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Le futur du Mali, le futur de l’Afrique

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« Dans quelques heures, exactement à zéro heure du 1er juillet 1962, la République du Mali disposera de sa monnaie nationale, le franc malien, ayant seul, désormais, cours légal et pouvoir libératoire illimité sur l’étendue du territoire national. Mes Chers Collègues, aussi loin que nous remontons dans le temps, l’histoire nous enseigne que le pouvoir politique s’accompagne toujours et nécessairement du droit régalien de battre monnaie, que le pouvoir monétaire est inséparable de la souveraineté nationale, qu’il en est le complément indispensable, l’attribut essentiel. Pouvoir politique et pouvoir monétaire ne sont donc, à dire vrai, que les aspects complémentaires d’une seule et même réalité : la souveraineté nationale ». Extrait du discours du premier président du Mali, Modibo Keïta, le 30 Juin 1962. Malheureusement l’expérience échoua et le Mali est repassé d’abord sous la tutelle du Franc CFA et de la Françafrique, puis, sous le fourches caudines du FMI et de ses programmes d’ajustement structurels. Au fil des ans, tout cela contribua à une véritable implosion de l’Etat au Mali, ainsi que de la plupart d’états africains. Dans ce contexte, les djihadistes n’ont pas eu grand mal à prendre le contrôle du Nord du Mali, début 2012 et suite au coup d’état du Capitaine Sanogo du mars 2012. Les premiers djihadistes étaient venus d’Afghanistan ; les autres, des Touaregs qui étaient au service de Kadhafi, sont arrivés à sa chute, fortement financés par le Qatar et par l’Arabie Saoudite. Analyse.

 

Mais le passé et le présent ne sont pas le futur. Et c’est de ce point de vue, du futur, que nous devons organiser la sortie par le haut de cette crise du Mali. Les armes sont incapables, a elles seules, de résoudre les problèmes de fond de la République du Mali qui sont, avant tout, économiques, sociaux et politiques.

C’est pour cette raison que Jacques Cheminade, dans ses communiqués sur la Guerre du Mali, posa comme condition à la sortie de crise, la nécessité d’aider le pays à « mettre en place une politique de l’eau, rétablissant le fonctionnement des cinq lacs constituant le « système Faguibine » du delta intérieur du Niger et, plus généralement, des dix-sept grands lacs du nord. » ; la nécessité aussi d’assurer une plus grande justice envers les Touarègs et de leur accorder une certaine autonomie dans le Nord.

Le développement du système Faguibine, doit créer les conditions d’étendre les efforts d’irrigation et de mise en place d’une agriculture moderne, menés dans la même zone, par l’Office du Niger. Ce projet, qui demarra en 1932, avec l’ambition immense d’irriguer jusqu’au 950 000 ha. de terre, mais sous l’emprise d’une idéologie coloniale nauséabonde, a pris son essor après les années soixante-dix, au point qu’en 2009, on en parlait de cet Office comme « du » grenier à riz du Mali et du Mali, comme de la future puissance agricole régionale !

Pour être utile aux populations, ce développement cependant devra être réorienté non vers un agro-business mené par des investisseurs internationaux en quête des profits rapides grâce à la mondialisation, notamment dans les cultures destinées aux agrocarburants, mais comme un développement destiné à assurer l’autosuffisance alimentaire du Mali et des autres peuples de la région.

 Stopper la progression du désert

La lutte exacerbée entre Touaregs du Nord et populations maliennes du Sud, n’est pas uniquement d’ordre ethnique. La progression du désert, oblige les populations du Nord à chercher leur subsistance en migrant vers le Sud ; elle alimente des conflits entre éleveurs transhumants, et agriculteurs, pécheurs, sédentaires et nomades. La très forte baisse de la pluviométrie, l’avancée du désert, l’ensablement et l’évaporation des eaux ont bouleversé le paysage agropastoral et posent un problème sérieux de survie pour les populations locales.

S’ajoutent à cela l’analphabétisme très répandu et le manque de qualification des élus locaux ; l’effondrement des structures de l’Etat et de toute planification économique, l’absence des moyens alloués aux communes et d’équipement moderne ; la difficulté du dialogue social.

