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Soudan: une semaine après le départ de Béchir, les manifestants ciblent le régime

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Un manifestant soudanais brandit un drapeau de son pays lors d'un rassemblement demandant la chute du régime, devant le QG de l'armée à Khartoum, le 18 avril 2019

Une semaine après le destitution par l’armée du président Omar el-Béchir, les manifestants au Soudan maintiennent la pression pour en finir avec l’ensemble de son régime, au quatrième mois d’une contestation populaire inédite dans ce pays.

Rassemblés en masse jeudi pour le 13e jour consécutif devant le quartier général de l’armée à Khartoum, les manifestants ont scandé “l’armée est à nous, l’armée est à nous”.

Agé de 75 ans, M. Béchir a vu ses trois décennies de règne s’achever le 11 avril avec sa destitution par l’armée sous la pression d’un mouvement populaire déclenché en décembre par le triplement du prix du pain qui s’est ensuite transformé en contestation politique.

“Le régime de Béchir était un régime terroriste, une dictature. Nous sommes contents de l’avoir renversé”, se réjouit Mohamed Ali, un manifestant venu avec son épouse et sa soeur devant le QG de l’armée, dans le centre de la capitale. “Nous avons encore un long chemin à parcourir, mais nous sommes sûrs que le Conseil militaire nous écoutera”.

Depuis le 6 avril, des milliers de Soudanais campent devant le QG de l’armée, malgré la chaleur accablante. A l’origine, ils réclamaient le départ de M. Béchir. Aujourd’hui, ils exigent la dissolution du Conseil militaire de transition qui lui a succédé et l’instauration d’un pouvoir civil.

Après s’être réunis devant le ministère de la Justice, des avocats ont rejoint la foule de manifestants. Nombre d’entre eux ont brandi des banderoles sur lesquelles était écrit: “Nous voulons que les lois qui restreignent les libertés soient modifiées”.

– “Entretenir la flamme” –

AFP / Gal ROMALa contestation au Soudan

Des enseignants ont rallié le rassemblement en brandissant des portraits de leur confrère Ahmed al-Kheir, qui a succombé en janvier à ses blessures subies en détention.

“Nous voulons que les meurtriers de notre ami enseignant affrontent la justice”, ont-ils scandé.

Des associations de femmes, des syndicalistes, des ingénieurs et des étudiants doivent également rejoindre le sit-in, selon des militants.

“Le message que nous voulons transmettre, c’est que nous ne quitterons pas cet endroit jusqu’à ce que nos objectifs soient atteints”, déclare Ahmed, présent sur le site depuis tôt jeudi.

Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat soutenu par les islamistes en 1989, M. Béchir a dirigé d’une main de fer un pays en proie à des rébellions dans plusieurs régions dont celle du Darfour (ouest), et où les arrestations de chefs de l’opposition, de militants et de journalistes étaient régulières.

Le chef de l’Etat déchu est sous le coup de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, notamment pour “génocide” au Darfour, mais les autorités actuelles refusent son extradition.

Arrêté et détenu dans un lieu inconnu, M. Béchir a été transféré mercredi dans une prison du nord de Khartoum, a indiqué l’un de ses proches. Le Conseil militaire a annoncé le même jour l’arrestation de deux de ses frères.

C’est le ministre de la Défense sous Omar el-Béchir, le général Awad Ibn Ouf, qui avait pris la direction du Conseil de transition le 11 avril. Mais il a démissionné 24 heures plus tard et a été remplacé par le général Abdel Fattah al-Burhane, un militaire peu connu.

AFP / OZAN KOSEUne Soudanaise brandit un papier sur lequel est écrit “Liberté, paix, justice”, un des principaux slogans de la contestation au Soudan, à Khartoum le 18 avril 2019

“Nous voulons que le Conseil militaire soit dissout et remplacé par un conseil civil incluant des représentants de l’armée”, a assuré Mohamed Naji, un responsable de l’Association des professionnels soudanais (SPA), groupe en première ligne de la contestation.

“Il est de plus en plus clair que la révolution reste inachevée”, déclare à l’AFP Alan Boswell, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG). “La clique sécuritaire toujours au pouvoir résiste clairement aux exigences” de la rue.

– Pressions –

Selon lui, les manifestants ont raison de dire que les membres du Conseil militaire appartiennent à l’élite dirigeante sous M. Béchir.

AFP / OZAN KOSEUn soldat soudanais est porté sur les épaules d’un manifestant, entouré d’autres protestataires rassemblés devant le QG de l’armée à Khartoum, le 18 avril 2019

M. Boswell évoque tout de même un “changement”. “Si vous comptez Salah Ghosh, trois dirigeants se sont retirés en une semaine”, rappelle-t-il. M. Ghosh, chef redouté du Service national de renseignement et de sécurité (NISS), avait démissionné après la destitution de M. Béchir.

Le NISS est accusé d’avoir mené la répression contre les manifestants ayant fait plus de 60 morts et des centaines de blessés. Des milliers de personnes ont été emprisonnées.

La réaction du Conseil à la pression de la rue et de la communauté internationale sera cruciale.

“Nous ne sommes pas au bout du chemin”, estime M. Boswell. “Nous nageons en eaux troubles”.

L’Union européenne et les Etats-Unis ont appelé les nouvelles autorités à inclure des civils. L’Union africaine a menacé lundi de suspendre le Soudan si l’armée ne quittait pas le pouvoir au profit d’une “autorité politique civile” sous 15 jours.

“Nous devons nous battre jusqu’à en finir avec ce régime”, relève Erij Salah, un manifestant de 23 ans.

AFP

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