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Au Tchad, web-entrepreneurs et activistes se réjouissent du retour des réseaux sociaux

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Le président tchadien, Idriss Itno Déby, a levé, il y a un mois, la mesure de restriction d’accès aux réseaux sociaux qui était en vigueur depuis plus d’un an. Une censure qui a pénalisé l’activité économique en ligne.

“C’est un soulagement que de retrouver les réseaux sociaux”, se réjouit Annadjib Ramadane. Ce blogueur et consultant social média de 25 ans peut enfin souffler. Après plus d’un an d’attente, il peut de nouveau se connecter depuis un mois à ses comptes Facebook, Twitter ou WhatsApp. À la mi-juillet, le président Idriss Itno Déby, au pouvoir depuis 29 ans, a levé la restriction d’accès aux réseaux sociaux. Les autorités tchadiennes avaient décidé de les bloquer en mars 2018, officiellement “pour des raisons sécuritaires”.

“Depuis quelques mois, l’impératif sécuritaire avait conduit le gouvernement à renforcer les conditions d’accès et les mesures de contrôle des communications électroniques”, avait ainsi expliqué Idriss Itno Déby à l’occasion de la clôture du Forum Tchad numérique à N’Djamena. “Ces mesures se sont imposées dans un contexte de menaces terroristes”, avait-t-il poursuivi. La mesure était surtout intervenue fin mars 2018 alors qu’un mouvement de contestation refusait un changement de constitution.

“J’ai mal vécu la censure”

Quelques heures seulement après le discours d’Idriss Itno Déby, Internet et les réseaux sociaux étaient de nouveau accessibles. Une délivrance pour tous les Tchadiens dont les activités professionnelles requièrent de se connecter quotidiennement à Internet.

Pour Annadjib Ramadane, vivre sans les réseaux sociaux a été un calvaire. Comme plusieurs milliers d’autres internautes, il a dû recourir à des VPN (réseaux privés virtuels) pour contourner les restrictions. “Au début, j’ai mal vécu la censure. Il fallait utiliser des VPN. Ce qui veut dire qu’il fallait dépenser plus pour avoir accès aux réseaux sociaux avec parfois une connexion internet de mauvaise qualité. Mais j’ai dû m’y habituer comme d’autres”, explique le consultant social media, membre aussi de Mondoblog, un réseau de blogueurs créé par RFI.

Annadjib Ramadane a ainsi vu son budget mensuel de connexion tripler, passant de 14 000 franc CFA (environ 21 euros) à plus de 45 000 francs CFA (environ 69 euros). Pour réduire le coût financier, ‘’il m’est arrivé parfois de me connecter via des points d’accès fournis par les opérateurs de téléphonie mobile camerounais”, explique le blogueur. À N’djamena, certains quartiers jouxtent le fleuve Chari, pas trop loin de la frontière camerounaise. “Il est possible d’y capter le réseau”, ajoute-t-il.

La censure a également fait perdre de l’argent à Andréas Koumado, fondateur de la start-up de e-commerce Mossosouk qui emploie six personnes. L’entreprise ne pouvait plus cibler les 400 000 internaute réguliers (environ 5 % de la population) que compte le Tchad sur les réseaux sociaux. “Facebook nous permettait de faire de la publicité ciblée pour amener les gens à acheter nos produits. Nos ventes étaient élevées. Mais la censure a affecté automatiquement nos chiffres. Ceux qui ne connaissaient pas les outils pour contourner les restrictions avaient du mal à se connecter sur les réseaux sociaux”, explique Andréas Koumado qui est aussi ingénieur en informatique.

Internet, un droit fondamental

L’annonce du président tchadien Idriss Itno Déby coïncidait avec l’inauguration d’un réseau de fibre optique reliant le Tchad au Soudan. Annadjib Ramadane estime que les enjeux économiques ont eu raison de cette restriction sur les réseaux sociaux.

La levée de restrictions des réseaux sociaux a été saluée par Julie Owono, directrice de l’organisation Internet sans frontières. Mais elle reste vigilante. “Il faut faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Nous souhaitons organiser une discussion plus globale sur l’accès à Internet au Tchad, où son coût est encore prohibitif. C’est une autre forme de censure financière dont on parle moins” estime-t-elle. “L’accès aux réseaux sociaux est fondamental, renchérit Andréas Koumado. “On en a besoin pour s’informer, communiquer et partager nos idées. Ce sont nos droits qui sont bafoués”.

À coup sûr, cette nouvelle censure d’Internet a eu un impact sur l’économie de ce pays d’Afrique centrale déjà exhangue. Selon un rapport d’Internet sans frontières, un précédent en 2016 avait coûté plus de 18 millions d’euros au Tchad. Le pays avait alors bloqué les réseaux sociaux durant 235 jours.

 

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