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INDUSTRIE CULTURELLE: QUELLES PERSPECTIVES AU MALI ?

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L’industrie culturelle est en expansion à travers le monde entier. Si certaines puissances ont compris l’importance de la culture dans le développement d’un pays, d’autres avancent à petits pas. Au Mali, les autorités accompagnent le secteur avec des initiatives qui se multiplient au fil des ans, mais le pays est encore à la traîne et cette industrie est principalement portée par les opérateurs privés. L’une des principales raisons invoquées est la faible part allouée à la culture, moins de 1% du budget national. Pourtant, la richesse et la diversité dont regorgent notre pays, mieux encadrées pourrait créer un véritable marché national, avec des références solides capables de s’exporter.

La culture est considérée comme la sève nourricière de chaque peuple. Pour coller au contexte, le Nigérian Anthony Omoghene Biakolo ne se trompait certainement pas quand il disait dans son romain L’étonnante enfance d’Inotan « qu’un peuple sans culture est un peuple sans âme ». La culture, identité différentielle des peuples, a fini par séduire et par faire parler d’elle. Les exemples, nombreux de par le monde, ne pourront tous être cités ici, des productions hollywoodiennes aux symphonies de Beethoven, en passant par Guernica de Picasso, le célèbre portrait de Mona Lisa (La Joconde) de Léonard de Vinci et les mangas japonais.

La mondialisation n’est pas seulement une affaire d’experts ou de spécialistes en politique, elle est devenue également culturelle. Les États-Unis, le Japon, la Chine, l’Asie dans sa globalité et le Vieux continent l’ont très tôt assimilé et en sont conscients. Si le doute est encore permis, Descartes ne prendra pas le dessus cette fois-ci, car un coup d’œil furtif sur nos habitudes l’effacera aussi rapidement que né ! Mode, musique, programmes de divertissement, la liste ne saurait être passée au tamis. La culture, dans toutes ses expressions, domine le Monde.

La réussite de ces industries culturelles consommées, en Afrique et chez nous au Mali, réside dans le fait qu’elles se sont organisées pour se développer avant d’impacter la planète. C’est souvent à travers les médias que sont mis en scène, et même parfois en concurrence, des visions, des valeurs, des modes de vie. Leur force réside dans un pouvoir lié à la seule capacité de produire et de diffuser des symboles. Cette dimension culturelle, très souvent ignorée dans le développement des économies africaines, est pourtant cruciale de nos jours. Même si la mondialisation culturelle a donné naissance à un nouvel écosystème, identifié comme « l’hyperculture globalisante », la culture reste ce qui constitue la société, explique Jean Tardif dans le n°13 de Questionnements en communication de 2008.

Enjeux et perspectives

Au quotidien, sur le terrain des réalisations, des hommes et des femmes écrivent l’histoire culturelle du Mali, pour nous rappeler le passé, mieux ancrer le présent et instruire les générations futures. Les enjeux deviennent énormes. Alors, si nous devons désormais construire des monuments culturels qui porteront avec fierté les couleurs nationales à l’international, comme Salif Keïta et Oumou Sangaré dans le domaine de la musique, Malick Sidibé et Seydou Keïta en photographie, Abdoulaye Konaté dans les arts plastiques, Souleymane Cissé et Cheick Omar Cissoko au cinéma, Amaïguiré O. Dolo dans la sculpture, dans la mise en valeur du textile local comme Awa Méïté et Kandioura Coulibaly ou des marionnettes traditionnelles de Yaya Coulibaly, l’heure est au réveil. Selon Aliou Ifra Ndiaye, acteur culturel et Président de la Fédération des artistes du Mali (FEDAMA) il est important de « réorganiser de façon systémique l’environnement de la culture ». Sortir pour ce faire de ce qu’il appelle « l’administration culturelle héritée des politiques sectorielles des années 60 et 70 » pour prendre en compte les réalités du présent. Il estime que le Mali est une « puissance culturelle qui ne protège pas ses artistes». Démonter la spirale qui étrangle les œuvres signifie se lancer dans un marché de la création, de la culture et du spectacle vivant. À travers la FEDAMA, l’Initiative pour la culture au Mali est née. Elle vise à faire de celle-ci un outil de transformation et de cohésion sociale. Il s’agit aussi pour le Mali de davantage créer, de professionnaliser le secteur du management culturel, de garantir la production et la diffusion de l’art en numérique, notamment avec des « boutiques virtuelles », pour coller à l’air du temps, où les œuvres sont de plus en plus vendues sur ce genre de plateformes. Tous ces objectifs ne seront atteints que si l’artiste a un nouveau statut, lui permettant d’avoir accès à la sécurité économique et sociale, donc, par conséquent, par une meilleure gestion des droits d’auteurs. La mise en place et l’application des outils modernes de la solidarité, comme l’AMO (Assurance maladie obligatoire) et l’INPS (Institut nationale de prévoyance sociale) vont contribuer à rendre plus légitime le statut de l’artiste. Ce travail de reconnaissance des œuvres artistiques va être mené dans 70 collectivités territoriales.

