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Qu’est-ce qui excite vraiment les femmes ?

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Qu’est-ce qui excite vraiment les femmes ? Sûrement pas ce qu’on nous fait croire encore en 2014. De sérieuses études le prouvent : nous aussi avons l’animalité chevillée au creux des reins. De notre prétendu besoin de tendresse à notre fidélité légendaire, stop à des siècles d’idées reçues.

La libido féminine

La libido féminine dérange. Pire : on la craint. Qui, pourquoi ? Un homme répond : « Pourquoi maintenons-nous le désir des femmes sous une chape de plomb ? Les hommes ont peur : si cette boîte de Pandore s’ouvre, si nous perdons le contrôle, nous allons tous être cocus. L’intérieur de la boîte nous effraie. » James Pfaus est pourtant très informé, c’est un éminent chercheur en neurobiologie du comportement sexuel à l’Université Concordia, à Montréal – c’est dire le niveau d’angoisse…

Sur ce terreau prospèrent à l’envi les mythes foireux et les diktats sociaux immuables depuis des siècles, laissant accroire que la libido féminine serait un filet d’eau tiède, plus doucereuse que volcanique, se réchauffant aux seuls feux de l’amour. Dans l’inconscient collectif, le raccourci est vite fait : sexualité féminine libre et libérée = batifolage, voire désordre social.

De fait, les femmes portent les enfants et font donc « courir le risque » d’une filiation bâtarde.

Oui, en 2014, on en est encore là, bien que beaucoup s’en défendent. Stop ! Il est grand temps de tordre le cou aux idées reçues erronées. Le journaliste américain Daniel Bergner s’y est attelé, dans « Que veulent les femmes ? » (éd. Hugo Doc), en compilant ses huit années d’investigation sur la sexualité féminine. Voici la vérité.

“La perspective d’un corps à corps enflammé avec un homme inconnu décroche la Palme du désir impérieux et débride la libido féminine.” Meredith Chivers, psychologue

Exitations multiples de l’excitation des femmes

Et si on embarquait pour une expérience de lâcher-prise sexuel total, sans tabous ni pudeur, afin de lever le voile sur le véritable starter de l’excitation féminine ? Aux commandes, Meredith Chivers, professeure de psychologie à la Queen’s University de Kingston (Canada). Elle a convié des femmes à visionner sept films érotiques de 90 secondes. Tandis qu’elles sont installées dans un fauteuil, une fine sonde de 5 cm de long est placée dans leur vagin. Mission : mesurer l’afflux sanguin vaginal, lequel s’intensifie proportionnellement à l’excitation sexuelle. Ce qui déclenche, en réaction, la lubrification des muqueuses. « De cette manière, on cerne au plus près ce qui, au niveau primaire, excite les femmes, car les barrières mentales sont contournées », indique la spécialiste.

Visualisons les films en question. Le premier met en scène une femme nue allongée dans un bois. Son amant, aux muscles saillants et aux cheveux ras, la pénètre avec vigueur. Il est militaire. Pour accélérer son va-et-vient en elle, il prend appui sur ses bras, et la caméra s’attarde sur ses fesses tendues sous l’action. La femme noue ses jambes autour de sa taille et finit par agripper ses bras dans le plaisir. Fin de la séquence. Pour remettre à zéro le curseur de l’excitation potentielle avant la projection suivante, on projette aux « cobayes » des images, neutres, de montagnes. Deuxième film : un homme nu à la plastique sculpturale ­ disons Bradley Cooper ou Teddy Riner ­ marche sur une plage. Son sexe, au repos, balance d’une cuisse à l’autre. Le geste de lancer des galets fait saillir ses muscles. Zoom sur son bas-ventre quand, bravant le danger, il longe à pas vifs l’arête d’une falaise. Troisième film : une femme est assise, nue, sur le rebord d’une baignoire.

