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La conférence d’entente nationale ou le franc-parler

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Tout d’abord, nous nous inclinons pieusement devant la mémoire de toutes les victimes civiles, militaires tombées et souhaitons  prompt rétablissement à celles blessées de l’attentat terroriste du Mercredi 18 Janvier 2017 contre le camp du MOC à Gao conséquence de la crise sécuritaire qui frappe, depuis déjà cinq ans, notre pays : le Mali amen, amen, amen…… !

La mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger connait des sérieuses difficultés voire des blocages rendant régulièrement caduques tous les chronogrammes mis en place  pour le démarrage de telle ou telle action à savoir la période intérimaire, les patrouilles mixtes, le cantonnement et le DDR. Tous ces reports constituent en soi des rendez-vous manqués qui ont comme conséquence évidente la dégradation permanente et croissante de la situation socio-politique et sécuritaire du pays. En guise de justification pour se disculper auprès de l’opinion nationale et internationale au sujet des blocages récurrents, les parties signataires de l’accord se jettent la responsabilité mutuellement. Et pourtant  depuis le lendemain de la signature de celui-ci, l’opposition(VRD) en général et le PARENA en particulier avaient demandé la tenue ipso facto des concertations nationales en vue de son  appropriation nationale intelligente  d’une part et d’autre part l’anticipation dans  la résolution de quiproquos présents et à venir dans sa mise en œuvre.

De ce constat, l’on est en mesure de se  poser la question suivante : Les pouvoirs publics maliens doivent-ils à présent  organiser  une  conférence d’entente nationale inclusive ?
Pour rappel, la tenue de  la Conférence d’entente nationale est prévue par l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger en son art.5. En conséquence, son ordre du jour et les parties devant  prendre part  y sont tous clairement indiqués. Cela voudrait dire que le format de la CEN, retenue  par l’Accord, est sans ambages exclusif.

Maintenant celle dont la tenue fut annoncée au  courant  du mois de  mars prochain,  par le Président de la République IBK dans son adresse du nouvel an 2017 à la nation  peut être inclusive uniquement avec le changement qualitatif de cap de la gouvernance actuelle du pays.

Pour réussir  l’organisation d’une conférence d’entente nationale inclusive ou franc-parler au regard du présent timing , tactique contre tactique, à 18 mois de l’élection présidentielle prochaine, des réelles  remises en cause et  garanties  de bonne foi républicaine sont nécessaires du coté des gouvernants  et de réels sacrifices sont obligatoires  de celui de l’opposition.
I-    Entre autres remises en cause et  garanties de bonne foi républicaine :
A-    Remise en cause indispensable :
–    Les gouvernants doivent reconnaitre humblement  que tenir et réussir l’organisation d’un sommet quel qu’en soit la taille ne suffit pas pour gommer les tristes réalités d’un pays dont l’Etat est  en faillite.  Car au lendemain du sommet,  tenu dans un Mali arrangé dans les  moindres détails et artificiel à tout point de vue par  saupoudrage étatique, le Mali réel et vrai refait surface c’est-à-dire de l’impasse manifeste dans la mise en œuvre de l’Accord avec comme corollaires des embuscades contre les FAMAS, des attaques des check points,  des attentats meurtriers dont le plus grave et le plus récent est celui  de Gao  du Mercredi 18 Janvier 2017, ayant fait 77 morts et plus de 130 blessés, jamais égalé au Mali. Ces événements innommables doivent,  à tout égard, inviter nos gouvernants  à l’humilité politique afin que la CEN, dans la forme comme dans le fond, soit inclusive et organisée, sans attendre, comme la priorité numéro un du moment. Car il y va de la refondation de l’Etat  de notre pays en déglingue et l’application intelligente et constructive de l’Accord  dans un nouveau cadre socio-politique consensuel et dynamique (classe politique, société civile…….).

