Cette situation est due en grande partie à la baisse des stocks des commerçants grossistes. Des mesures sont envisagées par les autorités pour amoindrir l’effet du choc
Le prix de l’huile alimentaire et du riz gambiaka, deux denrées que nos compatriotes raffolent, connaît une hausse sur le marché depuis un moment. Pour en savoir davantage, nous avons fait le tour de certains marchés de Bamako. Au marché de Magnambougou, en Commune VI du District de Bamako, le prix du litre de l’huile alimentaire a augmenté de 200 Fcfa, confirme Azamil Dicko. «Je cède le litre à 1.000 Fcfa contre 800 Fcfa avant. Le bidon de 20 litres coûte 20.000 Fcfa contre 17.500 Fcfa auparavant», détaille le commerçant.
À la place Niono à Niaréla, le commerçant Abdoulaye Traoré ajoute que le bidon de 20 litre de l’huile produit au Mali est actuellement vendu à 16.250 Fcfa, contre 12.000 Fcfa auparavant. La même quantité de l’huile de marque «Dinor» était cédée à 12.500 Fcfa. Maintenant, elle est vendue à 17.500», déplore le marchand. Une situation que Halima Coulibaly, femme au foyer rencontrée au marché de Magnambougou, trouve pénible. «Il n’y a plus de l’huile pour 50 Fcfa. Il faut au moins 100 Fcfa pour faire des omelettes», s’inquiète la ménagère.
Contactée, la direction générale du commerce, de la concurrence et de la consommation (DGCCC) confirme la flambée du prix de ces denrées de grande consommation. «Le marché national connaît une pression de la demande sur l’offre en raison de la baisse des stocks détenus par les commerçants importateurs grossistes», confirme son directeur général, Boucadary Doumbia, dans un document intitulé «Note sur la situation de l’huile alimentaire sur le marché national et international».
Selon lui, les stocks communiqués hebdomadairement à ses structures ont connu une baisse de 26% au cours du quatrième trimestre 2020. Sans pour autant atteindre le niveau du seuil d’alerte, cette tendance baissière des stocks disponibles sur le territoire a entraîné une augmentation sensible des prix à la consommation de l’huile importée par endroits, certaines localités du pays n’ayant pas connu ce phénomène grâce au commerce transfrontalier, ajoute-t-il. Ainsi, au cours de la période indiquée, les prix de l’huile importée sont passés d’environ 14.000 Fcfa le bidon de 20 litres à 17.500 Fcfa à Bamako chez les principaux grossistes. Le prix du litre au détail est resté en hausse de 16% à Koulikoro et de 10% à Kayes, détaille la note. «Concomitamment la production de l’huile locale dont la compagne de production et de commercialisation s’étend d’octobre à juin, connaît des difficultés liées au démarrage tardif et timide des activités des unités industrielles. Cela en raison d’un déficit de matière première consécutif à l’effondrement de la production de graine de coton au niveau de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT)», décrivent les techniciens.
Selon eux, la baisse des importations d’huile de palme raffinée en provenance de la Côte d’Ivoire est due à l’arrêt momentané pour des besoins de maintenance technique des installations de la société Sania Cie, principal fournisseur des distributeurs maliens en Côte d’Ivoire. S’y ajoute le démarrage tardif et timide de la campagne de production des unités industrielles locales de production d’huile alimentaire. L’autre raison est la hausse du cours de l’huile de palme, principale matière première de l’huile de palme raffinée produite en Côte d’Ivoire, sur le marché international. Son prix a, en début janvier 2020, atteint son plus haut niveau depuis 2014, en se situant à 1.007 dollars la tonne (près de 554.000 Fcfa), contre 961 dollars (environ 528.000 Fcfa) en décembre 2020 et 819 dollars en octobre (450.000 Fcfa). Toute chose qui a fait que le fournisseur ivoirien a augmenté son prix de 2.000 Fcfa.
Cette hausse du cours de l’huile de palme devra se poursuivre durant le premier semestre de 2021 en raison de la faiblesse de l’offre par rapport à la demande mondiale, alerte la DGCCC. Qui précise que le prix fournisseur de l’huile raffinée importée connaîtra une hausse durant la période de janvier à mai 2021. Ce qui coïncide avec le mois de ramadan, période de consommation des denrées alimentaires par excellence dans notre pays.
ANNONCE RASSURANTE- Cette situation ne devrait nullement être inquiétante. Les besoins nationaux de consommation d’huile alimentaire sont estimés à 10.056 tonnes par mois soit 120.672 tonnes par an. Ils sont satisfaits à 84% par la production nationale et 16% à partir des importations. La Côte d’Ivoire est le principal pays partenaire en matière d’importation d’huile alimentaire (94%). Elle est suivie par le Royaume Uni (3%) et la Malaisie (2%).
Les besoins des unités sont évalués à 458.360 tonnes. Cette quantité est largement supérieure aux 145.000 tonnes de graines de coton (auxquelles est extraite l’huile) issues de la campagne cotonnière 2020/2021 disponibles auprès de la CMDT. Le gap doit être alors importé, estime la DGCCC. Qui rappelle qu’en 2018, les unités industrielles ont pu importer pour 129.904 tonnes de graines de coton à partir de la Côte d’Ivoire (70%), du Burkina Faso (29%) et du Benin (1%). La Malaisie et le Cameroun sont aussi des sources potentielles d’approvisionnement en graines de coton.
Pour y faire face, le département du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des Investissements est en train d’envisager la mise à la disposition des unités de production des quantités de graines de coton issues de la campagne 2020/2021 de la CMDT pour le démarrage et une continuité de la production industrielle locale avant le début du mois de ramadan : période de grande consommation par excellence de cette denrée. Il songe aussi au déclenchement du processus d’application de l’arrêté déterminant les modalités d’application du Décret n° 2019-0032 /P-RM du 28 janvier 2019 portant suspension de la perception de la TVA applicable à l’importation et aux achats locaux de graines de coton destinées aux unités industrielles de production d’huile alimentaires.
Comme l’huile, le coût du riz local Gambiaka est également en hausse. Adama Togola est vendeur en gros du riz au grand marché. «Je vends le sac de 100 Kilogramme du riz Gambiaka à 36.000 Fcfa, contre 33.000 Fcfa avant. Le kilo coûte 330 Fcfa contre 360 Fcfa maintenant», confirme-t-il. «Cette flambée est due, selon mon fournisseur à l’insécurité dans la zone de Niono. Deux d’entre eux sont actuellement à Bamako. Ils ne peuvent plus allez dans leurs localités pour m’approvisionner», se plaint-t-il.
Certains comme Souleymane Traoré, vendeur de riz au marché Dibidani, en profite pour faire de la spéculation. Assis devant son magasin, il prédit une hausse inquiétante du prix du gambiaka dans les jours à venir. «J’ai récemment acheté le sac de 100 kg à 35.000 Fcfa, sans compter le prix du transport. Je le cède à 40.000 Fcfa», explique le commerçant.
Amadou GUÉGUÉRÉ
Source : L’ESSOR