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Flux financier illicite : l’Afrique perd chaque année près de 88,6 milliards de dollars

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La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a publié son rapport intitulé « Les flux financiers illicites et le développement durable en Afrique », lundi 28 septembre 2020. De ce document, il ressort que l’Afrique perd chaque année, dans les Flux financiers illicites (FFI), près de 88,6 milliards de dollars.

Nous vous proposons de lire le communiqué en intégralité


Genève, Suisse, (28 septembre 2020)

Chaque année, on estime que 88,6 milliards de dollars, soit l’équivalent de 3,7 % du PIB africain, quittent le continent sous forme de fuite illicite de capitaux, selon le rapport de la CNUCED sur le développement économique en Afrique publié aujourd’hui.

Les flux financiers illicites (FFI) sont des mouvements transfrontaliers d’argent et d’actifs dont la source, le transfert ou l’utilisation sont illégaux, tels que définis dans ce rapport intitulé « Les flux financiers illicites et le développement durable en Afrique ».

Il montre que les FFI sortants sont presque aussi importants que le total des flux entrants de l’aide publique au développement, évalués à 48 milliards de dollars, combinés aux investissements directs étrangers, estimés à 54 milliards de dollars, reçus par les pays africains – et ce chaque année en moyenne pour la période 2013-2015.

« Les flux financiers illicites privent l’Afrique et ses habitants de perspectives d’avenir, compromettent la transparence et la responsabilité et sapent la confiance dans les institutions africaines », a déclaré le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi.

Ces flux sortants comprennent la fuite illicite de capitaux, les pratiques fiscales et commerciales illégales comme la fausse facturation des échanges commerciaux et les activités criminelles provenant des marchés illégaux, de la corruption ou du vol.

De 2000 à 2015, la fuite illicite de capitaux en provenance d’Afrique s’est élevée au total à 836 milliards de dollars.  Comparé au stock total de la dette extérieure de l’Afrique, qui s’élevait à 770 milliards de dollars en 2018, cela fait de l’Afrique un « créancier net du reste du monde », selon le rapport.

Les FFI liés à l’exportation de produits extractifs (40 milliards de dollars en 2015) sont la principale composante de la fuite illicite de capitaux hors d’Afrique. Bien que les estimations des FFI soient élevées, elles sous-estiment probablement le problème et son impact.

Les FFI sapent le potentiel de l’Afrique à réaliser les Objectifs de développement durables

Les FFI représentent une ponction majeure sur les capitaux et les revenus en Afrique, sapant la capacité de production et les perspectives de l’Afrique pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD).

Par exemple, le rapport indique que, dans les pays africains où les FFI sont élevés, les gouvernements dépensent 25 % de moins pour la santé que les pays où les FFI sont faibles et 58 % de moins pour l’éducation. Comme les femmes et les filles ont souvent un accès plus restreint à la santé et à l’éducation, ce sont elles qui souffrent le plus des effets négatifs des FFI sur le plan budgétaire.

Estimé à 200 milliards de dollars par an, l’Afrique ne sera pas en mesure de combler cet important déficit de financement pour réaliser les ODD avec les recettes publiques et l’aide au développement actuelles.

Le rapport suggère que la lutte contre la fuite des capitaux et les FFI représente une importante source potentielle de capitaux pour financer des investissements indispensables, par exemple dans les infrastructures, l’éducation, la santé et les capacités de production.

Par exemple, en Sierra Leone, qui connait l’un des taux de mortalité des moins de cinq ans les plus élevés du continent (105 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2018), la lutte contre la fuite des capitaux et l’investissement d’une part constante des revenus dans la santé publique pourraient permettre de sauver 2 322 enfants supplémentaires sur les 258 000 qui naissent chaque année dans le pays.

En Afrique, les FFI proviennent principalement des industries extractives et sont donc associés aux dommages environnementaux.

Le rapport montre que la lutte contre la fuite illicite des capitaux pourrait générer suffisamment de fonds d’ici 2030 pour financer près de 50 % des 2 400 milliards de dollars dont les pays d’Afrique subsaharienne ont besoin pour s’adapter au changement climatique et en atténuer les effets.

Les FFI se concentrent autour des produits de grande valeur pour un faible poids, en particulier l’or

Le rapport démontre également que les FFI en Afrique ne sont pas spécifiques à des pays en particulier, mais plutôt à certains produits de grande valeur pour un faible poids.

Sur les 40 milliards de dollars de FFI dérivés des produits extractifs en 2015, 77 % étaient concentrés dans la chaîne d’approvisionnement de l’or, suivie de celle des diamants (12 %) et du platine (6 %).

