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Le film de l’assassinat dr Cabral

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Du soulèvement du 13 février 1980, des élèves de Banankoro (région de Ségou) pour exiger la reconnaissance du bureau UNEEM, en passant par le congrès qui a porté Cabral à la tête de l’organisation estudiantine en passant par son arrestation, le 14 mars et sa torture entre le 2ème arrondissement et le Camp para, voici des temps forts d’un assassinat orchestré.

Selon El Hadj M. Camara, tout a commencé par l’affaire de Ségou, après l’accalmie observée dans la grève des élèves et étudiants à la mi-novembre 1979. Une grève pendant laquelle, l’Union Nationale des Élèves et Étudiants du Mali (UNEEM) avait montré qu’elle était la force dirigeante du mouvement scolaire, explique M. Camara. Ainsi, dit-il, le 15 Janvier 1980, à l’ouverture du congrès de l’UNJM à Bamako, le Secrétaire politique de l’UDPM annonce la dissolution de l’UNEEM. Dès cette annonce, la fièvre s’empara de nouveau du monde des élèves et étudiants surtout qu’auparavant, les rencontres entre l’UDPM et l’UNEEM n’avaient pas abouti à des résultats satisfaisants.

Le Bureau de coordination de l’UNEEM, devant cette décision, invite les Comités à s’imposer davantage au sein de leurs établissements. On assiste alors à des grèves tournantes dans les lycées à travers le pays tout entier, témoigne El Hadj M. Camara.

Le 13 février 1980, les élèves de Banankoro (région de Ségou) déclenchent une grève pour exiger la reconnaissance du bureau UNEEM, indique-t-il. A. Kané, membre du bureau de coordination de l’UNEEM, soupçonné d’avoir lancé ce mouvement, est arrêté en plein cours, le 14 février, selon M. Camara. Le même jour à Bamako, Tiébilé Dramé, Secrétaire général de l’UNEEM, est arrêté à son tour. Le 15 février, les élèves du Lycée de Ségou, de l’ENTF et des écoles fondamentales décident de marcher sur la brigade de gendarmerie pour libérer leur camarade. Les forces de l’ordre ouvrent le feu et deux garçons de l’école du Groupe Central sont grièvement atteints. L’un des garçons, Sidi Moctar Sacko (14 ans), est amputé d’un bras et l’autre Moulaye Diarra (16 ans) a reçu une balle dans le crâne. Le lycéen Macky Touré est arrêté.
Une semaine plus tard, précise-t-il, l’UNEEM tient un congrès dans la clandestinité. À l’unanimité, Cabral est porté à la tête de l’organisation.

Les premières revendications en tant que conséquences de la crise sont, selon lui, la libération immédiate et inconditionnelle des élèves de Ségou ; la reconnaissance du nouveau bureau de coordination. Entre temps, la grève a gagné tout le pays. Le 8 mars 1980, le Palais de Justice de Ségou est en effervescence : A. Kané et l’élève M. Touré doivent passer en jugement, indique M. Camara. En ville, une manifestation grandiose est organisée par les scolaires. Néanmoins, Kané est condamné à huit mois de prison fermes et l’élève, à trois mois.
Dans ce climat de tension et d’indignation, les élèves et étudiants de la capitale, sous la direction de Cabral, décident de faire capoter la conférence des chefs d’Etats des pays sahariens qui se tient à l’Hôtel de l’Amitié, selon lui. Ainsi, dit-il, Ils passent aussitôt à l’action. En riposte, souligne-t-il, la répression s’abat : des arrestations sont opérées partout, mais les pouvoirs publics restent fébriles et inquiets. Cabral demeure introuvable ! Alors, on se saisit de sa mère (pendant qu’elle revenait de la mosquée) et de son frère aîné. Ceux-ci, malgré un interrogatoire poussé, restent muets, témoigne M. Camara.

Selon M. Camara, le lendemain, vers 13 h, on arrête un autre frère qui ne résiste pas aux épreuves et avoue que Cabral se trouve dans un village situé non loin de la frontière guinéenne, chez leur sœur aînée. Les policiers C.O.B. et Boré sont envoyés à sa recherche, selon lui. Cabral est arrêté (alors qu’il se trouvait dans un camion à une dizaine de km de la frontière guinéenne) et ramené à Bamako, le 14 mars 1980 vers 22 heures.
« À son arrivée au commissariat du 2e arrondissement, la «Poudrière»(où se trouve en garde à vue Rokya Kouyaté, secrétaire générale du Lycée de filles) ses parents sont libérés. On présente Cabral à sa mère qui sanglote et s’écrie «nfa, nfa, on t’a eu ? Tuez-le d’un seul coup au lieu de lui faire subir une mort lente et douloureuse !». Après cette action psychologique destinée à le briser, Cabral est mis au «violon». On avertit alors le Directeur de la Police et le Chef de l’État-Major de la gendarmerie qui arrivent sur les lieux », rapporte-t-il.
« On déshabille Cabral, (il ne lui reste qu’un slip de couleur verte) et on l’attache. Puis, pleuvent les coups. Cabral tombe et reste immobile au sol. On appelle la Radio-Mali pour que l’on vienne enregistrer les déclarations du prisonnier. On oblige Cabral à lire un texte déjà mis au point. Mais la qualité de l’enregistrement est altérée par l’épuisement physique et moral de la victime. On recommence une fois, deux fois, trois fois. Ce n’est qu’à la quatrième tentative que les tortionnaires se déclarent satisfaits de l’enregistrement qui sera diffusé le dimanche soir, demandant la reprise des cours pour le lundi matin », témoigne-t-il.

Selon M. Camara, aussitôt après, Cabral est transféré au Camp Para de Djikoroni où se trouve déjà réunie une brochette de responsables politiques au plus haut niveau. Et les tortures reprennent. Cette fois là, définitivement à bout de forces, Cabral tombe pour ne plus jamais se relever, relève-t-il avec désarroi. Il réclamait, selon lui, faiblement, de l’eau, mais meurt avant d’en recevoir.
Un héros était mort ; une étoile est née, au firmament de la lutte pour la liberté et la démocratie.

Par Sidi Dao

Source: Info-Matin

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