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Production-Consommation: ou va le riz malien ?

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Le Magasine ‘’au cœur de l’économie’’, une coproduction de l’ORTM et de l’Agence de communication Spirit, ayant pour thème ‘’la filière riz’’ au Mali a été réalisé, avant-hier mardi, au Mémorial Modibo KEITA, pour sa deuxième édition. Le potentiel rizicole du Mali, la qualité, la compétitivité, les défis, les perspectives, voilà le plat de résistance qui devait assouvir l’appétit de nombreux compatriotes. Voyage dans l’univers du riz dans notre pays ?

Les invités de Sidiki DEMBELE étaient le Directeur national adjoint de l’agriculture, Oumar TAMBOURA ; Faliry BOLY, président de l’interprofession riz et de la a Plateforme nationale des productions (PNPR-M) ; Mahamadou KINTA du REDECOMA ; Souleymane DIALLO, de la Rizière royale du Mali (RRM) ; et, Issa SISSOKO représentant le Groupe Modibo KEITA. La présentation a été faite par Nianian Alou TRAORE. L’assistance très colorée comptait le ministre de l’Agriculture, Moulaye Ahmed BOUBACAR, ainsi que de nombreuses autres personnalités.

‘’Le Mali est le deuxième producteur de riz d’Afrique de l’Ouest après le Nigeria. Les dernières 50 années, la consommation annuelle du riz a augmenté de plus de 600 % (INSAT), alors le riz est devenu l’aliment de base au Mali’’, en raison notamment de sa qualité gustative recherchée. Selon les dernières enquêtes budget/consommation réalisées en 2006, la consommation par tête d’habitant au Mali est de 57,00 kg/an. Le riz devient ainsi la première céréale consommée en zone urbaine. Il a été noté que de manière générale, les populations rurales se nourrissent de plus en plus de riz importé (30 % des consommations en 2007 contre moins de 10 % dans les années 1990).

Les piliers de la production

La puissance rizicole de notre pays repose sur certains piliers.

En tête de ces supports, vient naturellement la zone Office du Niger qui demeure le principal pôle de production du riz qui est essentiellement assurée par des exploitations agricoles familiales. On y note des rendements variant entre 5 et 6 T/h. La zone Office du Niger produit environ la moitié de la demande nationale en riz.

Selon une note technique de l’Office du Niger, la superficie potentielle de la zone affectée en gérance à l’Office est de 2 458 682 ha.

La superficie disponible (non aménagée et non affectée) est estimée à 1 868 682 ha soit 76 % du foncier de l’Office du Niger. Un potentiel exceptionnel à aménager afin d’accroître la production agricole du Mali et contribuer à l’autosuffisance et à la sécurité alimentaire.

Il faut noter que tout le système d’exploitation repose sur le Barrage de Markala, long de 816 m et doté de 488 vannes mobiles est la pièce maîtresse des aménagements hydro-agricoles de l’Office du Niger.

En appoint à l’ON, il y a les offices riz :

L’Office Riz Mopti (ORM) est un Établissement Public à caractère Administratif (EPA) créé 1991 en lieu et place de l’opération riz Mopti. Son siège est à Sévaré. L’ORM a pour mission «de proposer et d’exécuter tous les programmes et projets concourant à la promotion de la filière riz». Elle couvre 39 080 ha de casiers aménagés dont 33 820 ha riz cultivables. En riziculture avec maîtrise de l’eau, l’ORM dispose de 12 sites de PPIV totalisant 364 ha. Actuellement l’ORM produit en moyenne environ 60 000 tonnes de riz paddy.

L’Office riz Ségou (ORS) est un Établissement public à caractère administratif chargé du développement rural intégré dans les cercles de Ségou et Baraoueli. Un contrat plan Tripartite (ORS, gouvernement, producteurs) est initié autour des objectifs, maîtrise de l’eau, intensification de la production, protection de l’environnement. L’ORS assure la gestion des terres rizicoles d’une superficie potentielle estimée à environ 34 000 ha. Sur cette superficie, a-t-on fait savoir lors du débat, 31 000 ha sont en exploitation.

L’Office du périmètre irrigué de Baguinéda (OPIB) est un établissement public à caractère industriel. Son rayon d’action porte sur les plaines rizicoles aménagées dans la région périurbaine de Bamako. Le périmètre couvre 3000 ha de terrasses alluviales sur les4500 ha que compte la vallée avec une production annuelle d’environ 12 000 tonnes de paddy.

L’Office de développement rural de Sélingué ODRS: il a été créé en 1996 pour prendre en charge les activités de développement rural dans le bassin du haut Niger. Les superficies irriguées sont de 1250 ha avec possibilité de double culture. En riziculture les superficies sont de 900 ha en saison et 850 ha en contre-saison. La production annuelle tourne autour 10 000 tonnes.

