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Birmanie: avec la répression militaire, l’attitude à l’égard des Rohingyas tend à changer

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Le Ramadan a commencé dans le contexte violent de l’après-coup d’État en Birmanie. Depuis le 1er février, les militaires répriment violemment la contestation. Ce bouleversement a fait prendre conscience à une partie de la population de la pression subie par plusieurs ethnies, dont les Rohingyas. Plusieurs internautes ont fait passer un message d’excuse à l’attention de cette population opprimée.

De notre correspondante à Rangoun,

Les Rohingyas ont été qualifiés par les Nations unies de « peuple sans doute le plus persécuté au monde », puisqu’ils sont systématiquement opprimés depuis plusieurs décennies. Leur population est arrivée dans le pays il y a plusieurs générations, ce qui suffirait dans la plupart des pays pour justifier la nationalité.

La Seconde Guerre mondiale a opposé Britanniques et Japonais en Birmanie, et les musulmans rohingyas, qui représentent la quasi-totalité de cette ethnie, se sont rangés du côté des Britanniques. On leur avait promis la création d’un État indépendant en cas de victoire. Mais après la défaite japonaise, le gouvernement colonial leur a retiré leur citoyenneté, et ne leur a pas offert leur État autonome.

Ce fut le début d’affrontements armés. Les Birmans leur ont fait payer leur prise de parti pour les Britanniques. En même temps, le pays étant à majorité bouddhiste, de plus en plus de Birmans ont commencé à rejeter les membres d’une religion qu’ils considèrent comme « envahissante ». Ils citent souvent comme exemple l’évolution de l’islam en Asie du Sud-Est et les plus nationalistes des Birmans disent qu’ils ne veulent pas voir le bouddhisme disparaître. À l’image de moines ultranationalistes comme U Wirathu, qui attisent cette peur avec des discours anti-musulmans depuis une dizaine d’années.

Les affrontements, qui se sont intensifiés depuis 2016, ont poussé environ 850 000 Rohingyas à fuir vers le Bangladesh pour échapper au harcèlement de l’armée birmane.

Peur du Covid-19

Aujourd’hui, la majorité des musulmans rohingyas vivraient au Bangladesh, dans des camps, dans des conditions très difficiles. Environ un demi-million seraient restés en Birmanie.

S’ils ne subissent pas de répression en pratiquant leur religion dans les camps, puisqu’ils sont entre eux, il leur reste beaucoup d’obstacles à surmonter : entre autres, la peur du Covid-19, ou le traumatisme de l’exil forcé. Il est évidemment difficile de trouver de la nourriture pour les repas du matin et du soir. Il fait très chaud en avril et les camps n’ont pas l’électricité pour alimenter un ventilateur. Une traduction du Coran en langue Rohingya va bientôt sortir en ligne, mais elle sera évidemment difficile d’accès dans ces conditions.

Prières interrompues à Rangoun

En Birmanie, pour les musulmans non rohingyas, c’est un peu différent : si les conditions sont meilleures, l’oppression est plus importante. Le dernier Ramadan qui a pu se dérouler dans des conditions normales date de 2019, avant le Covid-19 et le coup d’État. À Rangoun, une foule de Birmans nationalistes a interrompu les prières de musulmans qui s’étaient rassemblés chez l’un d’eux pour prier, et les a forcés à détruire les bassins où ils lavaient leurs pieds.

La police était présente et n’est pas intervenue. Dans ce quartier de South Dagon, les musulmans n’ont jamais eu l’autorisation de construire une mosquée, alors qu’ils seraient environ 10 000 à y vivre.

Début de changement de mentalité

Avec le couvre-feu à 20h, les musulmans ne peuvent pas se rendre dans leur mosquée, et doivent faire leurs prières à la maison. Et comme la plupart des célébrations ont été annulées par la population pour dénoncer le coup d’État, il n’y aura sûrement pas de grand rassemblement pour l’Aïd dans les quartiers où les communautés musulmanes sont les plus présentes, et les musulmans continueront à faire leurs prières chez eux, en famille. Il n’y a pas de journée de vacances pour les fêtes musulmanes en Birmanie.

Depuis le coup d’État, on sent cependant moins de pression sur la communauté musulmane. Les Birmans cherchent à promouvoir l’unité pour vaincre l’armée, et les représentants du gouvernement renversé ont même déclaré sur les réseaux sociaux qu’ils cherchaient à construire une Birmanie fédérale, qui inclurait les Rohingyas. Ce début de changement de mentalité va-t-il vraiment se concrétiser ? Quels seront les impacts sur la perception des musulmans par les bouddhistes ? Difficile à dire pour l’instant.

RFI

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