Le QG du commandement du G5-Sahel déserte les théâtres d’opérations au Centre du Mali ! En effet, après l’attaque djihadiste contre ses locaux à Mopti, en juin 2018, le commandement de cette force militaire conjointe s’est replié à Bamako pour y implanter son siège dans le quartier de Badalabougou. Ce qui provoque l’ire des habitants de ce quartier populaire et même des populations de la commune V. Explication.
Cela fait 05 mois maintenant que la population de la Commune du district de Bamakoest mobilisée pour empêcher par tous les moyens légaux qu’on ne transforme le quartier de Badalabougou en une base militaire de lutte contre le terrorisme au Sahel. Cette révolte citoyenne a débuté suite à la décision des autorités de transférer le QG de la force conjointe de G5-Sahel à Bamako, précisément dans ce quartier populaire (Badalabougou). Là, la force militaire sous-régionale sera logéedans les locaux de la messe des officiers. Les habitants de ce quartier (peuplé) estiment que l’installation de cette base-militaire fera d’eux de probables cibles d’attaque terroriste. Insistant sur le fait que les terroristes sont des individus qui mènent une guerre asymétrique contre l’Etat, et que ce dernier se doit toujours d’œuvrer à « protéger les populations civiles contre eux et non à les exposer à des risques ».
Conscients des risques qu’ils encourent, les habitants deBadalabougou et de ses environs, accompagnés parplusieurs associations regroupés au sein du Front Patriotique pour la Libération du Mali,sont plus que déterminés afin d’avoir gain de cause. En effet, ils ont organisé un sit-in de trois jours (22 au 24 mai dernier)devant la messe des officiers. Objectif ? Alerter l’opinion nationale et internationale sur la situation en cours, mais surtout démontrer leur opposition à cette décision…
Repli sur Bamako !
Face à cette situation, l’opinion s’interroge : Pourquoi installer une force censée combattre les terroristes dans le Sahel au cœur de Bamako et à des milliers de kilomètres de ces zones d’actions ?
Le G5-Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad)a été créé le 16 février 2014 à Nouakchott en République Islamique de Mauritanie. C’est est un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité. Il s’est doté d’une Convention signée le 19 Décembre 2014 et a son siège en Mauritanie. Il a essentiellement pour objet d’œuvrer à maintenir, dans ses pays membres, la sécurité, de promouvoir le développement et la bonne gouvernance en toute coordination. Sur le plan sécuritaire, il est doté d’une force constituée par les armées de ses pays membres dont le rôle principale est la lutte contre le terrorisme au Sahel. Les chefs d’Etat membres ont adopté le projet de création de cette force le 06 février 2017 à l’issu de plusieurs rencontres. Le 21 juin de la même année, son déploiement sera salué par l’ONU à travers une résolution du conseil des sécurités sans lui octroyer de mandat onusien donc de financement. Cette force, depuis sa création, est confrontée à de multiples problèmes. De son déploiement à aujourd’hui, elle n’a pu réellement fonctionner par manque de source de financement afin de mener ses opérations…
Le 29 juin 2018, le QG de cette force militaire conjointe a été la cible d’une attaque terroriste à Sévaré.Bilan ? Six morts, un militaire et 5 civils. Cette attaque est survenue trois jours avant la rencontre entre les présidents du G5-Sahel et le président français, Emmanuel Macron.Au-delà, cette attaque a révélé au grand jour l’impuissance de cette force et sa capacité réelle à relever les défis auxquels elle doit faire face.
Après ce drame, ainsi que les défaillances qu’elle a révélé sein de la force conjointe,deux décisions ont été prises par ses dirigeants, notamment le limogeage de son Commandant, le Gal Didier Dacko et l’installation de son QG à Bamako (Badalabougou). Pour certains observateurs de la situation sécuritaire au Mali, c’est par sa faiblesse, son incapacité à se protéger dans des zones de conflit à haut risque qu’il a été décidé de transférer le QG du G5-Sahelen plein cœur de la capitale et au milieu des habitants dans un quartier aussi habité. Quelle fuite en avant !
Silence de carpe des autorités !
Selon les manifestants que nous avons rencontrés, ils ont entamé des démarches afin de signaler le problème à toutes les autorités compétentes sur les dangers que courent la population de Badalabougou et même de Bamako avec l’installation du QG de la force G5 en cet endroit. Aussi, des correspondances ont été envoyées à différents départements ministériels: ministère de la Défense et des anciens combattants, de la Sécurité,de l’Administration territoriale, au gouvernorat ainsi qu’à la mairie de la commune V. Malgré tout, aucune de ces autorités n’a daigné à agir. Ensuite, une pétition a été signée par des milliers de personne contre l’installation de cette force dans leur quartier et elle a été déposée à la mairie de la Commune V. Elle (pétition) est restée sans suite. Il leur a fallu attendre, le 05 mai dernier, pour qu’une délégation des protestataires soit reçu en audience au gouvernorat du District de Bamako. Le gouverneur leur a promis de faire tout son possible pour un dénouement heureux decette affaire, tout en reconnaissant les fondements de leurs inquiétudes. Les promesses du gouverneur sont aussi restées sans effet et plus le temps passe, plus les réaménagements du bâtiment de la messe des officiers continuent pour offrir au commandement du QG toutes les commodités et le confort loin des théâtres d’opérations…
Cependant, les manifestants réunis au sein du Front pour la Libération du Mali se disent déterminés à aller jusqu’au bout. Ce front est composé de plusieurs groupements comme l’association des femmes veuves des Militaires tombés sur le front, une association implantée à Kati. Il y avait aussi la présence d’une forte délégation des réfugiés du Centre logés à Magnambougou. Ils sont venus apporter leur soutien aux manifestants en tant que victime de cette même insécurité. Le sit-in de trois jours aregroupéune centaine de personnes et bloquant la route qui passe devant la messe des officiers. Munis de tout ce qu’il faut concernant la rupture du jeûne, ils ont passé les trois nuits devant ce bâtiment militaire sous l’œil vigilant d’une dizaine de policiers présents.
Loin de baisser les bras, les manifestants ont annoncé la tenue d’une Assemblée générale, aujourd’hui, jeudi 30 mai, sur le lieu de protestation. L’ordre du jour ?Lancement d’un ultimatum aux autorités pour l’annulation pure et simple de l’implantation de cette force militaire dans leur quartier.
Ousmane Dembélé
L’Aube