L’accroissement de la productivité découle aussi souvent des avancées de la recherche variétale. C’est pourquoi notre pays ayant essentiellement une vocation agro-sylvo-pastorale, dès 1960, a créé l’Institut d’économie rurale (IER). Elle a pour mission entre autres de contribuer à la productivité agricole par des recherches mieux adaptées aux besoins du monde rural. Elle vise aussi la préservation des ressources naturelles et l’accroissement de la sécurité alimentaire et les revenus des agriculteurs. Il dispose de deux grands programmes sur le riz. Ils sont basés à Niono et à Sikasso avec des antennes à Mopti, Diré et Gao. Les activités de recherche sur le riz sont souvent menées en partenariat avec des instituts de recherche internationaux et/ou autres systèmes nationaux de la sous-région.

Le potentiel

La contribution de la filière riz à la constitution au Produit intérieur brut est de l’ordre de 5 %, soit environ 220 milliards de francs CFA.

Selon différentes études, les riziculteurs maliens sont capables de couvrir 93 % des besoins du pays en riz. Ce, en raison des immenses potentialités dont regorge le pays.

Le DNA de l’agriculture a indiqué que les superficies exploitables tournent autour de 2 200 000 ha sur lesquelles seulement près de 19 % sont en exploitation.

M. TAMBOURA a fait savoir qu’au cours du dernier quinquennat, l’État a aménagé 100 000 ha. Aussi, selon les prévisions, 70 000 ha devraient être aménagés au cours des 5 années à venir.

Toutefois, fait-il savoir, si Ségou assure près de la moitié de la production rizicole nationale, il y a aussi les régions du Nord (20 %) et de Mopti (20 %) qui y contribuent considérablement.

Il y a donc une grande disponibilité des terres qui se bonifie avec une volonté politique affirmée des autorités d’accompagner les acteurs de la filière riz, notamment à travers la mise en œuvre de la Loi d’orientation agricole (LOA).

Pour lui, la valorisation du potentiel passe par : l’accélération du rythme des aménagements hydroagricoles ; l’accompagnement des producteurs, à travers la fourniture d’engrais, de semences améliorées, d’équipements et de bonnes pratiques agricoles.

Une Compétitivité du riz de l’Office du Niger assurée

Selon une étude de l’Office du Niger publiée en 2018, intitulée le ‘’marché du riz’’, l’avantage comparatif a été utilisé par Barry et al, pour analyser l’efficacité du riz de l’Office du Niger. Le coefficient de coût en ressources intérieures CRI, le ratio entre la valeur économique des facteurs non échangeables et les valeurs ajoutées des intrants échangeables par rapport au marché international est utilisé. Un CRI positif et inférieur à l’unité indique que le Mali a un avantage comparatif sur le marché spécifié. En d’autres termes, sur ce marché, il est économiquement rentable pour le Mali de produire et de commercialiser le riz que de l’importer sur le marché international. À l’opposé, un CRI supérieur à l’unité indique un désavantage comparatif. Les résultats des différentes analyses suggèrent que le Mali a un avantage comparatif pour la production du riz de l’Office du Niger sur son territoire.

Pourtant, selon le ministre de l’Agriculture, lors du débat, 37 milliards de nos francs ont été injectés en 2018 dans l’importation du riz. Et selon le rapport final de ‘’l’Étude sur les chaînes de valeur riz au Mali’’, présenté en octobre 2014, 45 % du riz commercialisé sur le marché national proviennent des importations.

Pour améliorer la performance de la filière riz au Mali, M. BOLY de l’interprofession de la filière préconise d’améliorer la gouvernance des organisations socio professionnelles. En apparence, les producteurs jouissent d’une bonne organisation et entretiennent de solides bases de collaboration avec les pouvoirs publics, mais cette observation masque de grosses insuffisances qui limitent les performances de leurs organisations, au risque de leur implosion.

Aussi, sollicite-t-il l’accompagnement des services techniques.

Le Président de la Plateforme a annoncé que face à prolifération de machines dont le riz égrené est de qualité douteuse, son organisation travaille à imposer les normes. Tout contrevenant verra son produit retiré du marché, a-t-il mis en garde.

Le Directeur national de l’agriculture rappelle que trois paramètres déterminent la compétitivité : la quantité, la qualité, le prix. Pour le dernier, a-t-il souligné, le Mali pratique l’un des prix les plus bas de l’espace UEMOA.

Souleymane DIALLO de RRM, après avoir salué la mise en place d’un dispositif d’accompagnement de la filière, souligne que la qualité dépend de la matière première (le riz paddy) et d’une unité de transformation aux normes. Il assure disposer de machines à la pointe de la technologie dont la qualité du riz égrené n’a rien à envier au riz importé.

M. KINTA, lui interroge sur la traçabilité du riz importé.

Pour ce qui est du prix, il estime qu’avec des engrais subventionnés, des exos distribués à tour des bras, il devrait être abordable.

