Ils sont nos plus proches parents biologiques et pourtant, 60 % des primates sont menacés d’extinction en raison de la dévastation résultant des activités humaines. « La vérité, c’est que nous sommes à un moment critique pour un grand nombre de ces créatures », juge Paul Garber, professeur d’anthropologie à l’Université d’Illinois, principal coauteur avec Alejandro Estrada, de l’université nationale autonome de Mexico.
Les singes ne sont pas les seuls menacés. Jamais la planète n’a perdu ses espèces animales et végétales à un rythme aussi effréné depuis la dernière extinction de masse, il y a soixante-six millions d’années, celle des dinosaures. La rapidité de disparition est cent fois supérieure à ce qu’on a observé dans le passé. Les scientifiques parlent désormais de « sixième extinction de masse ». Plus de la moitié des vertébrés ont disparu en quarante ans. Les mammifères mythiques d’Afrique sont en péril. Le déclin des éléphants est spectaculaire. Le nombre de pachydermes vivant dans les savanes africaines a chuté de 30 % entre 2007 et 2014. Avant la colonisation, le continent comptait 20 millions d’éléphants, ils n’étaient plus que 1 million en 1970, il en reste moins de 400 000 aujourd’hui. Le sort des lions, léopards ou rhinocéros n’est guère plus enviable.
A chaque fois, les causes sont identiques. Destruction des habitats – sous l’effet de l’agriculture, de l’élevage, de l’exploitation du sous-sol –, chasse et braconnage, pollution et réchauffement climatique forment un cocktail mortel. L’impact de l’homme sur les milieux naturels ne va cesser de croître en raison d’une démographie galopante, tout particulièrement en Afrique.
Des conséquences irréparables
Les alertes répétées des scientifiques n’y changent rien : le monde du vivant disparaît sous nos yeux. Les générations à venir ne verront sans doute les animaux sauvages que dans les zoos, ou à travers des images d’archives. Les conséquences en termes de biodiversité seront irréparables. Car la disparition de certaines espèces affecte l’ensemble des milieux, modifiant les relations de prédation, de compétition, de coopération entre animaux, ainsi que la chaîne alimentaire. C’est tout le fonctionnement des écosystèmes qui se trouve perturbé, menaçant ainsi les services qu’ils rendent aux populations humaines : pollinisation, productivité des terres, assainissement de l’air et de l’eau, ou encore stockage du CO2 par les forêts et les océans.
Que faire ? L’espèce humaine a édicté des règles prudentielles partout quand il s’agissait de protéger sa richesse notamment. Mais comment préserver le capital naturel ? Les experts recommandent d’établir une gouvernance équitable des ressources, qui n’exclut plus les populations locales les plus pauvres ; de s’attaquer véritablement aux trafics ; mais surtout de mieux produire et de consommer plus raisonnablement. Les humains peuvent encore ignorer le message des scientifiques, mais alors ils risquent de faire partie des espèces qui disparaîtront.
Le Monde.fr