La lutte contre le terrorisme dans l’espace du G5 Sahel, regroupant le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, est limitée par la faiblesse de ces Etats, les obligeant à collaborer avec d’autres acteurs, a déclaré dans une interview à Xinhua, Gilles Yabi, Directeur et fondateur de Wati, un think tank citoyen sur l’Afrique de l’Ouest, basé à Dakar au Sénégal.
« Aujourd’hui il est important pour les Etats de la région de voir la réalité des rapports de force, de leur affaiblissement et à nouveau l’incapacité à pouvoir répondre seuls ou même dans le cadre du G5 à ces menaces », a souligné M. Yabi.
« Malheureusement le G5 est un regroupement d’Etats qui sont tous très faibles du point de vue économique, financier et militaire et cela induit une forte dépendance à l’égard des autres acteurs internationaux et cette dépendance ne va pas se réduire miraculeusement dans les prochaines années », a-t-il poursuivi.
Pour lui, « ce qui est vraiment important aujourd’hui, c’est pour tout le monde d’être lucide par rapport à la situation, à la gravité, être lucide par rapport au risque que ça continue à se détériorer, mais aussi être lucide par rapport aux besoins de savoir profiter de la présence des acteurs internationaux tout en étant conscient que les objectifs de chaque acteur extérieur sur le terrain ne sont pas nécessairement les mêmes ».
« Je crois qu’il est extrêmement important de consolider les institutions à nouveau civiles et militaires dans les pays de la région. Cela doit venir de l’impulsion politique des pays de la région », a-t-il ajouté.
Craignant que 2020 ne soit dans la continuité de 2019 avec une situation sécuritaire qui reste extrêmement préoccupante dans le Sahel, M. Yabi estime que « cela va dépendre des actions qui vont être prises ».
« S’il n’y a pas une réaction beaucoup plus forte de la part des élites politiques, en termes de remobilisation de l’ensemble des sociétés derrière la cause de la préservation réelle des Etats dans leur frontière actuelle, on ne pourra pas avoir des signaux de redressement de la situation », a-t-il indiqué.
Le directeur du think tank a souhaité qu’il y ait des signaux politiques en termes de prise de responsabilisation et d’engagement de l’ensemble de la société dans des projets réellement collectifs de préservation de l’unité nationale en 2020.
Il a rappelé que 2020 sera une année électorale en Afrique de l’Ouest avec notamment une élection présidentielle au Burkina Faso. « Malheureusement c’est plutôt un facteur qui ne favorise pas la cohésion, notamment au niveau politique et de cette manière au niveau de la société ».
« On risque d’avoir des situations de polarisation politique alors qu’on a besoin de l’unité compte tenu de la situation sécuritaire. Je reste assez inquiet par rapport aux perspectives de paix et de sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest pour 2020 », a-t-indiqué.
D’après lui, tout dépend de l’action. « Ce qui va être important c’est qu’il y ait un vrai sursaut de la part des acteurs politiques », a lancé Gilles Yabi.
Il a estimé que la société civile dans toute sa diversité a une responsabilité aujourd’hui et elle peut jouer un rôle important en 2020 si elle mobilise davantage sur les dossiers et si elle sort d’une posture de dénonciation pour prendre une posture de proposition.
« Et c’est un peu ce à quoi essaye de contribuer Wati en alertant sur les faits, sur la réalité de nos pays, sur la réalité des rapports de force et en essayant de pousser à une réflexion qui soit une réflexion sereine, lucide nous permettant d’avancer et de répondre aux défis qui aujourd’hui sont absolument considérables », a-t-il conclu.
Source : Xinhua