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“L’eau sacrée” ou le sexe à la rwandaise : le plaisir féminin sans tabou

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Tout, vous saurez tout sur le kunyaza ! Au Rwanda, cette pratique sexuelle consiste à solliciter le clitoris pour faire jaillir l’eau du sexe de la femme, et lui procurer du plaisir. Voilà pour le mode d’emploi. Sur un ton bien plus poétique, mais également cru et drôle, le documentaire L’eau sacrée nous plonge au coeur de l’intimité de ce rite ancestral rwandais.

Il était une fois …  Ainsi commencent les contes pour enfants. Ici le conte s’adresse plutôt aux “grandes personnes”. Cette légende contient un précieux secret qui se transmet dans le silence de la nuit, une pratique à laquelle les hommes rwandais s’essayent lorsqu’ils se retrouvent en compagnie d’une petite amie ou épouse qu’ils s’apprêtent à “honorer”.

Il s’agit donc de sexe. Parlons clairement puisque malgré un style parfois métaphorique, le documentaire d’Olivier Jourdain aborde très directement et simplement la question. De sexe et donc d’acte sexuel, et de ce que certain.e.s voudront nommer avec précision : éjaculation féminine, quand d’autres préfèreront évoquer “les femmes fontaines”.

Plongeons-nous dans ce mystère qui nous est ici dévoilé, selon lequel le plaisir de la femme pendant l’acte sexuel s’exprimerait par le jaillissement d’une eau intime. Un jaillissement rendu possible par la pratique du kunyaza. Wikipédia nous apprend que kunyaza est le nom rwandais donné à une pratique sexuelle trouvée dans la région des Grands lacs de l’Afrique de l’Est qui est destinée à faciliter l’orgasme féminin pendant les rapports sexuels. Il vient du verbe kunyaàra, signifiant “uriner”.

L’histoire d’une Reine frustrée

Les Grands lacs, justement, car c’est de cette manière que l’un des plus célèbres d’entre-eux, le lac Kivu aurait trouvé naissance. C’est en tout cas ce que raconte la légende. L’histoire d’une reine tellement frustrée par l’absence de son roi et guerrier de mari, menant bataille sur le front, qu’elle fait appel à son serviteur. Celui-ci pétri de peur, tremble de tout son corps, parce que menacé d’être exécuté s’il ne …  s’exécute pas mais il n’ose pas pénétrer sa souveraine. Pendant leur corps à corps, de ce frottement, de ce tremblement et des vibrations jamais ressenties jusqu’alors par la reine vont naître cette explosion aqueuse, si abondante qu’elle sera la source du Kivu. Le mythe de l’eau sacrée était né.

(Bande annonce du film L’eau sacrée)

C’est en 2009 qu’Olivier Jourdain entend pour la première fois cette histoire. Le réalisateur belge se trouve à Kigali à l’occasion d’un tournage pour l’ONG Afrique en marche. Un matin, il découvre dans la rue, un matelas inondé d’eau en train de sécher au soleil. Cette vision l’interpelle. Son propriétaire, pas peu fier, se fait une joie de lui raconter les bienfaits du kunyaza. L’idée lui vient alors de mener l’enquête. Pas si étonnant peut-être quand on porte le nom d’un fleuve…

« Il y a une culture de la sexualité au Rwanda, en tout cas autour de ce plaisir féminin. C’est une manière différente de parler d’un pays, et cela nous renvoie en miroir, à nous Occidentaux la manière de parler de sexualité librement. Est-ce qu’on est si ouvert que ça finalement ? C’est plutôt une réflexion sur le plaisir en général », confie Olivier Jourdain sur le plateau du JTA. (>Ici l’entretien en vidéo)

CréditTV5monde

 

Qui a déjà eu un orgasme ? Qui connait le kunyaza ? 
Vestine Dusabe, animatrice radio et sexologue
Vestine Dusabe, animatrice radio Flash FM. (Rwanda)

Vestine Dusabe, animatrice radio Flash FM. (Rwanda)
Crédit L’eau sacrée (Olivier Jourdain)

Qui mieux qu’une héroïne au charisme indéniable pour le guider dans cette quête ? Olivier Jourdain la trouve en la personne de Vestine Dusabe, sexologue et animatrice radio. Dans son émission diffusée sur les ondes de la très populaire Flash FM, elle écoute les confidences des auditrices et auditeurs. On y parle ouvertement du plaisir sexuel, et donc du kunyaza.
À son lancement, en 2000, son émission n’était pas du goût des autorités. « Nous avons eu un vrai conflit, car le gouvernement estimait que dans notre culture on ne parle pas de ces choses-là, ou encore que des enfants risquaient de l’entendre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : l’émission a même été primée ! » confie-t-elle dans un entretien à  jeuneafrique.com, à l’occasion de la sortie du documentaire.

