Accueil Education Dr N’dji dit Jacques Dembélé : « Le Mali n’aura jamais la...

Dr N’dji dit Jacques Dembélé : « Le Mali n’aura jamais la paix tant que ces jeunes resteront à la maison en train de prendre du thé… ».

154
0
PARTAGER

Dr N’dji dit Jacques Dembélé : « Le Mali n’aura jamais la paix tant que ces jeunes resteront à la maison en train de prendre du thé… ».

Enseignant-chercheur, Maître de Conférences en Géologie du quaternaire/géomorphologie à la Faculté d’Histoire et Géographie, Responsable du laboratoire « Hommes, Peuplements et environnements », le Docteur N’dji dit Jacques DEMBELE est un universitaire au parcours exceptionnel. Scientifique de renommée mondiale, l’homme est toujours plongé dans ses recherches afin d’améliorer la condition de ses concitoyens. Son éternel combat pour faire bénéficier une formation de qualité aux étudiants maliens pour un Mali émergent, lui coûte en temps, en énergie et surtout en finance. Dans l’interview qu’il a bien voulu nous accorder, N’dji Jacques DEMBELE, nous parle non seulement de son brillant parcours universitaire, de ses expériences vécues mais aussi, il nous révèle son ressenti face aux problèmes réels qui freinent le développement du pays. Il exprime ouvertement sa déception sur les attitudes des autorités face à l’éducation. C’était le mercredi 14 décembre 2022 dans son bureau, sise à ladite faculté. Lisez-plutôt !

 

SOLONI : Dans un poste sur votre page Facebook, vous avez dit, je cite : « Mon plus grand regret que j’ai de toute ma vie de scientifique est d’être revenu au Mali enterrer ma vie de scientifique. ». Qu’est-ce qui peut provoquer un tel remord à un homme qui a tout sacrifié pour son pays ?

 

Dr N’Dji dit Jacques DEMBELE

 

‘’Malgré tous les efforts que j’ai pu faire, j’ai vu que scientifiquement c’était un suicide… ‘’

 

J’ai fait ce poste en me basant sur l’expérience que j’ai vécue depuis que je suis revenu au Mali. Pour que vous puissiez comprendre, j’ai fait une partie de mes études au Mali et une partie en Chine. J’ai fait huit (8) ans en Chine où j’ai fait le Master et le doctorat. Je travaillais dans un laboratoire là-bas et quand j’ai terminé, j’avais des propositions de contrat pour rester mais j’ai préféré revenir au Mali parce que je me suis toujours dis que le Mali a besoin de moi. Voilà pourquoi je suis revenu mais malheureusement j’ai constaté que personne n’a besoin de moi en réalité. Malgré tous les efforts que j’ai pu faire, j’ai vu que scientifiquement c’était un suicide, je ne dis pas socialement ni professionnellement mais je dis scientifiquement parce qu’un scientifique se mesure par rapport à la recherche qu’il fait et aux communications scientifiques qu’il arrive à produire, qui donne des résultats.

 

Quand on est à l’extérieur, on a les moyens pour faire la recherche. C’est-à-dire qu’on a les outils, on a les matériels, l’équipement, on a l’encadrement et on a même l’accompagnement pour faire la recherche scientifique et pour donner beaucoup de résultats. Par exemple, là-bas en une année, on peut produire trois à quatre, voire cinq articles de hauts niveaux. Mais quand on vient au Mali, on ne peut même pas produire pendant dix (10) ans un seul bon article de haut niveau parce que qu’on n’a rien qui puisse nous permettre de le faire. C’est ce que j’appelle un suicide scientifique ; c’est ça l’enterrement de la vie du scientifique.

 

Donc vous regrettez d’être revenu au Mali ?

 

Aujourd’hui je le regrette, sincèrement je le regrette (d’un air très déçu) parce que l’effort que j’ai fourni ici au Mali, si je l’avais fourni en chine, je ne serais pas à ce niveau en tout cas sur le plan scientifique. Imaginez aujourd’hui les Chinois avec qui j’ai étudié, ils sont où aujourd’hui comparés à moi ? C’est ça qu’il faut voir ! Beaucoup sont à des niveaux très avancés et moi je suis encore ici en train de tourner. On ne peut même pas faire une seule bonne analyse avec l’équipement que nous avons. Nous avons des équipements partiels.

 

Dans le même poste vous avez également dit que vous avez été meilleur parmi les meilleurs dans une université chinoise de géosciences de 32.000 étudiants dont 2086 doctorants. Qu’est-ce que ça fait d’être le meilleur des meilleurs ?