Les responsables locaux sont obligés d’agir avec de très faibles moyens. En témoigne cette description du Maire de Mbouna : « L’année dernière, on a organisé des travaux de surcreusement au niveau de Kamaïna. On était cinq communes. Il y avait un ressortissant de Mbouna qui a prêté deux véhicules et qui a pris en charge le carburant. A Mbouna, on a fait appel à des volontaires et aux familles de la commune (2500 FCfa/ famille). Certains ont donné plus : des animaux, du thé, du sucre pour les travaux. […] On a rassemblé 200 à 300 personnes pendant cinq jours ! »

En l’absence de l’Etat, ce sont des femmes courageuses qui aujourd’hui montent des associations du développement du maraîchage, par la mise en place de caisses de crédit villageoises qui prêtent aux associations pour améliorer leur productivité, par exemple en achetant des cordes et des poulies pour l’exhaure de l’eau.

 Le système Faguibine

C’est dans ce contexte qu’il est urgent de reprendre les travaux le bassin du Niger, et en particulier, du « système Faguibine » qui réunit cinq lacs interconnectés au nord de la partie centrale du Mali : Télé, Takara, Gouber, Kamango et le lac Faguibine. Ce système recouvre une superficie de 86 000Ha, à 150 km à l’Ouest de Tombouctou. Autrefois, il constituait une véritable mer intérieure très poissonneuse avec des ressources en eau souterraine très importantes.

Le système Faguibine ne peut cependant pas être considéré à une échelle locale car il fait partie du Bassin du Niger. Une étude récente, réalisée par l’UNESCO et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) reste, bien en deçà des nécessités humaines et infrastructurelles, mais représente toutefois un travail utile sur cette question. Troisième fleuve d’Afrique après le Nil et le Congo, ce bassin est sous-équipé en barrages hydroélectriques, canaux, irrigation pour l’agriculture, et ce malgré les nombreuses études faites à ce sujet.

Le bassin est généralement divisé en 5 zones :

  • Le Niger supérieur : allant du pied des monts Tingui, à la frontière entre la République de Guinée (dit Conakry) et la Sierra Leone jusqu’aux villes de Ségou et Donna au Nord-est de Bamako (Mali)
  • Le delta intérieur du Niger : allant de Ségou et Donna jusqu’à Tombouctou dans le Nord Est, en passant par Mopti. Cette zone comprend tout le système Faguibine, vaste plaine inondée de près de maximum 40 000 km2, mais où le débit est fortement réduit et les pertes par évaporation sont estimées entre 25 et 50% !
  • Le Niger moyen : allant de Tombouctou et Mopti jusqu’à Nord du Nigéria passant par Gao (Mali), Tillabéry (Niger) et Niamey (capital du Niger) et longeant la frontière avec le Bénin
  • Le Niger inférieur et Bénoué : allant du Nord du Nigéria jusqu’au delta du Niger (Nigéria) et passant par Lokoja, port fluvial du Nigéria au Sud d’Abuja, la capitale.
  • Le delta du Niger : nombreux bras se jetant dans l’Atlantique dans le golfe de Guinée.

Cette ensemble hydrologique est sous l’Autorité du Bassin du Niger (ABN) qui regroupe neuf pays (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigeria), pour une longueur de fleuve de 4184 km et un bassin s’étalant sur près de 2 millions de Km2.

C’est dans le delta intérieur du Niger, que se trouve le lac Faguibine et ses compères assoiffés. Deux ouvrages se construisent actuellement en amont du fleuve que sont le barrage Markala et celui de Sélingué. Ils jouent un rôle important mais insuffisant.

  • Le barrage de Sélingué, construit en 1980 se situé à 140km au Sud de Bamako, près de la frontière guinéenne, et constitue la principale source de production d’énergie du Mali (247 Gwh/an). Le lac de retenue a une superficie d’environ 400km2. Il est devenu un « trésor halieutique » ayant permis de faire de la pêche la principale activité des populations et alimentant Bamako en poisson.
  • Le barrage hydraulique de Markala. Situé à quelques kilomètres au Nord de Ségou, la construction de ce pont-barrage de 816 m. de longueur. Inauguré en 1947, il a été conçu par un ingénieur des ponts et chaussées français, Mr Bauzil.

Aujourd’hui beaucoup en sont réduits à l’utilisation de moto-pompes permettant de cultiver de petites parcelles familiales comme dans la vallée de Sankarani, en aval du barrage de Sélingué.

 La mondialisation financière à l’œuvre au Mali

Pourtant, ces terres sont extrêmement fertiles, et on permis un essor du riz, sorgho, maïs, patate douce, l’arachide et autres cultures vivrières.

