Le président ivoirien Alassane Ouattara a rencontré ce mercredi 11 novembre le président de la coalition de l’opposition, Henri Konan Bédié. Cette rencontre s’est tenue deux jours après le discours télévisé d’Alassane Ouattara dans lequel il avait indiqué son intention de rencontrer le président du PDCI.
Alassane Ouattara est arrivé le premier à l’hôtel du Golf et s’est isolé dans l’ancien bureau qu’il y occupait durant la crise post-életorale de 2010-2011, lorsqu’il était allié à Henri Konan Bédié contre Laurent Gbagbo, rapporte notre correspondant à Abidjan, Pierre Pinto. Puis Henri Konan Bédié est arrivé et les deux hommes, accompagnés de Gaston Ouassenan Koné, vice-président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et de Fidèle Sarassoro, directeur de cabinet du chef de l’État, se sont engouffrés dans un salon d’où ils sont ressortis 45 minutes plus tard.
« Nous sommes convenus que la paix est la chose la plus chère pour tous les deux, et pour tous les Ivoiriens », a déclaré le président ivoirien réélu à l’issue de cette rencontre, sans donner pour le moment davantage de détails sur le contenu des discussions.
Le chef de l’État a indiqué qu’il s’agissait d’abord de « rétablir la confiance » et que le « dialogue a bien démarré », rapporte notre correspondant à Abidjan, François Hume-Ferkatadji. Le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et représentant de l’opposition n’a pas été plus loquace. La rencontre d’aujourd’hui « a permis de briser le mur de glace, le silence », s’est-il contenté d’indiquer, et que de nouveaux entretiens étaient prévus dans les prochains jours. D’ici là, Henri Konan Bedié annonce qu’il va « faire le point » sur la suite avec le reste de l’opposition ce vendredi à midi.
Cela faisait plus de deux ans que les deux hommes ne s’étaient pas rencontrés. Le lieu de cette rencontre – l’hôtel du Golf – est hautement symbolique. C’est ici qu’Alassane Ouattara et son aîné Henri Konan Bédié étaient restés reclus pendant quatre mois lors de la crise post-électorale, de décembre 2010 à avril 2011. À l’époque, ils étaient alliés contre le président sortant Laurent Gbagbo et la situation sécuritaire était chaotique.
Une liste de préalables à toute discussion
Le scénario est cette fois différent. Les deux hommes se retrouvent dans cet hôtel alors qu’ils s’opposent politiquement, ils se livrent un véritable combat, qui s’est durci ces derniers jours avec l’arrestation de plusieurs personnalités du PDCI et le blocus de la résidence d’Henri Konan Bédié.
Ce blocus a été levé mercredi en début d’après-midi. Cela fait d’ailleurs partie d’une liste de préalables du PDCI avant l’ouverture de toutes discussions politiques. Dans cette liste, rendue publique ce mercredi, il est donc réclamé la levée du blocus des résidences des leaders de l’opposition – ils sont six à avoir ainsi été empêchés ces derniers jours ; la libération de tous les responsables et militants de l’opposition, donc Maurice Guikahué, le numéro deux du PDCI, et Pascal Affi N’Guessan, le président du FPI-légal ; la levée des poursuites judiciaires. Une vingtaine de dirigeants politiques sont poursuivis pour « rébellion contre l’autorité de l’État », mais aussi pour « meurtres » ou terrorisme.
Le PDCI demande également un « dialogue inclusif et élargi à l’ensemble des plateformes et partis politiques de l’opposition ». Il s’agit donc de n’oublier ni le Front populaire ivoirien dans ces discussions, ni le mouvement Générations et peuples solidaires (GPS) de Guillaume Soro.
De nombreuses interrogations pour l’opposition
Mais le chemin vers cette paix désirée sera long et semé d’embuches. Car les questions qui se posent désormais sont innombrables : qui va mener les discussions ? quels compromis les deux camps sont-ils prêts à faire ? Comment l’opposition, si hétéroclite, du FPI Affi, au FPI Gbagbo en passant par GPS de Guillaume Soro, ou encore l’UDPCI de Mabri Toikeusse, comment cette opposition pourra-t-elle s’exprimer d’une seule et même voix ? L’UDPCI, qui juste avant la rencontre a d’ailleurs publié un communiqué pour distillé le doute sur le bien-fondé de ce rapprochement entre les deux dinosaures de la politique ivoirienne : « ouvrir un simulacre de dialogue politique pour mieux étouffer et diviser l’opposition », écrit le secrétaire général de ce parti.
Henri Konan Bédié a du reste bien compris les risques de divisions qui pèsent désormais sur l’opposition. Dès la fin de la rencontre avec Alassane Ouattara, il a proposé à tous les représentants de partis politiques d’opposition de « faire le point sur leurs attentes et leur vision de l’avenir ». Et ce, lors d’un rendez-vous prévu ce vendredi. Encore faut-il que les poids lourds de l’opposition puissent être disponibles car ils sont soit en exil, soit en prison, soit en fuite.
Il était question de cette rencontre entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié depuis des semaines, avant même la présidentielle du 31 octobre. Mais les pressions diplomatiques se sont accrues après le scrutin pour qu’elle se tienne. Il faut dire que le contexte politique, communautaire et sécuritaire délétère ne s’est pas arrangé depuis la présidentielle, loin de là. Et beaucoup attendent de ce tête-à-tête qu’il apaise un peu les tensions sur le terrain. Depuis l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara début août, les violences politiques et communautaires ont fait, selon un bilan officiel publié ce mercredi, au moins 85 morts dont 31 depuis l’élection.
RFI