La bavure commise à Dioura le dimanche 17 mars 2019 et conduite par un déserteur de l’armée malienne, Ba Ag Moussa dit Bamoussa Diarra, allié d’Iyad Ag Ghaly, doit constituer une forme d’interpellation des consciences sur la question de l’intégration des déserteurs dans les rangs de l’armée nationale. Elle doit nous permettre de comprendre que la mort de Kouffa n’instaurera pas forcément la paix dans le centre du pays.
Suite à l’attaque perpétrée contre le camp militaire de Dioura dans la région de Mopti, ils sont 21 militaires maliens à perdre la vie. Il a eu également des blessés et des disparus. Cette attaque, selon les informations reçues, a été conduite par un commando accompagné de motocyclistes et de plusieurs véhicules, une dizaine. D’une envergure majeure, cette attaque qui a ravagé complètement le camp militaire de Dioura a été menée par «l’ex-colonel Ba Ag Moussa, alias Bamoussa Diarra, qui a rejoint dès 2012 les rangs des groupes armés, proche du jihadiste Iyad Ag Ghali, chef du GSIM, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans », selon la RFI. Cette information a été également confirmée par Jeune Afrique qui précise : «Selon l’armée, l’attaque de dimanche a été menée par « des groupes terroristes sous le commandement de Ba Ag Moussa », dit Bamoussa, un ex-colonel ayant rejoint les rangs jihadistes en 2012 et considéré comme un proche du Touareg malien Iyad Ag Ghaly, qui dirige la principale alliance jihadiste du Sahel. »
À en croire aux informations que nous possédons,Bamoussa a déserté les rangs de l’armée malienne en 2006 pour rejoindre le camp ennemi avant d’y revenir plus tard pour y quitter à nouveau en 2012 pour « rejoindre la coalition groupes armés opposés aux troupes régulières maliennes ». Cet homme serait à la tête de plusieurs attaques au nord du Mali notamment à Aguelhoc, Ménaka, Tessalit et Kidal voire dans le centre du pays comme à Niono, Nara, Diabaly.
En tant que proche de Iyad Ag Ghaly et donc membre du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), cette attaque conduite par Bamoussa doit servir de leçon aux autorités maliennes et internationales. Elle doit interpeler les consciences. Il s’agit de cette question épineuse de la réintégration des déserteurs au rang de l’armée régulière. ChoguelKokallaMaiga et IssiakaSingaré dans leur livre Les rebellions au Nord du Mali : de ses origines à nos jours, ne nous précisent-ils pas que ce sont ces genres de situations qui ont toujours constitué un problème au sein de l’armée dans la mesure où ces déserteurs fournissent de l’information aux ennemis sur leurs frères d’armes. Cela, parce qu’ils sont convaincus que la porte leur restera ouverte pour qu’ils fassent la navette. C’est aussi pour cette raison que Konimba Sidibé du Mouvement pour un Destin Commun (MODEC) a désapprouvé la décision des autorités maliennes de recevoir au rang de l’armée malienne plus de 400 déserteurs. « Y a-t-il de crime plus grave au sein d’une armée que le fait qu’un militaire déserteur retourne son arme contre son propre frère d’armes? Assurément, non ! Car, la fraternité d’armes et la loyauté sont au cœur de toute armée. Et, pourtant, le Gouvernement du Mali vient d’annoncer, tambour battant, la réintégration de plus de 400 militaires déserteurs, dont certains ont retourné leurs armes contre l’Armée malienne en rejoignant les groupes armés indépendantistes ou djihadistes du Nord du Mali », disait-il.
Le service militaire demande la loyauté et le dévouement. Mais, tant que les autorités continueront à accepter dans le rang des forces armées et de sécurité des hommes qui trahissent le pays et leurs frères d’armes pour rejoindre les ennemis, il serait difficile, voire impossible, d’avoir une armée solide. Nous serons toujours butés à ces genres de bavures qui touchent profondément à la mémoire collective.
L’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus est certes un document pour lequel le Mali a donné son assentiment même si nous ignorons dans quelle circonstance, mais faut-il rappeler que l’application intégrale du contenu de cet accord coûtera cher à ce pays qui se désintègre de jour en jour. Il est temps de veiller à l’application de l’article 117 du Code militaire qui recommande : «Est puni de mort, tout militaire coupable de désertion à l’ennemi».
Notons que cette attaque tout comme le massacre d’Aguelhoc en 2012 a créé une psychose totale. Elle a été condamnée par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies au Mali, Mahammad Saleh Annadif, en ces termes : « Je condamne dans les termes les plus forts cette attaque contre les FAMAs qui sans nul doute renforcera leur détermination dans l’accomplissement de leur mission ». De même, le chef d’État malien, Ibrahim Boubacar Kéita, l’a également condamné : « Toutes nos pensées pour les fiers soldats de l’Armée Malienne tombés ce jour à Dioura dans l’accomplissement de leur mission de sécurisation des biens et des personnes face à un ennemi lâche. Le Mali et son Peuple sont unis et déterminés contre ces actes ignominieux ».
On peut être amené à se demander si ces condamnations sont sincères. Comment comprendre que malgré la présence de la MINUSMA, de la force Barkhane, des militaires du G5 Sahel, ces genres d’incidents continuent d’être le quotidien des Maliens ? « Les violences djihadistes persistent dans le pays, avec deux cent trente-sept attaques recensées en 2018, soit onze de plus qu’en 2017, selon l’Organisation des Nations unies », lit-on dans le quotidien français Le Monde.
Cette attaque dans le fief d’Amadou Kouffa, membre du GSIM, qui avait été annoncé pour mort avant qu’on le voie apparaitre sur une vidéo ;cela après un démenti de son mouvement, est un message clair. Tous ces faits devraient interpeler les consciences. C’est la raison pour laquelle à la date du 30 novembre 2018, nous avions titré dans les colonnes de notre journal, Le Pays, ‘’INSECURITE AU CENTRE MALI : La mort de Kouffa n’est pas synonyme de la paix !’’ Les faits sont en train de donner raison à tous ceux dont nous craignions.
Dans cette situation, il serait mieux pour les autorités d’accentuer la sécurisation de ces zones par le renforcement de leur présence.
Fousseni TOGOLA
Le Pays