Cette découverte offre de nouvelles perspectives aux chercheurs et aux décideurs politiques qui cherchent à identifier et réduire les FFI. Elle est pertinente pour tous les pays exportateurs d’or en Afrique, par exemple, malgré des conditions locales différentes.

Le rapport vise à doter les gouvernements africains de connaissances sur la manière d’identifier et d’évaluer les risques associés aux FFI, ainsi que des solutions pour réduire ces flux et réorienter les recettes vers la réalisation des priorités nationales et des ODD.

Il appelle à des efforts globaux pour promouvoir la coopération internationale dans la lutte contre les FFI. Il préconise également le renforcement des bonnes pratiques en matière de recouvrement des avoirs pour favoriser le développement durable et la réalisation de l’Agenda 2030 pour le développement durable.

Nécessité de collecter de meilleures données commerciales pour détecter les risques liés aux FFI

Le manque de données spécifiques a affecté les efforts d’estimation des FFI. Seuls 41 pays africains sur 54 transmettent en continue leurs données commerciales aux Nations Unies qui grâce à leur base de données sur les statistiques du commerce international (UN Comtrade) permettent de comparer les statistiques commerciales dans le temps.

Le rapport souligne l’importance de collecter davantage de données commerciales, qui plus est de meilleure qualité, pour détecter les risques liés aux FFI, accroître la transparence dans les industries extractives et le recouvrement des impôts.

Le système automatisé de gestion douanière de la CNUCED (SYDONIA), y compris son nouveau module pour la production et l’exportation de minéraux, appelé MOSES (Mineral Output Statistical Evaluation System), sont des solutions potentielles disponibles.

Les pays africains doivent également conclure des accords d’échange automatique d’informations fiscales pour s’attaquer efficacement aux FFI.

L’Afrique devrait améliorer la coopération régionale sur les FFI et la fiscalité

Bien que les FFI constituent un obstacle majeur à la mobilisation des ressources intérieures en Afrique, les gouvernements africains ne s’engagent pas encore suffisamment dans la réforme de la fiscalité internationale.

La transparence et la coopération entre les administrations fiscales au niveau mondial et sur le continent sont essentielles pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

En ce qui concerne la coopération régionale en matière de fiscalité au sein du continent, le Forum africain sur l’administration fiscale peut servir de plate-forme pour la coopération régionale entre les pays africains.

Les réseaux régionaux de connaissances visant à renforcer les capacités nationales de lutte contre le blanchiment d’argent et de recouvrement des avoirs, notamment dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), sont essentiels dans la lutte contre la corruption et les FFI liés à la criminalité, indique le rapport.

La lutte contre les FFI nécessite une action internationale

La perte de recettes fiscales au profit des FFI est particulièrement coûteuse pour l’Afrique, où les investissements et les dépenses publiques pour les ODD font le plus défaut. En 2014, on estime que l’Afrique a perdu 9,6 milliards de dollars au profit des paradis fiscaux, soit 2,5 % du total de ses recettes fiscales.

L’évasion fiscale est au cœur du système financier parallèle mondial. Les FFI commerciaux sont souvent liés à des stratégies d’évasion ou de fraude fiscale, conçues pour transférer des bénéfices vers des juridictions à faible taux d’imposition.

En raison de l’absence de règles nationales sur les prix de transfert dans la plupart des pays africains, les autorités judiciaires locales ne disposent pas des outils nécessaires pour lutter contre la fraude fiscale des entreprises multinationales.

Mais les FFI ne sont pas seulement une préoccupation nationale en Afrique. Le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a déclaré « Les flux financiers illicites revêtent un caractère multidimensionnel et transnational. Tout comme les migrations, ils ont des pays d’origine et des pays de destination, et il existe plusieurs sites de transit. Par conséquent, l’ensemble du processus d’atténuation des flux financiers illicites impliquent plusieurs juridictions ».

Les solutions à ce problème doivent passer par une coopération fiscale internationale et des mesures de lutte contre la corruption. La communauté internationale devrait consacrer davantage de ressources à la lutte contre les FFI, notamment en renforçant les capacités des autorités fiscales et douanières des pays en développement.

Les pays africains doivent renforcer leur engagement dans la réforme de la fiscalité internationale, rendre la concurrence fiscale compatible avec les protocoles de la ZLECAf et s’efforcer d’obtenir davantage de droits d’imposition.

Le titre et le chapô sont de la rédaction

Source : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement

Faso MALI

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