Ibrim Boubacar Kéïta, président de la République depuis quelques années maintenant ; Boubou Cissé, Premier ministre, depuis le mois de mai dernier. Ce sont les deux têtes de l’exécutif malien. Les deux personnalités censées nous sortir de la crise multidimensionnelle que nous vivons depuis 2012. Peuvent-ils, ces messieurs, réellement, répondre aux attentes des Maliens ? Rien n’est moins sûr.
Le premier, Ibrim Boubacar Kéïta, préside aux destinées du pays depuis 2013. Il a achevé, péniblement, un premier mandat et entamé, depuis fin 2018, un second, très difficilement acquis. Le second, Boubou Cissé,a été bombardé, à la faveur de la démission de son prédécesseur, Soumeylou Boubèye Maïga, Premier ministre ; et depuis, de sa voix inaudible, il tâtonne, il a de la peine à imprimer sa marque.
Et pourtant, nos compatriotes attendent beaucoup, pour ne pas dire tout, de ces deux hommes qui, il faut le dire, ici, courageusement, ne peuvent s’enorgueillir d’aucun haut fait d’armes ; aucune référence digne de ce nom ; aucun acte partant duquel on peut espérer se diriger vers des jours heureux, pleins d’espérances.
Le premier, Ibrim Boubacar Kéïta, n’est plus à présenter. Il est l’un des rares, très rares Maliens, à qui le pays a tout donné, qui doit tout au Mali. Inconnu au bataillon jusqu’à l’accession d’Alpha Oumar Konaré (dont il a été l’invisible sinon obscur directeur de campagne adjoint) et l’Adema au pouvoir en 1992, il a su, comme tout bon «opportuniste», saisir l’occasion, se faire important et incontournable. Il se fera recruter par ce dernier au Palais de Koulouba. Premier boulot : lecture de la liste des membres du premier gouvernement. Résultat : on entendait à peine ce qu’il disait et tout le monde se demandait : «d’où vient-il celui-là ?».
Les Maliens découvraient, pour la première fois, celui qui, quelques années plus tard, allait tellement faire parler de lui. Celui dont les ambitions démesurées et l’amateurisme allaient amener le pays dans un tel gouffre ; celui qui, pour faire court, allait faire perdre à son pays tout son honneur et à ses compatriotes toute leur dignité : IBK.
L’homme sait ce qu’il veut, ne se préoccupe «que» de son confort personnel et est prêt à tout auprès de ses patrons pour arriver à ses fins. Ainsi, va-t-il exécuter à la lettre toutes les instructions et décisions d’Alpha Oumar Konaré, juste pour se faire passer pour un homme à poigne, montrant que les initiatives étaient siennes.
On finira, plus tard, par découvrir qu’il n’était qu’un homme de paille et qu’il n’est qu’un bon exécutant comme le dit si bien son patron de président qui, pourtant, nous avait, à plusieurs occasions, mis en garde, prévenu au sujet de l’homme et de ses goûts pour l’extravagance, le luxe.
Nombreux sont les Maliens qui se souviennent de son auto-proclamation, au début des années 2000, comme «candidat naturel» de l’Adema-PASJ à la présidentielle de 2002. Mal lui en avait pris ; car, celui dont il se réclamait dauphin, Alpha Oumar Konaré, ne voulait pas de lui, savait qu’il allait faire un très mauvais président ; sans compter plusieurs de ses camarades au sein du parti qui lui ont barré, et à visage découvert, la route de Koulouba. Il l’on a chassé du parti et même… du pays.
En effet, «les rénovateurs», comme ils se faisaient appeler, à savoir, Mme Sy Kadiatou Sow, Soumaïla Cissé, Soumeylou Boubèye Maïga (pour ne citer que ceux-ci), n’avaient pas la même conception que IBK, alors Premier ministre, de la candidature du parti à la présidentielle de 2002, qui s’annonçait et qui avançait à grands pas. Pas question pour eux, militants de la première heure, de laisser un «bourgeois», «militant de la 25èmeheure», s’emparer du parti, le contrôler, et l’utiliser pour accéder à Koulouba. Ainsi, s’enclencha une lutte farouche contre le président de l’Adema qu’il était à l’époque.
La suite est connue : il (Ibrim Boubacar Kéïta) a mordu la poussière, démissionna de la tête du parti, renonça, définitivement, à devenir le porte-étendard des Abeilles à la présidentielle et s’exila, longtemps, au Togo et en Côte d’Ivoire. Le reste de son histoire jalonnée d’échecs est facile à résumer : pour le consoler, ATT l’a aidé (comme une nomination) à obtenir un poste de député à l’Assemblée nationale. Un poste qu’il n’aurait jamais obtenu face à la détermination d’un certain Moussa Mara, n’eussent été la largesse légendaire et l’insistance du même ATT. Il n’aurait même pas été président de l’Assemblée nationale.
Élu président de l’Assemblée nationale, il ne se passe un seul jour sans qu’il «ne morde la main qui l’a nourri». Il ne se passait un seul jour sans qu’il ne vilipende ce dernier qu’il accusait de tous les maux. On le soupçonne même d’être de ceux qui ont encouragé le coup d’Etat de 2012.
Pour ce qui le concerne, en tout cas, même s’il n’a rien à voir avec ce ridicule putsch (ce qui reste à prouver), il est celui qui en a tiré le plus grand profit et les plus grands bénéfices. Sans le coup d’Etat, il n’aurait jamais été président de la République du Mali. Il le sait et son entourage en est convaincu ; la majorité de ses soutiens pensent même qu’il n’aurait, d’ailleurs, jamais dû l’être ; tellement, ils sont déçus aujourd’hui.
Pour ce qui concerne le second, à savoir le Premier ministre Boubou Cissé, il a été révélé aux Maliens ou est arrivé comme un cheveu dans la soupe. Illustre inconnu au bataillon, peut-être, parce qu’il avait un demi-frère très proche de la famille présidentielle (un certain Léo), il a été nommé ministre dans le premier gouvernement d’IBK ; celui dontla composition a «réveillé des morts», tellement il était en déphasage avec les réalités du pays.
Ministre des mines, même s’il ne s’est pas illustré de manière extraordinaire, il s’est vu, une nouvelle fois, à cause de l’entregent de l’ancien Premier ministre Modibo Kéïta (chez qui il a habité en Allemagne et fait une partie de ses études), «bombardé» ministre de l’Economie et des Finances.
Les Maliens se demandent encore, comment, sur quelle base, selon quels critères, le président IBK lui a confié la primature. Lui qui, depuis son arrivée, n’a posé aucun acte positif dans le cadre des missions, à lui, confiées par le chef de l’Etat. Sur lui, c’est tout ce qu’on avait à dire pour le moment.
Makan Koné
Nouvelle Libération