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Gestes barrières contre la Covid-19 : La défiance généralisée

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«Batôma ! Qui a ouvert ma bouteille d’eau ? Personne ne touche à ma bouteille, c’est compris ?» Et la porte du salon claqua violemment. Nous sommes à Yirimadjo, dans une paisible famille où vivent Mariam et sa mère. Depuis que la Covid-19 s’est introduite au Mali, Mariam, étudiante, est intraitable sur le respect des gestes barrières. Mais on ne peut en dire autant de sa mère, Awa Diallo. La quinquagénaire ne croit pas beaucoup à tout ce qu’on dit sur cette maladie qui sème la mort et la désolation dans le monde. Conséquence : la maison est maintenant divisée en partisans et non partisans des gestes barrières, seuls remèdes pour le moment.

Apparu, il y a bientôt un an, ce virus continue de faire des dégâts dans le monde. En attendant l’utilisation des vaccins, les spécialistes sont unanimes sur une seule solution : prendre des précautions pour se prémunir contre la maladie. Ce qui semble impossible au Mali, à cause de multiples facteurs.

A une vitesse extraordinaire de contagion, la pandémie de Covid-19 a semé la panique à travers le monde. Cette capacité du virus à attaquer les gens et, très souvent, à les tuer soudainement, a porté un rude coup à la convivialité et la proximité sociales, La distanciation, justement sociale, exclue les accueils chaleureux. La façon de se saluer, de marcher dans les rues, de travailler en groupe ou d’habiter dans la même cour est bouleversée.

PROTECTION – Il est, ainsi, conseillé de se laver les mains, régulièrement, au savon, de tousser dans les coudes, d’éternuer dans un mouchard à usage unique, de porter un masque. Ces mesures de protection, appelées gestes barrières, défilent en boucle sur les médias. Malheureusement, beaucoup de nos concitoyens ne semblent ou ne veulent pas les adopter. Nos pratiques, surtout sociales, mais aussi sanitaires et d’hygiène n’ont pas changé. De la vieille génération à la récente, beaucoup font fi de ces mesures barrières et pensent à une « duperie des autorités ». La vox (rumeur) populi a même insinué que la Covid est un subterfuge de nos gouvernements pour obtenir des aides des partenaires au développement !!!  La théorie du complot est passée par là.

Assise à même le sol, la mère de Mariam, dont la mobilité est réduite du fait de son âge avancé, suit le ballet incessant de clients de jus de bissap et de glaces qu’elle vend. Une grande partie des clients sont des enfants. Une grande jarre est installée dans un coin de la cour de la maison. Les enfants viennent habituellement étancher leur soif. Mais à cause de la Covid-19, l’étudiante Mariam veut que cette installation soit retirée de la cour. Mais sa maman, la vieille Awa, s’y oppose. La dispute est permanente entre mère et fille. « Je ne vais pas utiliser le même gobelet que ces dizaines de personnes, surtout par les temps qui courent. Je ne veux pas être contaminée. Je ne touche plus à l’eau du canari. Je remplis mes bouteilles que j’utilise pendant la journée », confie la jeune fille.

Sa mère pense que le « Coronavirus ne peut se transmettre que par l’argent qui circule de main à main ». Il est hors de question de retirer le canari de la maison. Elle est, aussi, contre le fait de laver le gobelet, chaque fois, que quelqu’un l’utilise. Elle croit que cet acte hygiénique traduit un mépris des autres. La vieille mère soutient qu’un canari rempli d’eau est source de bénédiction et de miséricorde. Chaque famille doit en avoir. « Dieu seul sait votre mérite du fait que des personnes inconnues viennent étancher leur soif dans ce canari», insiste-t-elle. Elle tient, particulièrement, à ce que son canari soit lavé chaque matin et rempli d’eau potable.

INSOUCIANT – Ladji a passé au Bac, cette année. En attendant la reprise des cours, il a ouvert un atelier de blanchissage devant lequel il vend du café et des omelettes, jusque tard dans la nuitBeaucoup de jeunes viennent prendre le thé avec lui. Eux, les mesures de protection contre la Covid sont le cadet de leurs soucis. Certains s’assoient à deux sur une chaise. Ils boivent le thé dans le même verre qui passe de main a main, et à tour de rôle. Pourquoi ne respectent-ils pas les mesures barrières ? Ils répondent, tout simplement, qu’ils ne croient pas à l’existence de cette maladie et aux dangers qui y sont liés.

D’après ces adolescents, la Covid-19 est un moyen pour l’Etat de se faire de l’argent auprès des partenaires. « On n’a vu personne atteinte de Coronavirus ici. Le gouvernement fait la campagne sur cette pandémie à travers les médias pour avoir de l’aide », croit fermement le chef de « grin » (groupe d’amis). Son ami conforte sa thèse. Il pense que si le Coronavirus existe réellement, il ne peut atteindre les Africains. « Sinon, nous serions tous morts à l’heure qu’il est », lance-t-il.

Faut-il continuer à utiliser les jarres dans nos maisons, avoir des plats communs, se partager les mêmes verres de thé, les mêmes habits ou chaussures, dormir dans le même lit ? Dr Diallo Djénéba Téra, du Centre de santé communautaire (CSCOM) de la Commune III, à Bamako, explique qu’à l’origine d’une maladie infectieuse, on trouve des microbes, des virus, des bactéries, des parasites, des mycoses, etc… « Ces infections sont des invasions d’un agent pathogène qui s’y multiplie et peut se transmettre d’une personne à une autre ou de l’animal à l’homme, comme dans le cas du Coronavirus. Ces agents pathogènes peuvent vivre, pendant des heures, dans l’air et sur la surface des objets que l’on utilise quotidiennement », dit la praticienne.

Selon le médecin, les objets comme le canari public, le gobelet, le verre à boire, les habits, les chaussures sont des vecteurs de transmission du virus par la voie respiratoire, le nez et la bouche.

Les symptômes de la maladie à Covid-19 sont une fièvre élevée, des frissons, des courbatures, des douleurs intenses dans le dos ou dans l’abdomen ou des vomissements. « La meilleure manière de se protéger est une bonne hygiène. Se laver les mains constamment, boire plus d’eau, désinfecter les articles de maisons et rester loin les uns aux autres », conseille Dr Diallo Djénéba Téra.

Contrairement aux jeunes, certaines personnes plus âgées se forcent à observer les gestes barrières. C’est le cas dans ce « grin » du quartier de Bolibana.  Ici, il y a un espace d’à peu près un mètre entre les chaises. En plus, chaque membre du groupe prend le thé dans un gobelet jetable. « Je n’ai pas de doute quant à l’existence de cette maladie. Elle a cloué les avions au sol et paralysé l’économie mondiale, sans parler des dizaines de milliers de morts qu’elle a causés », explique Mamadou, un membre du groupe. « C’est pour cela que nous faisons de notre mieux pour respecter les gestes barrières », ajoute-t-il.

MS

 Source : (AMAP)

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