QU’EST-CE QUE LE CHANGEMENT ?
Le changement peut être perçu comme l’oubli que l’esprit fait d’un premier terme en ne considérant plus que le second. Dans cette definition littéraire il est démontré qu’il ne peut y avoir de changement sans les sujets c’est à dire les hommes. Les sujets sont les acteurs du changement qui envisagent de rompre avec le passé. Le changement c’est celui des hommes et des idées, c’est la balance : c’est l’équilibre de la démocratie.
Depuis le 5 juin 2020, les maliens hommes, femmes, moins jeunes, jeunes et vieux, toutes obédiences confondues aspirent au changement.
De quel changement s’agit-il ?
Nous avons connu le même système depuis 1992 avec presque les mêmes sujets à la tête de l’Etat qui n’a presque pas changé de politique. Notre pays a aujourd’hui besoin du vrai changement dans la conduite des affaires de l’Etat. Qu’est ce qui reste du système démocratique malien ?
Depuis l’introduction du pluralisme politique en 1992. Autrement dit depuis vingt-huit ans, soit plus d’un quart de siècle notre pays est dirigé par les mêmes sujets politiques, c’est-à-dire du comité de transition pour le salut du peuple CTSP dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani TOURE qui prendra les rênes du Mali 2002-2012. Le régime Adema avec monsieur Alpha Oumar KONARE comme président 1992-2002. Apres les deux quinquennats du président Konaré, ATT récupère ce qu’il avait confié dix ans auparavant. Cette passation de pouvoir fut pacifique et est salué à travers le monde citant le Mali comme modèle de démocratie en Afrique. Une question taraude les esprits, ATT un candidat indépendant, un général sans parti politique face au plus grand parti de l’Afrique après l’ANC de Nelson MANDELA, gagne les élections présidentielles. Il instaure une gestion consensuelle du pouvoir d’Etat regroupant toutes sensibilités sans exclusion aucune. Cette gestion consensuelle du pouvoir c’est la continuité du système avec les mêmes acteurs, c’est donc le statuquo. Depuis plus de vingt ans donc les idées ne se sont pas renouvelées à la tête de l’Etat malien. Quel paradoxe ? On ne fait pas du nouveau avec le vieux, la nouveauté n’est donc pas nouvelle.
Quel enseignement peut-on tirer des décennies 1992-2012 ?
Le complot des élites : la démocratie confisquée ; une démocratie de façade. C’est dans ce contexte difficile avec la corruption érigée en modèle de gouvernance, un système éducatif détruit, une armée affaiblie et politisée, une insécurité au nord du pays qu’est intervenue la mutinerie au camp Soundiata de Kati, qui donne des prétextes d’un coup d’Etat le 22 Mars 2012 à un mois des élections présidentielles.
Cette interruption de l’ordre constitutionnel était l’occasion en or pour le Mali et les maliens de poser le vrai diagnostic et d’aspirer enfin au changement tant attendu. Mais hélas ! La crise est multidimensionnelle avec l’occupation des trois régions du nord avec des séparatistes qui ont pactisé avec terroristes islamistes et narco trafiquants. C’est une nouvelle équation à résoudre, une complication qui s’est soldée par une intervention française pour stopper l’avancée des terroristes islamistes vers le sud. Notre pays a encore manqué l’occasion d’amorcer le changement.
Une transition courte et bâclée d’une année dirigée par le professeur Dioncounda TRAORE organisa des élections présidentielles en juillet 2013 Ibrahim Boubacar KEITA fut élu au second tour avec plus de 77 pour cent des voix : quelle légitimité pour un homme providentiel tant attendu par les maliens.
Son premier quinquennat était l’occasion d’amorcer le changement avec une telle légitimité malheureusement il fut entaché par des scandales de corruption, de surfacturation, l’insécurité atteint son paroxysme et surtout la gestion familiale du pouvoir d’Etat. En 2015 un accord de paix fut signé avec les groupes armés du nord ; en dépit de la signature de ce document sous l’œil vigilent de la communauté internationale : Minusma, Ua, G5 Sahel, Barkhane, Takouba le conflit prend une autre forme et se déplace au centre du pays. Le constat est amer avec des milliers de morts civils et militaires ; des milliers de déplacés a l’intérieur et à l’extérieur du pays, la prolifération des milices d’auto-défense. Des milliards de nos francs de nos for forces de défense furent détournés, un conflit intercommunautaire qui menace désormais la cohésion sociale. C’est ce contexte difficile qu’est intervenue l’élection présidentielle de 2018, le président fut réélu au second tour. Cette réélection fut contestée par son principal challenger qui revendiquait sa victoire d’où le début d’un hypothétique quinquennat. A moins de deux ans de ce second quinquennat, les maliens sont fatigués de la gouvernance calamiteuse, de l’insécurité généralisée, de l’absence d’école, de santé, d’eau, d’électricité et surtout l’enlèvement du chef de fil de l’opposition l’honorable Soumaila CISSE etc…..
Les élections législatives bâclées et la falsification des résultats de l’administration par la cour constitutionnelle au profit de certains candidats ont été les facteurs déclencheurs d’une crise dont la suite est connue.
Un grand mouvement de contestation a vu le jour le 5 Juin 2020 dénommé le M5 RFP (Mouvement du 5Juin rassemblement des forces patriotiques). Ce mouvement regroupe toutes les sensibilités politiques, civiles, religieuses qui ont un dénominateur commun : le départ d’IBK et son régime. Il a une autorité morale l’emblématique influent IMAMDICKO, un homme d’expériencedoté d’une grande sagesse qui a vécu tous les régimes, il a les bénédictions du grand chérif de Nioro qui a été le premier à demander le départ d’IBK. Après les sorties du 5 et 19 Juin, celle du 10 Juillet fut tragique avec des tueries, des blessés, des biens saccagés. Malgré une médiation de haut niveau de la CEDEAO, on avait atteint un point de non-retour. Un groupe de militaires intervient le mardi 18 Aout pour parachever le combat du peuple. Alors le Mali et les maliens aspirent à quel type de changement ?
QUE DOIT-ON CHANGER ? Les hommes, les habitudes, les idées ?
Le changement doit opérer une rupture qui ne soit pas brutale mais elle doit être totale avec l’immobilisme actuel au sommet de l’Etat. Il doit mettre l’accent sur le patriotisme, une adéquation entre le poste à occuper et le profil de l’occupant. La compétence, le mérite, l’excellence doivent être des critères du choix des hommes au détriment de la coloration politique. Ce changement tant attendu doit mettre fin à la république des amis, de la famille, le maitre mot doit être le changement du système. Il faut enfin poser le vrai diagnostic et de proposer des solutions à court, à moyen et à long terme pour le bonheur des maliens. Pour atteindre cet objectif il faut une union sacrée autour du Mali.
Dr Aly Kola KOITA
Enseignant-chercheur
Source: Le Pays