Le soir du 14 avril 2014, il y a 5 ans jour pour jour, 276 lycéennes, âgées entre 12 et 17 ans, étaient enlevées par Boko Haram dans le nord-est du Nigeria. Le groupe jihadiste avait alors pris d’assaut leur internat pour jeunes filles du lycée de Chibok avant de les emmener de force. Alors, aujourd’hui, que sont devenues ces lycéennes ?
Elles sont toujours 112 jeunes filles captives de Boko Haram, cinq ans maintenant après leur enlèvement. Mais certaines ont eu plus de chances, si l’on peut dire. Le soir même des faits, le 14 avril 2014, 57 d’entre elles parvenaient à s’échapper, 107 autres seront finalement libérées, soit en s’enfuyant également, soit libérées par l’armée ou bien encore au terme de négociations.
Mais la liberté ce n’est pas tout. Ces jeunes filles ont bien souvent rencontré des difficultés pour se réintégrer, pour se faire à nouveau à la vie quotidienne. Des sources médicales ont fait état de syndromes de Stockholm, le fait de développer un attachement à son ravisseur, certaines affichaient des troubles traumatiques. Il y a même des jeunes filles qui auraient refusé d’être libérées.
Certaines sont devenues mères pendant ou peu après la fin de leur captivité, elles ont été abusées. En tout cas, un membre de l’Unicef ayant rencontré quelques lycéennes libérées affirme qu’elles ont retrouvé leur famille, mais pas toutes c’est certain. Il disait aussi que la plupart des filles libérées ont repris leurs études et qu’elles ont de l’ambition.
Dès 2016 d’ailleurs, on se souvient que 21 d’entre elles avaient reçu l’aide d’un milliardaire américain pour cela. Robert Smith leur a payé leur scolarité à la prestigieuse université américaine du Nigeria, située à Yolo dans l’État d’Adamawa.
■ Témoignage : des familles dans l’attente de nouvelles
Yakubu Nkeki, préside le collectif des familles de Chibok. Il déplore le manque de transparence des autorités concernant les discussions avec les jihadistes. « Après 5 ans, on constate un sérieux traumatisme parmi les familles. Nous, les parents des filles de Chibok, nous demandons au gouvernement de redoubler d’efforts pour les retrouver. Si au moins les autorités pouvaient nous dire si elles sont en vie ou non. Cela nous aiderait. C’est très difficile pour nous tous. Nous n’avons aucun détail, aucune information fiable sur l’endroit où nos filles sont détenues. C’est triste. Le traumatisme est tel, que plusieurs parents en sont morts. Nous avons besoin de savoir. Nous avons besoin d’informations crédibles. Nous voulons en savoir plus sur l’état des négociations. »
■ Reportage : les difficultés de scolarisation dans le nord-est du pays
Quelques chiffres qui aident à comprendre. Depuis le début des violences, 1 400 écoles ont été détruites, selon l’agence onusienne pour l’enfance. L’année dernière encore, 180 nouveaux enlèvements, parfois dans les écoles justement. Mais derrière les statistiques il y a l’humain et le quotidien.
Les enfants sont les premiers touchés pour Pernille Ironside, responsable de l’agence onusienne pour l’enfance au Nigeria. « Plus de 2,8 millions d’enfants ont un besoin urgent d’accéder à l’éducation de base. La plupart d’entre eux n’ont pas été à l’école pendant des années, certains n’y ont même jamais été. Beaucoup d’entre eux ont souffert d’un grand traumatisme après avoir été déplacés ou avoir fui les combats. »
Mais pour enseigner, encore faut-il qu’il y ait des professeurs. Au moins 2 295 d’entre eux ont été tués depuis le début des violences. Au total, près d’1,7 million de personnes ont été déplacées, alors dans les camps la situation est très compliquée. « Il y a des professeurs parmi les déplacés qui sont volontaires pour enseigner, poursuit Pernille Ironside, il y a même des militaires qui sont volontaires pour enseigner, mais c’est juste qu’il n’y a pas assez de moyens humains et de ressources pour s’assurer que le système éducatif fonctionne. »
Or ce qui ne s’apprend pas aujourd’hui c’est autant de perdu pour demain. Pernille Ironside est vraiment inquiète, cette situation ne s’arrange pas et aura forcément des conséquences sur le futur de tous ces enfants.