Depuis un certain temps, les masses laborieuses du Mali prennent note de certains actes posés par de hauts dignitaires de la République :
– D’abord, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, un ministère des Affaires religieuses et du Culte a vu le jour. C’était pendant la période de transition qui a succédé au CNRDRE (Comité national de redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat). Pourquoi ce ministère sous Dioncounda Traoré ?
Le temps se chargera de rétablir la vérité sur les vrais mobiles de la création dudit ministère. Loin de nous un quelconque sentiment anti- religieux, mais force est de rappeler que depuis fort longtemps le peuple malien avait toujours su entretenir son sentiment religieux sans la moindre renonciation à son éducation millénaire de bon voisinage entretenu par des relations de fraternité, de parenté, de cousinage. Ce savoir vivre de notre peuple est transmis de génération à génération par les dépositaires de nos valeurs culturelles ancestrales que sont les hommes de caste comme les forgerons, les griots, les cordonniers.
Ces valeurs de civilisation avaient jusque là étaient entretenues entre les Maliens sans discrimination aucune et sans le moindre sentiment de distinction de religion ou de croyances traditionnelles.
Il convient de rappeler à ce niveau que le peuple malien n’est pas plus religieux aujourd’hui que sous la première République et pour cause : la probité morale, le sens de l’honneur, de la dignité, le don de soi pour la cause de la collectivité, la peur de mentir à son prochain, de voler, de s’adonner à l’adultère, à la débauche, à la prostitution sous toutes ses formes, étaient entre autres des vertus cardinales ayant la fierté de notre peuple laborieux.
Est-il besoin de dire que toutes ces qualités sont jetées à la poubelle de l’histoire en dépit de la montée fulgurante de la pratique de la prière et du jeune musulman au Mali ?
Pour résumer cette triste réalité de la démagogie religieuse de l’écrasante majorité des Maliens qui se font passer aujourd’hui pour des hommes de Dieu, il suffit de jeter un clin d’œil sur les actes peu recommandables de bien d’entre eux.
En tout cas, si la religion a avant tout pour gage de fonder chez les hommes un comportement décent, aujourd’hui, il n’est pas exagéré de dire que cette décence prônée par le prophète Mohamed (PSL) et ses disciples est classée dans le musée de l’histoire des religions au Mali.
Comme le dirait l’autre, la religion a manqué à son but qui est de faire de l’homme un être humain au regard tourné vers le ciel et par là même étranger aux sensations humaines. En lieu et place des vertus cardinales de l’islam, nous constatons aujourd’hui que les femmes et les hommes se cachent de plus en plus derrière cette religion pour commettre leur forfaiture ignoble.
Aujourd’hui, la prolifération des sectes religieuses musulmanes tirent sa source de l’irresponsabilité des hommes politiques dans la conduite des affaires de l’Etat. En lieu et place des hommes politiques ces sectes ont occupé le terrain politique à tel point que la République se noie de plus en plus dans les calculs machiavéliques aux masques religieux.
Aujourd’hui, si l’intégrisme religieux connait une ascension vertigineuse c’est avant tout parce que les gouvernants et les hommes politiques ont foulé au pied le principe de la laïcité jusque là en vigueur dans les textes juridiques et administratifs en République du Mali.
Qu’est- ce à dire : la laïcité ? Sans vouloir ouvrir ici une page d’histoire, il convient de rappeler que c’est à la faveur de la Révolution française de 1789 que la nécessité d’une séparation nette de l’Etat et de l’église s’est imposée au regard de la volonté du peuple français de choisir en toute liberté son destin sans la moindre restriction de l’église comme c’était le cas avant. C’est alors dire que la laïcité se veut le caractère de ce qui est laïc, indépendant des conceptions religieuses ou partisanes.
La laïcité de l’Etat est donc un système politique qui exclut les églises de l’exercice du pouvoir politique ou administratif et en partie de l’organisation de l’enseignement public. Laïciser signifie tout simplement soustraire les affaires de l’Etat à l’autorité religieuse.
Au Mali, le constat est tout autre : partout, contrairement à l’esprit de la Umma islamique les mosquées poussent de terre comme des champignons à la bénédiction des hommes politiques sans la moindre considération de cette grande personnalité du monde arabo-musulman que fut le prophète Mohamed (PSL).
