Le président de la République du Mali Ibrahim Boubacar Kéita a raté l’occasion de se taire. A chacune de ses sorties médiatiques, il commet des erreurs impardonnables. La dernière en date, c’est l’interview exclusive qu’il a accordée à nos confrères de Jeune Afrique. Dix mois après sa réélection à la magistrature suprême du pays, IBK a démontré qu’il est incapable de sortir le Mali de la crise. Pire, il a étalé un Mali pitoyable, impuissant, assisté, rien de plus. Voici le résumé succinct de cette interview qui démontre à suffisance que le président plébiscité a fini de ruiner la légitimité, la crédibilité et même la créativité de toutes les femmes et tous les hommes, les acteurs et les collectifs qui ont pour certains de bonne foi voulu servir la nation à ses côtés. Il s’est suffisamment employé à les retourner les uns contre les autres, faire imploser d’autres et, enfin de compte, créer le vide autour de lui et dans la direction du pays. Résultat : le pays tourne à vide.
Interview d’IBK dans Jeune Afrique. Quelques mots :
– Le même IBK, féru d’histoire, latiniste non au sens des mots utilisés mais de la référence au double socle gréco-latin; insiste sur son amour du Mali, laisse transparaître un nationalisme pourtant à bout d’épreuve au regard de l’impuissance de l’action publique. Il dit que Kidal ne sera jamais ce que fut le Katanga dans l’actuelle RDC;
– On le sent fâché contre SOUMI pour avoir boudé le dialogue politique (où TiébléDramé a rallié le gouvernement), d’où ses mots durs sur la bouderie d’un seul homme, inconsolable de ne pas être à Koulouba;
– Il ajoute que l’égo d’un seul homme ne vaut pas 20 millions de Maliens;
– C’est dans la partie sur l’entrée de Tiéblé au gouvernement (si virulent jadis) que le Président s’illustre mieux en communication imagée et symbolique. Sans prononcer le nom, IBK convoque l’histoire, une partie de culture délicieuse à lire; le dialogue politique à venir ne sera pas une conférence nationale ni un 3ème tour de l’élection présidentielle ; il faut que cela soit clair, dit-il;
– Sur le départ de SBM dont il salue l’action primatoriale, il dit avoir averti les siens que ceux qui espèrent prendre sa place ne l’auront pas et qu’ils ne lui rendent pas service (lui IBK). À la question de savoir si Boubèye a un avenir politique, il répond qu’il a l’intelligence nécessaire pour ça et que tout le monde le sait ; reste à gérer son temps et faire montre de discernement;
– Sur la Minusma et Barkhane, un président désarmé, impuissant, bien qu’il salue vivement leur présence. Il dit avoir répété 100 fois que le mandat de la Minusma est restreint, ce que nous aussi disons ici tout le temps. Pourquoi donc ne pas négocier un mandat élargi au moment où beaucoup saluent l’action de Tiéblé Dramé bien qu’on n’ait rien vu d’abord de consistant à part l’activisme médiatique et surtout que le mandat de la MINUSMA vient d’être renouvelé ? Pourquoi le président et son ministre des Affaires étrangères n’ont pas, au moins, réussi à élargir ce mandat dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?
– Sur les équipements de l’armée, c’est là que j’ai trouvé le président le plus décevant. Élu en 2013 où aucun avion n’était en état de voler, dit-il, il a fait l’effort d’en acquérir quelques-uns avec la France. Ce qui est une bonne chose mais, il confirme que s’il a fait son récent déplacement au centre dans un Casa malien, les hélicos sont cloués au sol, faute de maintenance, et que lui n’était pas à l’aise de faire le reste du trajet dans un avion de la Minusma. Des avions cloués au sol faute de maintenance alors qu’on est en guerre ?
– A-t-il un dauphin pour 2023 ? Il répond que ce genre de projet ne prospère jamais, connaissant l’Histoire du pays.
Conclusion: là où l’on veut des actions fortes, si ce genre d’interview entre dans le cadre de la stratégie de communication du président, elle est sans impact sur l’opinion profonde des Maliens. Si l’interview s’adresse à l’extérieur, elle étale un Mali pitoyable, impuissant, assisté, rien de plus.
BABEMBA TOURAMAKANSI
Le Démocrate