Le Kunyaza, fierté des Rwandais

Du kunyaza, l’animatrice en fait une sorte de mission “divine”. Ainsi, on la suit porter la bonne parole dans les contrées rwandaises. Ce qui donne une scène difficilement imaginable sous d’autres cieux. La truculente jeune femme anime une réunion publique à laquelle assistent villageois.es, tout âge confondu. Vestine Dusabe interpelle chacun.e sur sa sexualité. “Qui a eu un orgasme ? Qui ici donne du plaisir à son épouse ? Qui sait faire le kunyaza ? Toi, là, tu sais le faire ? Comment fais-tu ? Montre-moi !”, lance l’animatrice, tout sourire, en recommandant au préalable d’écarter les enfants. Silence de l’auditoire, sourires gênés des mamys et papys, grimaces entendues de jeunes femmes… Imaginez un peu cette scène dans l’Amérique de Trump, ou même dans un village du fin fond de la Creuse !

Certaines femmes s’épanouissent au point de pousser des cris qui font sourire tout le voisinage !
Extrait L’eau sacrée

On apprend donc que le kunyaza et l’éjaculation féminine font partie intégrante de la tradition rwandaise. Et que cette eau est signe de fertilité, d’épanouissement et … de bonheur conjugal. « Un kunyaza réussi provoque un jet, témoigne un partisan de cette technique. Certaines femmes s’épanouissent au point de pousser des cris qui font sourire tout le voisinage. Les amants sont parfois comblés quand le liquide dessine un cœur sur leur lit d’amour. »

On comprend aussi que cette pratique du sexe « à la rwandaise » est un motif de fierté et de plaisanterie entre copains de virées nocturnes. Dans le film, plusieurs intervenants masculins s’amusent d’ailleurs à reproduire avec leur bouche et leurs mains le rythme des vibrations du kunyaza, à la manière de percussions de plus en plus puissantes et rapides. Du côté des femmes, peu en parlent ouvertement devant des hommes, ce qui rend d’autant plus exceptionnels les témoignages recueillis dans ce film.

Exceptionnel encore, ce moment où l’on entre dans l’intimité de la chambre d’un couple, filmé en train d’écouter l’émission de Vestine Dusabe. Si l’homme ricane et prend avec légèreté les propos qu’il entend, la femme, elle, en profite pour passer des messages : « Certaines femmes n’auront jamais d’eau. D’autres sont bloquées car elles sont fachées. (…) Tu peux être fâchée à cause du travail. Quand le mari rentre, tu n’as  pas envie de lui ».

Un couple filmé en train d'écouter, dans <em>L'eau sacrée</em>, l'émission de radio de Vestine Dusabe, à la lumière d'une bougie, moment d'intimité et de confidences.

Un couple filmé en train d’écouter, dans L’eau sacrée, l’émission de radio de Vestine Dusabe, à la lumière d’une bougie, moment d’intimité et de confidences.
Crédit capture d’écran L’eau sacrée (Olivier Jourdain)

Le Gukuna, entre filles et pour les hommes
Entre elles, les femmes et jeunes filles évoquent aussi une autre pratique rituelle, le gukuna. Cette coutume consiste en une série de massages réciproques et intimes entre filles pour étirer progressivement les petites lèvres vaginales. « C’est comme traire doucement une vache », explique une adolescente dans le documentaire, face à une camarade d’internat, visiblement plutôt incrédule.

Un article de Slateafrique.com explique que « l’étirement des petites lèvres commence avant que la fille ne puisse voir ses premières menstruations. C’est ainsi que certaines filles y sont initiées autour de l’âge de 12 ou 13 ans pour éviter qu’elles ne souffrent davantage si cela se fait à l’âge adulte. » Cette pratique, qui existe aussi en RDC, est aujourd’hui de plus en plus perçue comme archaïque, et ne serait quasiment plus usitée dans les grandes villes.

« Les us et coutumes traditionnelles de mariage étaient si profondément ancrées dans la conscience populaire au point qu’une jeune fille qui allait se marier sans avoir étiré ses parties sexuelles se faisait renvoyer par son mari et le divorce était ainsi consommé », explique Dative Mukamana, Spécialiste de l’éducation sexuelle sur le blog Igihe.
Olivier Jourdain a pu filmer une séquence où l’on voit un groupe de jeunes femmes, cachées derrière un pagne, en train d’enseigner la technique du gukuna.

Mais au-dela de la découverte, ou non, de ces pratiques ancestrales, livrées ici sans tabou, le documentaire nous offre aussi une pause, magique, pour ne pas dire sacrée. Lors d’une soirée dansante, animée par l’incontournable Vestine Dusabe, femmes et hommes vont chacun leur tour tenter de reconnaitre sa/son compagnon de vie en se touchant les mains, les yeux bandés.

Lors d'une soirée dansante, épouses et époux s'amusent à reconnaitre leur "moitié", en se touchant les mains, les yeux bandés. Scène du film L'eau sacrée d'Olivier Jourdain.

Lors d’une soirée dansante, épouses et époux s’amusent à reconnaitre leur “moitié”, en se touchant les mains, les yeux bandés. Scène du film L’eau sacrée d’Olivier Jourdain.

«  La vie à deux n’est pas facile. On peut se faire du mal. Mais tout peut s’arranger. De simples détails peuvent parfois briser un couple. Ça ne devrait pas arriver s’il y a de l’amour », proclame au micro la sexologue. Merci à Olivier Jourdain d’avoir aussi permis à cette mémoire amoureuse des corps, universelle, de jaillir, et cela sans mode d’emploi.

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Source: TV5 Monde

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