Plans serrés sur ses seins, beaux et lourds, aux aréoles sombres. Une seconde femme sort de la baignoire, cheveux et corps ruisselants. Aussitôt elle enfouit son visage entre les cuisses de la première et s’adonne à un cunnilingus voluptueux. Ainsi se succèdent une fellation passionnée entre hommes, des scènes de masturbation féminine et masculine, une sodomie gay, une pénétration lesbienne… Clou du show, le septième film : un couple de singes bonobos joue dans une prairie. Subitement, la femelle se laisse tomber sur le dos et lève les pattes, le mâle la pénètre illico et adopte un rythme endiablé. La femelle déploie ses bras derrière sa tête.

Conclusions de l’expérience ? Toutes les femmes ont été instantanément émoustillées par chacun des scénarios, bonobos compris… A un détail près : l’homme nu sur la plage a suscité une excitation moindre que les singes en rut. Quant aux lesbiennes, leur afflux sanguin vaginal a connu une sérieuse inflation devant les scènes de fellations et de sodomies masculines. Traduction : « L’excitation sexuelle féminine est totalement anarchique et affiche des tendances omnivores. Ce qui signe l’animalité d’une pulsion primitive dans le désir féminin. »

Là où les choses se corsent, c’est que toutes les « cobayes » ont déclaré ­ sur une tablette numérique qui leur était remise ­ ne pas avoir été excitées du tout. Un ressenti intime résolument contradictoire avec les données physiologiques relevées par l’appareil. La psychologue Terri Fisher, de l’Ohio State University, à Mansfield, y voit la preuve d’une censure intériorisée par les femmes après des siècles d’oppression de leur plaisir : « Etre un humain sexué, à qui on permet d’être actif sexuellement, est une liberté que la société accorde plus facilement aux hommes qu’aux femmes. La répression imposée aux femmes a laissé des traces. »

Pas besoin d’amour pour être excitée

Il est des clichés qui s’accrochent comme une bernique sur un rocher : l’osmose émotionnelle, la réassurance, la confiance et les sentiments comme indispensables aphrodisiaques féminins sont de ceux-là. Oui, cela compte. Parfois. Mais pas toujours… Cette fois-ci, l’expérience passe par des pornos sonores. Parmi les scénarios à fantasmer : Ryan Gosling ou Idris Elba, en agent immobilier à la virilité trépidante, vous fait visiter un appartement ; vous ne résistez pas, et le parquet devient le terrain d’ébats ébouriffants. Une inconnue, moulée dans une robe torride, vous suit chez vous et referme la porte à clé. Une autre, dans le vestiaire de votre salle de sport, essuie son corps au sortir de la douche en vous fixant dans les yeux. Un copain, de passage pour le week-end, s’exhibe nu dans l’appartement. Votre amant(e) officiel(le) rentre avec un bouquet de fleurs. Votre meilleure amie essaie de la lingerie qui galbe ses courbes.

Résultat : la perspective d’un corps à corps enflammé avec un homme ou une femme totalement inconnu(e), dans une situation imprévue, décroche la palme du désir impérieux et débride littéralement la libido féminine. Sachant que l’inconnu mâle s’avère huit fois plus excitant que les autres. En troisième position s’imposent les jeux sexuels avec une amie connue. L’amant officiel est largement distancé ; quant au copain de longue date, il ne suscite aucun attrait sexuel. « L’érotisme fonctionne le mieux dans l’imprévu et avec des inconnus », résume la Pre Chivers.

Jouir des yeux

Non, les femmes ne sont pas de pures affectives émotionnelles qui laisseraient aux seuls hommes le plaisir de jouir de ce qu’ils voient dans leurs étreintes, comme le confie Nathalie, 47 ans : « Quand je défais sa ceinture, j’aime deviner son sexe bandé sous le tissu du caleçon, et je guette cet instant où il va surgir pour moi, la veine principale palpitante de désir. Il n’est jamais tout à fait le même, je touche, j’embrasse, je lèche, j’aime me dire que ce bronze puissant enveloppé de soie fragile, que je regarde, va renverser mes sens. »

Une appétence visuelle que confirme Kim Wallen, chercheur en neuropsychologie à l’Emory University, à Atlanta. Armé de logiciels neuro-mathématiques, il a mesuré le temps et le degré d’observation d’hommes et de femmes regardant des photos érotiques, afin de définir l’intérêt qu’elles suscitaient chez eux. Résultat : les femmes les ont scrutées avec autant d’audace et aussi intensément que les hommes.