– En plus de la création du ministère des Affaires religieuses et du Culte, d’autres faits troublants sont posés au haut sommet de l’Etat malien, entre autres :
– Ibrahim Boubacar Keïta a assisté, on ne sait à quel titre et pour quelles fins, au Mahouloud de Ousmane Chérif Madani Haïdara. C’était en décembre 2016. Le constat curieux à ce niveau c’est que le président IBK n’a pas honoré de sa présence le même Mahouloud des autres prêcheurs et leaders religieux musulmans. Il faut dire ici que nous n’avons rien contre Haïdara.
Mais force est de s’interroger sur cette attitude du président de l’Etat malien qui se veut laïc. Que veut-il donc dire à notre peuple laborieux qui l’a porté au pouvoir avec 77,66% des suffrages exprimés ? Le temps en dira davantage.
– De son côté, le président de l’Assemblée nationale du Mali, l’honorable Issaka Sidibé, 2èmepersonnalité de la République a organisé ici à Bamako une rencontre internationale de haut niveau sur l’islam. Ce qui semble curieux à ce niveau, c’est que cette 2ème personnalité du Mali, a selon nos sources envoyé une délégation chez Haïdara pour recevoir des bénédictions. En tous cas, ça fait peur et c’est vraiment inquiétant au regard de la laïcité de notre Etat. En ce que l’on sache le Mali n’est pas une République islamique.
– A son tour, selon toute vraisemblance, le président de la Commission d’organisation du sommet Afrique-France, des 13 et 14 janvier courant, est allé lui aussi demandé la bénédiction du même Chérif Haïdara. Cela est encore curieux ! En tout cas, il faut cesser de se berner d’illusions : aucune bénédiction ne peut sauver le Mali sinon nos soldats n’allaient pas perdre la bataille de Kidal, en mai 2014.
– L’autre fait plus marquant c’est que la nouvelle ambassadrice de France au Mali Evelyne Ducorps a rendu visite au guide spirituel Haïdara. Qu’est-ce que la France vise par cet acte ? L’histoire nous en dira plus.
La seule certitude c’est que depuis le temps des guerres de conquêtes coloniales, la France s’est toujours appuyée sur des leaders religieux pour créer de toutes pièces des foyers de tensions voire des conflits armés fratricides sur le continent africain. La France est présente aujourd’hui sur le sol malien au motif de la lutte contre le terrorisme transcontinental.
Aller savoir ce que la mission Sangaris a réalisé en terre libre et fraternelle de la République sœur de Centrafrique ! Là-bas, les plaies de la religion dite de religion entre chrétiens et musulmans resteront encore longtemps béantes, hélas ! Dans tous les cas, le temps jugera le cas malien.
Mais ce qu’il faut dire aujourd’hui, c’est que les gouvernants successifs de la République du Mali post Moussa Traoré ont échoué sur toute la ligne à redonner confiance à notre peuple. En tout cas, il faut dire avec juste raison que l’homme qui a réussi le vote plébiscite, en 2013, n’a pas rien à proposer à son peuple : l’échec est patent à tous les niveaux à tel point qu’il ne lui reste qu’à chercher des bénédictions de chefs religieux. Cela n’est plus un secret pour personne même pour les aveugles de la politique.
Ce qui nous semble donc utile aujourd’hui, c’est que le président de la République doit dire au peuple souverain du Mali qu’il a échoué et qu’il faut repartir sur de nouvelles bases en organisant les concertations nationales tant réclamées par les forces vives de la nation depuis la chute du régime conteur de Amadou Toumani Touré (ATT).
Il faut préciser ici qu’il ne s’agit nullement des concertations réclamées à cor et à cri par des femmes et des hommes qui n’ont plus rien de bon à proposer à notre peuple quand on sait qu’ils sont entièrement comptables de la gestion calamiteuse des affaires du Mali par Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré.
Pour nous, il s’agit des concertations radicalement nouvelles qui tourneront définitivement cette page sombre et douloureuse des vampires de la troisième République. C’est la seule voie pouvant sortir notre pays de ce chaos dans lequel les ‘’démocrates’’ maliens l’ont ratatiné.
Il n’est jamais trop tard pour celui qui veut bien faire. Le président IBK doit s’adresser à son peuple pour solliciter son concours patriotique pour le sursaut national dont le Mali a besoin aujourd’hui.
Vive le respect de la laïcité de l’Etat malien !
Fodé KEITA
Source: L’inter de Bamako