Faire l’amour est-ce vraiment bon pour santé
Selon la doxa hygiéniste ambiante, oui, le sexe serait bon pour notre santé : pour le cœur, mais aussi contre le stress, les calories, la dépression et même le cancer. Mais pour le sexothérapeute et psychanalyste Alain Héril, c’est une vision bien réductrice…
Nombreuses sont les études qui l’affirment : le sexe est bon pour le système cardio-vasculaire, pour réduire le stress, pour brûler des calories ; il permet d’enrayer la dépression, de rester jeune et, pour les hommes, de prévenir le cancer de la prostate. Après avoir été, en Occident chrétien du moins, la cause de tous nos vices, il est désormais la voie de notre salut. Voyons cela dans le détail, chez les hommes, pour commencer. Selon une étude britannique1, ceux qui font l’amour au moins deux fois par semaine diminuent de moitié le risque d’attaque cardiaque (par rapport à ceux qui ne le font qu’une fois par mois). L’acte sexuel est un sport de combat comme les autres : il active la circulation artérielle et veineuse, muscle le cœur, élimine les toxines. Pendant les préliminaires, la fréquence cardiaque passe d’une moyenne de soixante-quinze pulsations par minute à plus de cent, pour en atteindre cent quatre-vingts à l’orgasme. Les cardiaques feront preuve de prudence. Une première brèche dans nos convictions s’ouvre d’ailleurs ici : le sexe améliore-t-il la santé cardiaque des hommes ou est-ce qu’un bon système cardio-vasculaire permet tout simplement aux hommes d’avoir davantage de relations sexuelles ? Tout est affaire de méthodologie et, en la circonstance, celle-ci repose essentiellement sur les déclarations des sujets interrogés, pas sur l’observation d’une pratique effective.
Masturbation et cancer de la prostate
Ainsi en va-t-il du grand mythe des vertus de la masturbation sur la prostate. Dans les années 1990, des chercheurs du Centre d’épidémiologie du cancer de Melbourne, en Australie, avaient établi que plus les hommes éjaculaient – plus ils disaient éjaculer –, moins ils risquaient de développer un cancer de la prostate2. Un régime de cinq éjaculations par semaine réduirait d’un tiers les risques de développer cette maladie. Le liquide séminal pourrait en être la raison : stagnant dans les canaux de la prostate, il aurait des propriétés cancérigènes. Largement médiatisée, cette étude a été remise en cause depuis. Selon le rapport de Stuart Brody3, psychologue à l’University of the West of Scotland, ce n’est pas la masturbation mais le coït vaginal qui donne « les meilleurs résultats physiologiques ». Le chercheur s’est intéressé à des sujets suédois, trois mille d’entre eux : hommes et femmes se portaient mieux, physiquement et mentalement, grâce au coït, moins bien s’ils se masturbaient. Mais aucune incidence sur la prostate.
Ocytocine et cancer du sein
Du fait de la production d’ocytocine, cette « hormone du bonheur », lors de l’orgasme et de la stimulation des tétons, les femmes tireraient également bénéfice d’une activité sexuelle régulière. La revue Breast Cancer Research and Treatment est allée jusqu’à établir une corrélation entre la stimulation mammaire – que ce soit dans l’acte sexuel entre adultes consentants ou lors de l’allaitement – et le cancer du sein4 : plus il y aurait de stimulation, et moins le taux de cancer serait élevé. Mais d’autres études américaines relativisent à nouveau ces conclusions. L’une d’entre elles trouve une réduction du risque de cancer du sein chez les femmes qui ont eu des partenaires multiples, alors qu’une autre établit que celles ayant eu des enfants de plusieurs hommes sont autant exposées à ce cancer.
Faire l’amour est-ce vraiment bon pour santé
1. Source : « Sexual intercourse and risk of ischaemic stroke and coronary heart disease », Journal of Epidemiology and Community Health, 2002.
2. Source : « Sexual factors and prostate cancer », BJU International, 2003.
3. « The relative health benefits of different sexual activities », The Journal of Sexual Medicine, 2010.
4. « The potential for oxytocin to prevent breast cancer : a hypothesis », Breast Cancer Research and Treatment, 1995.