Les difficultés

Le plus prolixe, parce qu’étant le mieux placé pour en parler est le Président de la Plateforme nationale des productions (PNPR-M), Faliry BOLY, pointe du doigt le manque d’informations sur la production nationale. Toutes choses qui auraient pu permettre de passer de 5 à 10 tonnes à l’hectare. Pour combler ce manque, a-t-il annoncé, son organisation prépare un schéma qui sera soumis à l’État. Il a également évoqué l’absence de subvention de l’État, comme c’est le cas dans de nombreux pays qui, de ce fait, vendent moins cher leur production.

M. BOLY pointe du doigt, la tendance des autorités à prendre des décisions à la place des producteurs.

« Il y a un problème de gestion ; il faut changer de paradigme », a-t-il conseillé.

Interpelé par cette observation, le DNA a fait état du choix de l’approche participative qui a toujours été privilégiée. Du reste, fait-il savoir, la plupart des demandes reçues par ses services émanent des collectivités. Ce qui implique théoriquement qu’elles résultent d’une volonté populaire exprimée à la base.

Souleymane DIALLO de la Rizerie royale s’intéresse, lui, aux coûts élevés des aménagements des parcelles qu’un particulier peut difficilement supporter. Il a avancé le chiffre de 3 à 3,5 millions de francs/ha. De même, a-t-il mis en cause l’absence d’investissements pour booster la production ; le manque de riz paddy pour faire tourner les rizeries qui sont à 10 % de leur capacité de transformation ; le non-respect par les paysans des contrats passés avec les transformateurs. Donc, il n’y a pas de riz dans les rizeries.

Par rapport au non-respect des contrats, M. BOLY rappelle que le marché est libéral et que les producteurs sont libres de vendre au plus offrant.

Toutefois, suggère-t-il, d’approcher l’interprofession pour surmonter ce problème d’organisations qui ne respectent pas leurs engagements.

Les producteurs interviewés dans un documentaire présenté à l’assistance, évoquent des difficultés d’approvisionnement en engrais, la rareté des équipements motorisés.

Les perspectives

Pour le Président du REDECOMA, comme pour les autres débatteurs, les perspectives sont bonnes. Tout en convenant que les investissements sont coûteux, il encourage néanmoins l’État à y consentir. « Il n’y a d’autre alternative », a-t-il tenté de convaincre.

Le Président de l’interprofession incite les autorités à lever les incohérences au nombre desquelles il a cité la distribution par le Premier ministre, dans la région de Mopti, du riz importé ; au détriment du riz local qui ne se vend pas.

À cette incohérence, il ajoute l’adoption d’une politique agricole qui ne prévoit pas de subvention pour les producteurs, alors que les importateurs bénéficient d’exos à raison de 2 millions de francs CFA par camion de 40 tonnes.

À propos des 15 % du budget de l’agriculture

Alors qu’un intervenant a posé la question : que fait l’État pour soutenir concrètement la filière riz, Mamadou Sinsy COULIBALY qui est vent debout contre la corruption, reformule la question : ‘’où vont les 15 % du budget de l’agriculture ?’’ Piqué au vif, le ministre a donné la répartie : « les 15 % du budget de l’agriculture vont dans la recherche, dans l’acquisition de matériels agricoles, dans les subventions (…) ».

Par rapport aux incohérences dont a parlé M. BOLY, le ministre s’inscrit en faux, même s’il reconnaît qu’il y a certaines politiques à revoir.

Il ne croit pas non plus que les banques rechignent à investir dans l’agriculture.

« Les banques ont intérêt à soutenir les chaînes de valeur, parce que le développement du Mali passera par l’agriculture », a-t-il soutenu.

Tidiani DIARRA du Fonds de garantie pour le secteur privé renchérit : « le banquier est là pour maîtriser le risque ; mais je ne pas que l’agriculture n’est pas financée ».

Le représentant de la BNDA a rappelé la nécessité de développer la culture de rembourser ses dettes, mais également du respect des contrats que ce soit vis-à-vis de GDCM ou de n’importe lequel transformateur.

À propos des importations

À en croire les statistiques officielles, la production nationale de riz couvre les besoins de consommation des Maliens. Or, selon d’autres études, 45 % du riz consommé au Mali est importé. Un paradoxe qui n’a pas manqué de susciter des questions. Ce à quoi a réagi le Président du Patronat, Mamadou Sinsy COULIBALY : « c’est une obligation pour nous d’importer le riz au Mali. Si nous n’importons pas de riz, nous allons tous mourir de faim », a-t-il asséné. Il en est d’autant plus convaincu qu’il ne croit pas du tout aux chiffres annoncés relativement à la couverture des besoins de consommation.

En somme, en mettant en œuvre les suggestions des acteurs de la filière coton, le Mali occupera certainement sa place de puissance agricole, en tout cas à l’échelle de l’UEMOA.

PAR BERTIN DAKOUO

Info-Matin

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