L’ex-président sud-africain Jacob Zuma s’est farouchement défendu lundi devant une commission anticorruption de toutes les accusations de pillage des ressources de l’Etat qui lui sont reprochées en criant à la “calomnie” et à la “conspiration”.
“On m’a calomnié, on m’a présenté comme le roi des corrompus”, a dénoncé M. Zuma devant la commission, lors d’un monologue de près de trois heures improvisé et souvent confus.
“Il y a une conspiration contre Zuma”, a-t-il poursuivi, évoquant même un “complot visant à (l’)assassiner” qu’il a fait remonter à ses activités de chef des renseignements du Congrès national africain (ANC) pendant la lutte contre le régime de l’apartheid.
La commission anticorruption “a été créée pour me faire venir (rendre des comptes) ici et peut-être trouver des choses à me reprocher”, a-t-il estimé. “Il y a des gens qui n’auraient pas été satisfaits si je n’avais pas été en prison ou renvoyé”, a-t-il affirmé.
Englué dans les scandales, Jacob Zuma a été poussé à la démission en février 2018 et remplacé par le nouveau patron de l’ANC, Cyril Ramaphosa, qui a promis de tourner la page de la corruption.
L’ancien chef de l’Etat, 77 ans, est soupçonné d’avoir généralisé le pillage des ressources de l’Etat, notamment en favorisant illégalement les intérêts privés d’une sulfureuse famille d’hommes d’affaires dont il est proche, les Gupta.
– ‘Mensonge !’ –
Depuis un an, la commission anticorruption, présidée par le vice-président de la Cour constitutionnelle Raymond Zondo, a entendu des dizaines de ministres, élus, hommes d’affaires ou hauts fonctionnaires qui ont déballé au grand jour le linge sale de l’ère Zuma (2009-2018).
L’actuel ministre des Entreprises publiques Pravin Gordhan a accusé devant la commission l’ancien président d’avoir “autorisé un climat d’impunité permettant la corruption” et la “capture de l’Etat” par des intérêts privés.
M. Gordhan a chiffré à 100 milliards de rands (6 milliards d’euros) le montant des fonds publics détournés ces dernières années.
L’ancien chef de l’Etat a traité lundi toutes ces accusations par le mépris. La capture de l’Etat ? “C’est une exagération destinée à renforcer un scénario anti-Zuma”, a-t-il répondu.
“Des gens ont manifesté pour dire +Il est corrompu+. Mais qu’est-ce qu’il a fait ? Rien”, a-t-il poursuivi. “Quelqu’un qui a témoigné avant moi ici a dit que Zuma avait vendu le pays aux enchères. C’est un mensonge !”
L’ancien président s’est aussi longuement expliqué sur ses relations avec les Gupta.
“Je n’ai jamais rien fait d’illégal avec eux,ils étaient juste des amis”, a-t-il assuré en rappelant que les frères Gupta étaient également liés à ses prédécesseurs Nelson Mandela et Thabo Mbeki.
“Je me demande pourquoi m’accuser, pourquoi les gens pensent que ma relation avec eux (les Gupta) n’était pas correcte alors qu’ils avaient des relations avec les autres”, a relevé Jacob Zuma.
– ‘Nous contrôlons tout’ –
Il y a quelques mois, un de ses anciens ministres, Mcebisi Jonas, est venu raconter devant la commission comment les frères Gupta étaient venus lui proposer en 2015 le maroquin des Finances en échange de son aide pour obtenir des contrats et d’un pot-de-vin de 600 millions de rands (près de 40 millions d’euros).
Selon M. Jonas, Ajay Gupta lui a alors affirmé sans détour: “Vous devez comprendre que nous contrôlons tout (…) et que le vieux (Zuma) fera tout ce que nous lui dirons de faire”.
“Ca veut dire que je ne suis pas capable de faire mon travail (de président) et qu’il me faut quelqu’un d’autre (pour le faire) ?”, s’est amusé lundi Jacob Zuma.
Plusieurs dizaines de partisans de M. Zuma sont venus devant la commission lundi pour lui exprimer leur soutien.
“Il a été mon ami et mon camarade depuis trente ans, il mérite un soutien à cause de son énorme contribution à la lutte de libération”, a déclaré l’un d’eux, Carl Niehaus. “La commission doit faire son travail, mais de façon libre et honnête.”
Malgré toutes les accusations dont il fait l’objet, l’ancien président n’a toujours pas été formellement inculpé.
Il n’est pour l’heure poursuivi par la justice que dans une seule affaire de pots-de-vin versés en marge d’un contrat d’armement signé… il y a vingt ans.
AFP