…

Bourama Keita

Nouvelle Libération

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