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Loi sécurité à Hong Kong: premières arrestations pour l’anniversaire de la rétrocession

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Les autorités de Hong Kong ont déployé un important dispositif de sécurité dans la ville ce mercredi 1er juillet, jour du 23e anniversaire de la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine, quelques heures à peine après l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi controversée de sécurité nationale adoptée à Pékin. Une trentaine de personnes ont été arrêtées en lien avec ce texte promulgué ce mardi par Xi Jinping. Les forces de l’ordre ont dispersé des manifestants avec un canon à eau.

Ce mercredi 1er juillet est le premier jour du nouveau Hong Kong. Pas la cité qui a été rétrocédée par la Grande-Bretagne à la Chine populaire le 1er juillet 1997. Pas la place financière mondiale qui bénéficiait jusque-là du principe « un pays, deux systèmes », permettant aux Hongkongais de jouir de libertés civiles et d’une justice indépendante inconnues sur le continent chinois. Non, il s’agit d’une nouvelle rétrocession à la mère-patrie.

Pour ce 23e anniversaire du retour dans le giron chinois, Hong Kong vit désormais sous le régime d’une nouvelle loi sur la sécurité nationale. Lors de la cérémonie marquant cet anniversaire ce mercredi, Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif local, n’a pas manqué de le souligner : ce nouveau texte est « l’événement le plus important » pour Hong Kong depuis sa rétrocession en 1997. « Il s’agit d’un pas historique pour parfaire Hong Kong en préservant la sécurité nationale, l’intégrité territoriale et un système sûr », a déclaré Carrie Lam.

Les autorités, à Pékin comme à Hong Kong, l’ont répété : la nouvelle loi n’affectera pas les droits, ni les libertés de la majorité, ni les intérêts des investisseurs. Elle vise uniquement quelques « fauteurs de troubles ». Contre eux, ses effets sont immédiats. Pour la première fois depuis 1997, les autorités de l’ancienne colonie britannique ont interdit la tenue ce mercredi de la marche organisée chaque année pour marquer cet anniversaire de la rétrocession à la Chine. Raison officielle : l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes destinée à lutter contre l’épidémie de coronavirus.

Un homme et une femmes arrêtés en possession d’un drapeau indépendantiste

De nombreux militants pro-démocraties, qui craignent que la loi nuise aux libertés dans le pôle financier mondial, avaient toutefois prévu de ne pas respecter les directives des autorités et de défiler dans les rues au cours de l’après-midi. Selon le South China Morning Post, près de 4 000 policiers anti-émeutes seraient mobilisés depuis ce mardi soir pour faire respecter l’interdiction de se rassembler.

La police a averti tous les manifestants potentiels. Le message affiché en mandarin, en cantonnais et en anglais sur des nouvelles bannières violettes a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux, relève notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde : « Attention si vous portez des drapeaux ou des banderoles, scandez des slogans, ou si vous avez des intentions telles que la sécession ou la subversion, cela peut constituer des infractions dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale. »

Ce mercredi, les choses n’ont pas traîné. Pour la première fois, une trentaine de personnes ont été arrêtées pour violation de la nouvelle, refus d’obtempérer et possession d’armes, selon Reuters.

Un autre homme trouvé en possession d’un drapeau en faveur de l’indépendance de Hong Kong ont été arretés dans le cadre de cette nouvelle loi sur la sécurité nationale, a également annoncé la police sur Twitter.

Par ailleurs, la police a dispersé avec un canon à eau des petits groupes de manifestants. Le camion, équipé d’un canon à eau, a tiré plusieurs rafales d’eau mélangée à une solution de poivre irritant, frappant à différentes reprises des manifestants et des journalistes, parmi lesquels des reporters de l’AFP, qui étaient réunis à Causeway Bay, un quartier très commerçant de la ville.

Le 1er juillet 2019, des centaines de manifestants avaient fait irruption dans l’enceinte du Conseil législatif pour protester contre un projet de loi d’extradition – un texte supprimé depuis. Le bâtiment avait été dégradé, en signe de défiance envers Pékin. Les manifestations ont ensuite basculé en un mouvement plus large en faveur de la démocratie. Aujourd’hui, le constat est sans appel : à Pékin, la vengeance est un plat qui se mange glacé.

