Un remède pire que le mal. Le décret anti-immigration de Donald Trump, signé au nom de la sécurité des Etats-Unis, pourrait bien avoir l’effet inverse et se retourner contre le pays, estiment des experts, qui prévienne que la mesure pourrait au contraire accroître la menace d’attaques terroristes.
Les experts estiment que le décret risque d’augmenter le sentiment de victimisation chez certains musulmans radicalisés et compliquer les efforts des autorités américaines pour obtenir la coopération de la communauté musulmane.
Donald Trump, le « meilleur recruteur pour l’Islam »
Dès le lendemain du décret, des djihadistes célébraient sur les réseaux sociaux « une victoire », saluant Donald Trump comme le « meilleur recruteur pour l’Islam » selon le Washington Post. De nombreux djihadistes faisaient aussi le parallèle entre ce décret et l’invasion « bénie » de l’Irak en 2003 par les Etats-Unis qui a ouvert les vannes du ressentiment contre l’Occident dans le monde musulman.
« Nous savons que des groupes vont utiliser cela dans leurs tactiques de recrutement », a déclaré David Ibsen, directeur de l’ONG Counter Extremism Project. « La propagande [de Daesh] et d’Al-Qaïda cible un bassin très large de personnes. Et de l’exposition à cette propagande au fait de mener une attaque, nous savons que la mèche est très courte », ajoute-t-il.
« Cela a créé un avantage pour Daesh »
« Cela ne rendra pas l’Amérique plus sûre », renchérit Farah Pandith, une ancienne responsable de la sécurité nationale dans les administrations de George W. Bush et de Barack Obama, spécialisée dans la lutte contre la radicalisation. « Cela a créé un avantage pour l’EI ».
Dans une lettre ouverte, plusieurs dizaines d’anciens collègues de Farah Pandith ont estimé que ce décret envoyait « le mauvais message à la communauté musulmane dans le pays et de par le monde » : l’idée que le gouvernement américain est « en guerre contre eux » sur la base de leur religion. Les signataires se disent convaincus que cette décision aura « un impact négatif à long terme » sur la sécurité nationale des Etats-Unis.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a estimé mardi que le décret « déclenche une vague d’anxiété et de colère qui peut faciliter la propagande et organisations terroristes que nous voulons tous combattre ».
Aucun des auteurs d’attaques n’est originaire des pays de la « liste noire »
Donald Trump lui a clairement fait un lien entre les récentes attaques en Europe à l’accueil de réfugiés musulmans, accusant la chancelière allemande Angela Merkel d’avoir commis « une erreur catastrophique » en ouvrant son pays aux réfugiés syriens, dans une interview datée 15 janvier.
Or ces affirmations sont largement contestables soulignent les experts. Aux Etats-Unis et en Europe, la plupart des auteurs des récentes attaques étaient citoyens du pays visé. En outre, aucun n’est originaire des pays mentionnés sur cette « liste noire » : Syrie, Iran, Irak, Soudan, Yémen, Somalie et Libye. « Tous les pays qui présentent un risque de radicalisation ne sont pas sur la liste », fait valoir David Ibsen.
En Europe, la plupart des assaillants étaient originaires d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie. Les auteurs des attaques au camion du 19 décembre à Berlin et du 14 juillet à Nice, étaient tous deux Tunisiens.
Aux Etats-Unis, les auteurs de l’attaque du marathon de Boston en avril 2013 étaient deux frères d’origine tchétchènes l’un naturalisé Américain, l’autre en passe de l’être. L’attaque de San Bernardino de décembre 2015 a été menée par un homme né à Chicago d’une famille pakistanaise et par sa femme, née au Pakistan, et de nationalité saoudienne. Quant à Omar Mateen, le tueur dans le massacre de boîte de nuit d’Orlando, est né aux Etats-Unis dans une famille d’immigrés afghans.
Avec 20 Minutes