–    Se convaincre aussi et surtout que la non tenue d’une conférence réellement d’entente nationale à ce stade de l’histoire de notre pays peut l’exposer à deux risques tous dangereux pour la construction nationale à savoir : des troubles socio-politiques aux conséquences incalculables et au regard du rythme de déroulement des événements malheureux sur le terrain  l’impossibilité à organiser l’élection présidentielle, de façon  transparente et crédible sur l’ensemble du territoire national,  à la date indiquée demeure le plus grand risque que  le pays pourrait connaitre.
–    Accepter enfin que le franc-parler ou la palabre est devenue, présentement,  nécessaire pour sauver l’Etat du Mali en  faillite. En  ce moment d’incertitude ou de doute des  Maliens à la capacité de la  gouvernance-esquive d’IBK quand  à la sortie honorable  de notre pays de ce tumulte socio-politique et sécuritaire, le franc-parler tel un moment de négativité historique peut  permettre la venue d’un autre Mali qui demeure possible. L’égarement  total des gouvernants face au tumulte que traverse notre paysen est le signe le plus éloquent rendu, à suffisance, par ce propos d’Untersteiner « quand un monde est en déclin, et qu’un autre se profile, les esprits s’égarent, non seulement dans le domaine de la pensée mais aussi dans celui de l’action ».
B-    Comme garanties  de bonne foi républicaine :
–    les gouvernants doivent s’adresser à l’opinion nationale et internationale pour annoncer publiquement leur souhait de consensus et de rassemblement des forces vives  au chevet du Mali. Car le rassemblement de  toutes les forces vives de la nation est plus que jamais nécessaire autour de notre pays  en vue de son relèvement diligent de la crise multidimensionnelle dans la quelle il est actuellement plongé.
–    Aussi doivent-ils donner l’assurance aux forces vives invitées  à la CEN de l’extension de son ordre du jour aux questions de la gouvernance et la mise en œuvre  effective et efficiente des conclusions qui en seront issues.
–    Enfin la garantie ultime pourrait être  le renoncement solennel du  Président de la République  IBK à briguer un second mandat, mais avec possibilité de rallonge de l’actuel en vue de la mise en œuvre efficiente et effective des conclusions issues de la CEN suivant un chronogramme réaliste.
II-    Les sacrifices obligatoires de l’opposition :
Le défavorable timing et le risque d’incompréhension susceptible d’amalgame dans l’opinion des citoyens-électeurs contre  les partis de l’opposition en  participant  à la CEN sont incontestables.Malgré toutes ces évidences, ils doivent faire sien cet adage qui dit quand la maison paternelle brûle on ne s’occupe  pas de l’écurie personnelle. Pour ce faire, ils doivent et peuvent consentir un certain nombre de sacrifices à savoir :
–    Les partis de l’opposition  doivent  se convaincre qu’au rythme où la réalité socio-politique et sécuritaire  se dégrade, on risque de perdre l’essentiel c’est-à-dire la possibilité d’unité et de réconciliation de la nation.  Toute chose qui, pour le peuple, pourrait paraitre, malheureusement, comme une responsabilité partagée de la classe politique toute entière. Et cela  à la manière de la généralisation généreuse dont sont victimes  certains hommes politiques dans l’opinion qui se voient  attribuer la même et unique  mauvaise note  que tous les hommes politiques au motif faux et simpliste  qu’ils  sont tous pareils.
–    Accepter de mettre en veilleuse leurs ambitions particulières  pour  participer  à l’organisation et à la réussite de la CEN.  Cela voudrait dire qu’ils doivent être associés à son organisation en amont et en aval c’est-à-dire avant, pendant et après (l’élaboration des termes de référence, aux débats et élaboration des documents de synthèse et la mise en œuvre des conclusions).
Par ailleurs, de ce contexte de pourrissement socio-politique et sécuritaire  généralisé avancé du pays, les gouvernants et les opposants du Mali, au nom des principes de l’isonomia (égalité devant la loi) et de l’iségorie (égalité de parole),  le franc-parler de Protagoras de la Grèce antique ou la palabre de nos anciens de royaumes et empires devient incontournable pour  le sortir  de cet état honteux. L’humilité et le sens de la responsabilité générationnelle imposent présentement aux autorités  et aux partis de l’opposition  de se convaincre qu’en  matière de bien et de juste personne ne connait mieux que les autres. Car la même capacité de discernement en tous est la conscience. Tout est vanité et opinion, pour ce faire,  personne ne peut imposer ses siennes aux autres. C’est pourquoi les gouvernants du moment  doivent, à la manière de  Protagoras, reconnaitre face au peuple malien  que le bien et le juste sont si divers et si variés ; pour cela tout débat sur ceux-ci doit connaitre la participation effective de tous.
Enfin l’humilité politique doit  constituer la meilleure réaction des autorités maliennes  face à ce chaos indescriptible qui s’abat sur le pays. C’est de sa matérialisation à travers le franc-parler seulement que  l’on pourra arrêter l’écoulement du sang  des enfants de la FEMME dans notre pays.
Seydou Cissé, Professeur de Philosophie
Faculté des Sciences Humaines et Sciences de l’Education

 

Source: Le Républicain

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