 

‘’Quand je suis revenu ici au Mali, ce que j’ai fait au laboratoire, rares sont ceux qui peuvent le faire.’’

 

C’est une chose qu’on n’a pas besoin de démontrer ; ce sont des résultats scientifiques. Quand J’ai terminé, j’étais parmi les plus excellents. Et même, à la remise du diplôme, c’est moi que le recteur a pris comme exemple dans toute l’université. Il y’avait des chinois, mais il m’a nommément pris pour dire qu’on a connu des étudiants vraiment excellents. Juste pour vous dire que je n’étais pas médiocre. Et jusqu’à présent, je suis connu là-bas. Premièrement, lorsque je suis retourné là-bas en 2017, j’ai été invité à animer trois conférences à l’université. Ça veut dire que j’ai laissé quelque chose, une bonne impression. Deuxièmement, quand je suis revenu ici au Mali, ce que j’ai fait au laboratoire, rares sont ceux qui peuvent le faire. Après l’interview, je pourrai vous faire visiter le laboratoire, la salle d’analyse mais personne ne peut le faire. Troisièmement à la faculté ici, je suis l’un des premiers à être admis au CAMES et à être maître de conférences. Donc, si on fait la comparaison, on peut voir clairement qui est le meilleur qui ne l’est pas. Ce n’est pas une façon d’être orgueilleux. Les preuves sont là ! Il y a beaucoup de choses que je peux citer.

 

Quelles ont été les actions que vous avez menées en rapport avec votre formation depuis votre retour au pays ?

 

‘’La journée des systèmes d’information géographiques, je l’ai créée et je l’organisais chaque année avec mon propre salaire.’’

 

Ici par exemple, (montrant du doigt la salle), quand je suis arrivé, il n’y avait pas de laboratoire. C’est moi qui ai créé le laboratoire et c’est le seul laboratoire qui existe. Il n’y avait pas de journées scientifiques, c’est moi qui ai créé la journée scientifique. La journée des systèmes d’information géographiques, je l’ai créée et je l’organisais chaque année avec mon propre salaire. Le journal scientifique, ici il n’y avait pas de journal scientifique et c’est moi qui ai créé le journal scientifique. Le Master que je suis en train d’animer, c’est moi qui l’ai créé. Je vous donne un autre exemple, mon laboratoire et moi avions été les premiers à travailler sur les inondations à Bamako. Est-ce que vous en avez entendu parler ? La carte des inondations qu’ils utilisent, c’est nous qui l’avons faite. Chacun copie la carte mais personne n’a dit d’où vient la carte.

 

Comment les autorités d’alors ont accueilli cette performance ?

 

Rien ! Ici au Mali, les performances n’ont pas de valeur. Au contraire, les gens te combattent. Vous connaissez le Mali, quand vous faites bien, vous prouvez par la même occasion qu’on peut bien faire. Et les gens vous combattent pour ça parce qu’eux, ils font mal. En le faisant bien, vous démontrez d’une manière ou d’une autre que les autres font mal. C’est ça le problème.

 

Une fois des collègues Nigérians sont venus ici dans le cadre des travaux. À l’époque, j’étais assistant. Ça les a surpris, ils disent mais comment je peux être assistant ? J’ai été assistant, maitre-assistant et maitre de conférences. Je l’ai fait pas à pas. Beaucoup ont bénéficié de ces grades par décret. Mais moi, c’était étape par étape et même là, pour passer de maitre-assistant à maitre de conférences, mes dossiers ont été rejetés deux fois. Les raisons ? Ancienneté non requise me disent-ils alors qu’on demandait trois publications et moi, j’en avais onze (11). Pendant qu’on y est, cette question d’ancienneté est tellement relative…il y a tellement d’injustices dans cette chose (d’un air songeur).

 

Sous d’autres cieux, vous auriez dû être honoré, pourquoi selon vous ça n’a pas été le cas au Mali ? On vous connaît à peine ?

 

Oui ! Mais je suis plus connu à l’extérieur qu’au Mali. Quand vous allez à l’université d’Abomey Calavi, on me connait ; vous allez à l’université de Ouagadougou, on me connait ; vous allez à Niamey, on me connait et même en dehors de l’Afrique. Malheureusement, c’est au Mali ici qu’on ne me connait pas.

 

Qu’est ce qui justifie cet état de fait ?