► À écouter : Le mouvement pro-démocratie hongkongais est-il vaincu ?

Un pays, un système juridique

Ce mardi, les contours généraux de la nouvelle loi ont été révélés – après sa promulgation par Xi Jinping. Les crimes contre la sécurité nationale pourront être passibles de la prison à vie à Hong Kong où la justice chinoise sera désormais compétente pour les plus « graves » d’entre eux. Une agence pour la sécurité nationale sera mise en place. Elle sera présidée par Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif, qui sera notamment entourée d’un conseiller nommé par Pékin. Cette nouvelle agence ne sera pas soumise à la « Loi fondamentale », la mini-constitution de Hong Kong, mais dépendra directement de Pékin.

Le texte permet de réprimer quatre types de crimes contre la sécurité d’État : les activités subversives, la sécession, le terrorisme et la collusion avec des forces étrangères visant à mettre en danger la sécurité nationale. Dans ce domaine, la Chine continentale peut directement prendre en charge les dossiers dans trois hypothèses : s’il s’agit d’affaires complexes d’ingérence étrangère, si les cas sont « très graves » et si des « menaces graves et réelles » pèsent sur la sécurité nationale. Pékin a à cet égard plusieurs fois accusé des pays occidentaux de jeter de l’huile sur le feu à Hong Kong en soutenant les manifestants.

Ainsi, demander que des sanctions soient imposées sur Hongkong ou sur la Chine, comme l’ont fait activement plusieurs membres de l’opposition depuis quelques mois, en allant à Washington, par exemple, sera désormais considéré comme un crime de conspiration avec un régime étranger.

Prison à vie et jugements à huis clos en Chine

La loi marque clairement la fin de la juridiction séparée : « À la fois l’agence de sécurité nationale et [les autorités de] Hong Kong peuvent demander de renvoyer l’affaire en Chine continentale et les poursuites seront engagées par des procureurs désignés par le Parquet populaire suprême [chinois] et le procès se déroulera dans un tribunal désigné par la Cour suprême » de Chine.

Quelles sont les peines encourues ? « Les auteurs de [crimes] graves seront condamnés à la prison à vie ou à un minimum de dix ans d’emprisonnement », indique la nouvelle loi. Plus encore, certaines de ces affaires pourront être jugées à huis clos si des secrets d’État sont en jeu.

Ce qui a surpris avant tout, rapporte notre correspondante à Hong Kong, Florence de Changy, c’est l’étendue et la portée de cette loi. Elle couvre même des crimes commis en dehors de Hongkong ou portant, par exemple, sur la notion d’indépendance de Hong Kong. De fait, cette loi couvre à peu près tout ce qui risque de déplaire à la Chine.

Elle renforce aussi le contrôle des ONG et des journalistes étrangers résidant à Hongkong. Elle prévoit la présence d’une police secrète pour, semble-t-il, agir en toute impunité, sous couvert de veiller à la sécurité nationale. Dans tous les cas, c’est Pékin qui a l’arbitrage final. Le texte a donc tout pour terrifier la population hongkongaise.

« Une logique de bandits »

Attendue, la nouvelle loi adoptée à grande vitesse à Pékin a été condamnée par 27 pays au Conseil de droits de l’homme de l’ONU, dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon.

Les États-Unis ont menacé la Chine de nouvelles sanctions. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a déploré un « jour triste » pour Hong Kong et promis de ne pas « rester les bras croisés ». À Washington, le Sénat a approuvé la semaine dernière à l’unanimité un texte prévoyant des sanctions automatiques contre les responsables chinois qui violent les obligations internationales de la Chine en faveur de l’autonomie de Hong Kong. Cette proposition de loi doit encore passer le cap de la Chambre des représentants puis être promulguée par le président Donald Trump. Les noms des responsables chinois visés ne sont pas précisés.

En réponse, Pékin a fustigé ce mercredi « une logique de bandits » derrière ces menaces de sanctions. « Nous ne vous avons pas provoqués. De quel droit êtes-vous agressifs avec nous ? », s’est interrogé devant la presse le directeur adjoint du Bureau des affaires de Hong Kong et Macao du régime communiste, Zhang Xiaoming, estimant que la loi imposée mardi ne « regardait pas » les pays étrangers.

RFI

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