De son côté, la Pre Chivers a soumis des gros plans de pénis au repos et en érection, ainsi que de vulves ­ en partie cachées par les cuisses, puis largement offertes ­ à des femmes hétérosexuelles. Effet immédiat constaté : afflux sanguin record dans les muqueuses vaginales, et donc excitation optimale, devant le sexe en érection. Une ultra-réactivité visuelle qui apporte « une preuve de plus que le désir féminin, à la base, est tout ce qu’il y a de plus animal »…

Être objet de désir

« Au cœur de la libido féminine, on trouve le besoin d’être l’objet de tous les désirs pour désirer en retour. Le narcissisme, c’est l’étincelle du désir féminin. Le véritable orgasme, c’est d’être désirée », plaide Marta Meana, ancienne présidente de la Société pour la recherche et la thérapie sexuelles, docteure en psychologie à l’Université du Nevada, à Las Vegas. Pour parvenir à ces conclusions, elle a conduit des expériences avec un appareil quasi ophtalmologique. Les femmes y posent le menton, et l’appareil enregistre, à la milliseconde près, toute oscillation de l’œil et, de fait, la façon dont il scrute les images, tandis qu’elles visionnent un film X ou des photos scénarisant des préliminaires sexuels. Conclusion : les femmes s’attardent sur le visage et le corps des femmes, mais avec nettement plus d’insistance sur les expressions manifestes et significatives du désir de l’homme pour sa partenaire.

« Le narcissisme attise la libido, sans ça elle s’éteint. C’est ce qui est arrivé à Eileen, une de mes patientes… Son jules ponctuait leurs ébats de : “Ça va ? Est-ce que ça va ?” Certes, il était attentif, mais il n’y avait plus l’élan qui coupe le souffle, plus de ruée incontrôlable, plus d’assaut animal… bref, aucun signe que son désir pour elle l’emportait, lui, comme une vague irrépressible. »

“Le rêve de fusion totale et comblante avec son partenaire est une idée fausse, au féminin comme au masculin.” Marta Meana, psychologue

Pauline, 41 ans, a procédé au jeu inverse : « J’ai eu envie de tout lui donner quand j’ai vu qu’il me voulait, moi, au point de peiner à canaliser son désir. Il avait le souffle court, une impatience un peu bestiale. Je n’ai rien raisonné, ç’a été comme une pulsion-réaction, une sorte de pilotage automatique primal, je me suis sentie femelle comme jamais, arrimée à son sexe. »

En fait, si le narcissisme touche si puissamment le désir féminin, c’est aussi « parce qu’il s’inscrit dans une forme de retour au lien primitif et archaïque des femmes avec leur mère. Les femmes portent inconsciemment le désir impossible qu’elles ont ressenti un jour pour le corps de leur mère. En étant l’objet de tous les désirs, elles acquièrent l’omnipotence érotique de leur mère », décrypte la Dre Meana.