Quels financements pour la culture ?

La culture est de plus en plus considérée comme un outil essentiel dans la construction d’une société moderne. Mais, pour que l’évolution de l’industrie culturelle soit effective, il faut des financements. Selon Alioune Ifra Ndiaye, « le Mali ne finance pas la culture. Le budget du ministère de la Culture qui est présenté comme le budget de la culture est en fait le budget de fonctionnement de l’administration publique dédiée à  la culture ». Changer cette façon de faire signifie prendre en compte les différents acteurs du secteur dans la conception du budget dédié à la culture. Les réflexions en cours vont certainement contribuer à faire grandir l’industrie culturelle dans ses particularités et dans son ensemble.

Toujours dans cette optique, Kardjigué Laïco Traoré acteur culturel depuis 1964 au Mali, estime que pour développer une véritable industrie culturelle, il faut réunir les acteurs des différents domaines pour que « le produit qui va naître s’adapte à la réalité du moment et du temps. Il faut de la passion, de la constance et du travail quotidien, car ce n’est qu’à partir de là que les fruits vont venir. N’oublions pas que le contemporain domine et qu’on est en train de sacrifier le vrai pour le beau ». Homme de théâtre et de cinéma, Kardjigué Laïco Traoré est aujourd’hui entièrement tourné vers la danse.

En plaidant pour plus d’artistes femmes dans la culture, notamment dans le domaine de la photographie, Lassana Igo Diarra, Délégué général de la 12ème édition des Rencontres de la photographie de Bamako, qui se tient jusqu’en janvier 2020, pense que la jeunesse est un véritable atout pour l’avenir de l’industrie culturelle au Mali. Le regard vif, neuf, contemporain et décomplexé de cette dernière Biennale emprunte d’une identité nouvelle, car « les premières générations ont fait leur part de travail, et la nouvelle génération présente des choses extraordinaires. Il suffit qu’elle soit un peu plus organisée », avec un peu plus d’encadrement et de formation. « Notre rôle en tant qu’acteur culturel est d’assumer l’héritage et d’essayer d’apporter un peu de fraîcheur ».

L’industrie culturelle, c’est aussi la valorisation du patrimoine, qui contribue aujourd’hui à la promotion de l’écotourisme. Et il a des sites que l’on pourrait remettre à l’ordre du jour, comme l’axe allant du siège des Anciens combattants au marché de Médine, devenu un entrepôt et une poubelle à ciel ouvert..

L’effectivité d’une industrie culturelle au Mali offrirait une ouverture pour de nouveaux métiers et serait un moyen de lutte contre le chômage. Créer des emplois, valoriser le savoir-faire national, promouvoir les œuvres culturelles, intéresser la population au bien-fondé des créations, lutter contre la piraterie, former davantage de créateurs d’œuvres, définir un statut pertinent de l’artiste, entretenir le patrimoine, sont entre autres les défis auxquels sont confrontés les autorités et les acteurs du secteur.

Idelette Bissuu

Quelques Repères

1% : Budget de l’état alloué à la Culture

400 000 FCFA : Investissement dans la promotion culturelle du Bureau malien du Droit d’Auteur  (BUMDA) en 2018

1 253 : Œuvres éditées déposées au BUMDA en 2018

196 : Opérateurs culturels en 2018

422 : Manifestations artistiques et culturelles organisées en 2018

Journal du mali

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