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Le Mali, un pays à haut risque : De la fuite en avant à une scène de théâtre

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De l’avènement de la démocratie à aujourd’hui, le Mali continue de souffrir de l’absence de référentiels dans tous les champs du possible. Les présidents Modibo Keïta et Moussa Traoré se sont battus dignement et résolument afin de redorer le blason. Ils ne se sont jamais adossés à une quelconque puissance étrangère pour défendre la patrie et sauvegarder l’honneur ; contrairement à cette élite militaire et politique au pouvoir qui se plait entre les bureaux climatisés dans le choix de l’humiliation et de l’indignation en justifiant et légitimant ses limites et incapacités au nom de la refonte et du redressement de l’État.

 

Il est absurde aujourd’hui de penser que la Russie et la France pourraient sauver le Mali en combattant les groupes radicaux violents qui sévissent dans les régions du Nord, du Centre et du Sud du pays avec une vitesse étonnante d’expansion. Elles (France et Russie) ne peuvent pas se substituer aux Maliens préoccupés par les dividendes du coup d’État que par la défense du territoire sous occupations des entrepreneurs de la violence. Au même moment, des officiers supérieurs avancent toutes les hypothèses fallacieuses à Bamako pour éviter de se trouver sur des théâtres d’opérations sensibles en vue de sauver la patrie et de permettre au peuple malien de garder l’espoir.

La situation actuelle du Mali découle de la banalité et de la complicité avec lesquelles le coup d’État du 18 août 2020 avait été accueilli et géré, notamment quant au rôle peu flatteur des militaires putschistes et des textes devant régir la transition. Le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement de conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) stipule dans ses principes de convergence constitutionnelle que « toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes » et que « tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir. » C’est ainsi que l’on assiste très facilement à un positionnement et à une légitimation des acteurs par rapport aux dividendes du coup d’État et le partage du « gâteau Mali ».

En plus de la garantie de non poursuite des auteurs et complices du coup à travers un partage des postes ministériels et d’autres postes juteux. L’autre faute congénitale de la situation est la qualité et la légitimité des textes produits et l’usage qu’on en fait.

La Charte de la transition est devenue un outil d’instrumentalisation et d’infantilisation du peuple malien en octroyant plus de liberté aux putschistes et complices, au vu d’une certaine administration judicaire qui se dit crédible et assujettie au seul diktat des textes de la République. Ainsi, ce bicéphalisme des textes, le silence coupable ou le parti pris de certains magistrats et l’absence de l’intelligentsia académique dans le champ de la réflexion ouvrent un boulevard à la junte, à travers le Vice-président, d’exploiter et d’instrumentaliser le blocage institutionnel pour justifier le nouveau coup d’État du 24 mai 2021. Même si l’on sait que les raisons évoquées dans le communiqué lu à la télévision nationale par un de ses conseils spéciaux, sont loin de convaincre les maliens et les partenaires du Mali.

Il est écœurant que des officiers supérieurs se plaignent de la qualité de l’offre et de la demande de sécurité étant entendu que ces mêmes officiers ont toute la responsabilité de la gouvernance et de la réforme du secteur de la sécurité et de défense depuis le départ du Président Ibrahim Boubacar Keita. Et de surcroit, du coup d’État d’août 2020 à aujourd’hui, ils(les militaires) ont la lieutenance de la sécurité et de la défense. Mais hélas, le bilan n’est pas reluisant.

Deux scenarii pour un accouchement difficile

Au regard de l’évolution de la situation, deux scenarii se présentent. Le premier, le Colonel Goïta assurera le règne de la présidence avec le choix d’un Premier ministre civil, peu crédible et peu consensuel. Cela pourrait amener le pays à assister à une longue période des turbulences, car les sanctions tous azimuts vont être infligées de nouveau et l’économie malienne risquerait d’assister à ses propres funérailles. Une des conséquences d’un tel scénario, c’est de voir une bonne partie du peuple se révolter contre les dignitaires d’une « colonelisation » de la démocratie vidée de ses fondamentaux.

Si certains militaires maliens et leurs acolytes ne sont pas en mesure de garantir les principes de la démocratie et d’œuvrer pour le bonheur des Maliens, il ne faut pas compter sur la coopération régionale et internationale pour leur servir de parrain pour un maintien au pouvoir dont les retombées ne profiteront qu’à un groupuscule de personnes.

Enfin, le second scénario, les officiers supérieurs à l’origine de la contestation et du renversement de l’ordre établi, vont confier la présidence de la République à un civil, et qui à son tour va désigner un Premier ministre civil qui s’efforcerait de gagner la légitimité et la confiance d’un peuple déboussolé et d’une communauté internationale embrassée. Cette option a l’avantage de connaître certes difficultés, lesquelles pourraient être de courte durée parce que les sanctions seront progressivement levées et l’horizon électoral plus ou moins défini et clarifié.

Pour gagner le respect et la considération de la Russie ou de la France, les Maliens ont intérêt à se mettre au travail bien fait et de sortir du déni et de la conspiration. Les recettes sont connues de tous, mais personne n’est prêt à les expérimenter. Un énième coup d’État ou coup de force à ce rythme n’a rien d’étonnant.

Dr Aly TOUNKARA, Directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel(CE3S).

SourceLe Démocrate

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