La distance excite les femmes

« La libido étouffe sous un trop-plein d’intimité, comme le feu sous la cendre. Pour exister, le désir a besoin d’une certaine distance avec l’autre, insiste la Dre Meana. Par définition, un objet de désir n’est pas immédiatement accessible. Le rêve de fusion, totale et comblante, avec son partenaire, est une idée fausse. Se fondre dans l’autre signifie qu’il n’y a plus de terrain de conquête, ni de mystère suffisant pour dégoupiller la flamme pulsionnelle du désir. Cela vaut au féminin comme au masculin : les femmes ne sont pas plus “câblées” que les hommes pour l’intimité. »

Comme en témoigne Rania : « J’aime Erwan, je suis attachée à lui, nous ne faisons qu’un, mais c’est comme si on m’avait volé ma libido. Mon ex, Kader, n’était jamais là où je l’attendais, au sens propre comme au figuré, et le fond de mon ventre lui a toujours répondu du tac au tac. Il arrivait sans prévenir, en pleine nuit, il me collait contre le mur, me mordillait les seins et me prenait en écartant ma culotte brutalement. Quelque chose d’instinctif me connectait à lui. Avec Erwan, on est trop proches. » Ce que la Dre Meana conclut d’un : « Pour qu’il y ait érotisation, il faut qu’il y ait un “autre”. »

Le goût de l’infidélité

« La monogamie des femmes est un des idéaux les plus profondément ancrés dans notre culture, rappelle Daniel Bergner. Cela a permis à des générations d’hommes d’anesthésier leur angoisse d’être trompés. » Et tous les chercheurs s’accordent à dire que la libido féminine n’est pas plus « programmée » pour la fidélité que la libido masculine.

A l’appui de ce consensus, leurs observations cliniques, faute d’études scientifiques. La tendance au butinage est largement confirmée chez la guenon et la rate, mais transposer tout de go ces résultats chez les femmes frigorifie de réticences les chercheurs les plus audacieux. La Dre Meana évoque néanmoins une étude allemande montrant que le désir féminin s’évanouit plus vite que celui des hommes et que nombre de femmes s’ennuient au lit après quelques années d’union : « A l’intérieur des barrières de la fidélité, le pétillant besoin d’être désirée perd constamment de sa vigueur. Car la femme comprend que son partenaire est pris au piège et que son mâle désir n’a plus à choisir de la choisir mais qu’il se “doit” de la choisir. » L’écrivaine Françoise Simpère, auteure du « Guide des amours plurielles » (éd. Pocket), confirme : « L’exclusivité sexuelle ne me semble pas faire partie de la fidélité. S’aimer, ce n’est pas se posséder, et ce qui est formidable avec la non-monogamie, c’est que c’est le plus sûr ferment de l’égalité dans le couple. Si l’homme est volage, et la femme, fidèle, ou l’inverse, tôt ou tard cela explosera. Enfin, n’est-ce pas horriblement prétentieux de dire : “Je suis la (le) seul(e) digne d’être aimé(e) sur les six milliards de Terriens ?”»

Lorraine Dennerstein, psychiatre à l’Université de Melbourne (Australie), va plus loin : la monogamie a-t-elle un effet délétère sur la libido féminine ? Pour y répondre, elle s’est penchée sur l’histoire de centaines de femmes âgées de 40 à 55 ans, et son constat est sans appel : « A l’heure où le tango hormonal féminin s’essouffle ­ ce qui peut induire, chez certaines, une baisse de libido , il s’avère clairement que les émotions sexuelles ressenties par celles qui vivent une relation nouvelle dégomment haut la main les facteurs hormonaux, supposés pénalisants pour la libido. »

Conclusion : les théories évolutionnistes peuvent aller se rhabiller ! Celles-là même qui entretiennent l’idée que l’homme ­ le mâle ­ aurait besoin, animalité originelle oblige, d’un grand nombre de partenaires pour diffuser sa semence et pérenniser ses gènes, tandis que la femme – ­ la femelle – ­ n’aurait besoin que d’un seul mâle protecteur pour l’accompagner dans l’éducation de sa progéniture. On savait que c’était faux, on en a désormais la preuve. Lorsque le corps féminin exulte, c’est fort de toute son animalité.

Pour en savoir plus sur le sujet, vient également de paraître le « Dictionnaire des sexualités », dirigé par Janine Mossuz-Lavau (éd. Robert Laffont).

Source: MC

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