Pour évoluer le potentiel immense de cette région, lisons ce qu’ecrivait Florence Brondeau de l’Institut de Géographie sur l’Office du Niger en 2009 : « au terme de nombreuses vicissitudes (…) une « révolution verte » est en cours dans la zone irriguée de l’Office du Niger qui, avec quelque 88 000 ha aménagés, s’est vue attribuer le titre de « grenier à riz » du Mali (…). Ses casiers irrigués ont en effet produit 500 000 tonnes de riz en 2008, soit la moitié de la production nationale du Mali, et 200 000 tonnes de produits maraîchers. (…) » Certains considèrent même que dans cette région c’est presque 1 millions d’hectares qui pourrait être consacrés à l’agriculture ce qui reléguerait le souvenir des émeutes de la faim à un passé lointain !

Ce développement est donc à notre portée. Mais ce ne sont pas les orientations économiques actuelles en Afrique qui nous permettrons d’y arriver. Mathieu Pigasse, président du groupe financier Lazard Frères, et d’autres, nous disent que l’Afrique sera l’eldorado du XXIeme siècle. Partout, dans les cercles officiels et le monde des affaires à l’échelle internationale, on découvre avec cupidité, les taux de croissance de 4 et 5% qu’afficherait depuis quelques années l’Afrique en général, et l’Afrique sub-saharienne en particulier,.

Un regard de près cependant, révèle des réalités peu reluisantes derrière cette « croissance ». Ces chiffres ne concernent tout d’abord qu’une dizaine de pays, principalement les producteurs du pétrole et des matières premières devenues, comme l’or, le coltan et d’autres, l’une des activités spéculatives les plus lucratives au monde. Autre pillier de cette croissance chaotique, la téléphonie mobile. 620 millions d’africains auraient désormais des mobiles ! Ceci a permi aux derniers hameaux d’avoir accès aux banques et autres services via les mobiles et l’internet. Sans oublier les agro-carburants, notamment dans le delta du Niger.

Enfin, il y a l’accaparement des terres qui selon le dernier rapport de l’ONU représente l’équivalent de 3 fois l’Allemagne. 40% des forêts du Nigéria sont gérées par des permis à usage privé. La société AXA a investi 1,2 Milliards de dollars dans la société minière britannique Vedanta Resources PLC dont les filiales achètent des terres en Afrique. Enfin vous pouvez regarder du côté du groupe Bolloré ou du groupe Louis-Dreyfus.

 Gagner la paix

C’est pourquoi, après avoir chassé les djihadistes, pour gagner la paix, il faudra comme l’avait fait Franklin Roosevelt après la grande aux Etats Unis, chasser les marchands du temple.

Il faut le faire en Afrique, mais il faut commencer par le faire chez nous en France. Ce fut essentiellement le message de Jacques Cheminade à un François Hollande qui debarqua victorieux en Afrique après que l’armée française ait repris le contrôle des villes du Nord aux djihadistes.

Ainsi si nous saisissons l’opportunité qui nous est donné dans cette période de chaos, tous les espoirs sont permis. Il est d’ores et déjà évident que la situation actuelle n’est que le résultat tragique des politiques impériales que l’occident a mené et mène encore en Afrique. C’est donc par une politique de crédit productif public, via la coopération entre banques nationales, que l’ensemble du bassin du Niger pour être aménagé de façon cohérente.

De plus si nous ajoutons le projet de faire une « révolution bleue » en recréant une mer intérieure dans les chotts tunisiens et algériens, une revitalisation de lac Tchad, la construction de grands barrages hydroélectriques en Ethiopie sur le Nil bleu ainsi que l’aménagement du bassin du fleuve Congo (avec la création d’un pont entre Kinshasa et Brazzaville), nous pouvons définitivement sortir l’Afrique du manque d’eau, d’énergie et de nourriture en quantité suffisante, ouvrant ainsi la voie pour une renaissance complète du continent africain. Ainsi une nouvelle époque peut commencer, pourvu que nous nous mobilisions en Afrique, en Europe et dans le monde, et que des crédits publics pour un développement harmonieux puissent être mis en place. Aujourd’hui ce n’est pas le cas, et tous les discours sur « le développement de l’Afrique » ne sont que le reflet d’une pseudo croissance financière et inégalitaire, qui mène à la guerre, et non au développement mutuel qui conduirait à la paix.

Sébastien Périmony

NB : Cet article a été publié en 2013

L’Aube

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