 

‘’Je fais la recherche ici au Mali sur les mêmes thématiques que les Chinois…’’

 

Mais, le Mali s’en fiche complètement de la science. Ce n’est pas le problème du Malien de parler de la science. Tout ce que nous faisons ici au Mali, c’est la recherche de pointe. Moi, je fais la recherche ici au Mali sur les mêmes thématiques que les Chinois qui sont en train de faire les recherches en Chine. Je dis bien les mêmes thématiques parce que je suis en contact permanant avec les chinois. Je suis avec eux tous les jours. Même jusqu’à présent, je fais partie du laboratoire de mon professeur en Chine. Je sais à quel niveau ils sont dans la recherche et je fais la recherche en fonction de ça. Malheureusement, ça n’intéresse personne au Mali. Au contraire, ça dérange les gens donc tout le monde fait en sorte que vous soyez effacé.

 

Qu’attendez-vous des autorités maliennes ?

 

‘’Nous sommes en train d’outiller les étudiants maliens à rester sur place et à faire et réussir les mêmes choses que ces étudiants là-bas.’’

 

Ce que j’attends des autorités maliennes, ce n’est pas qu’on me donne de l’argent pour que je « bouffe », non ! Aujourd’hui grâce à Dieu, je gagne de l’argent pour mon propre entretien. Mais ce que je suis en train de faire, c’est le rôle de l’État. C’est l’État qui devait mettre en place les laboratoires, les équiper pour que les gens travaillent afin que les enfants puissent bénéficier.

 

Les analyses que nous faisons ici sont les mêmes analyses qu’on fait ailleurs, en Europe et en Asie. Nous sommes en train d’outiller les étudiants maliens à rester sur place et à faire et réussir les mêmes choses que ces étudiants là-bas. Donc, je suis en train de jouer le rôle de l’État en achetant les matériels, en achetant les équipements, en payant les étudiants. Ce que l’État peut faire, c’est de nous donner le minimum de moyens pour avoir l’équipement et prendre en charge nos étudiants. Un doctorant qui est là, qui a fini avec son Master, mais… sa famille pense qu’il doit aller travailler, qu’il doit donner de l’argent pourtant, il est là pour faire de la recherche, il faut qu’on arrive à le payer aussi quelque chose. Mais on le paye avec quoi ? Je suis obligé de prendre mon salaire pour le payer ! Quand il tombe malade, je suis obligé de prendre mon salaire pour le soigner ! Mais c’est l’État qui devait jouer ce rôle-là. Mon cri de cœur c’est ça. Ce n’est pas pour que l’État me donne une médaille. Je n’ai pas besoin de médaille. Je n’ai pas besoin qu’on me donne de l’argent pour acheter quoi que ce soit. Je veux qu’on m’appuie pour équiper le laboratoire. Qu’on puisse réellement financer les doctorants pour que nous puissions produire scientifiquement au même niveau que les Asiatiques et les Européens. C’est ça mon souci ! Beaucoup de gens ont mal interprété. Ils pensent que je suis en train de quémander de l’argent pour moi, non ce n’est pas cela. Tous ceux qui me connaissent, savent que s’enrichir est le dernier de mes soucis. Mais il y’a quelque chose qu’on peut faire pour ce pays, c’est ça. Imaginez au Mali ici, on ne peut même pas faire une lame mince de roche. C’est-à-dire quand on part prendre une roche pour voir s’il y a de l’or dedans, on ne peut pas faire le travail ici. On est obligé d’aller faire les lames en Europe ou en Côte d’ivoire. J’ai acheté l’appareil qui est là, l’appareil n’est pas installé. La salle qu’on m’a donnée, elle est petite, c’est une salle qui est déjà remplie aujourd’hui. L’appareil est là, je l’ai acheté avec mes fonds. Mais la structure, qu’est-ce qu’elle peut faire ? Au moins me donner une place, voilà, installe ton appareil ici. L’étudiante qui était là lorsque vous êtes arrivé veut partir. Elle est là, on ne lui donne pas l’argent, on ne lui donne rien, mais elle va partir ! Tous ceux qui viennent comme ça, on les forme et ils s’en vont parce que nous n’avons pas l’argent pour les payer. En chine, les collègues avec qui j’ai étudié ont chaque année 8 millions pour s’occuper de leurs doctorants et des étudiants. Ici, c’est zéro franc !

 

Vous êtes également le président de l’association du quaternaire de l’Afrique de l’ouest, comment vous aviez été élu et pour combien de temps ?

 

J’ai été élu en 2014. En fait, quand je suis venu en Afrique de l’Ouest, j’ai fait la géologie de quaternaire donc j’étais en train de voir s’il y’ avait une association ici en Afrique de l’Ouest qui faisait le quaternaire. C’est comme ça que je suis tombé sur cette association. Je lui ai écrit pour dire que je faisais le quaternaire et directement elle m’a contacté. Il faut dire qu’elle-même cherchait un moyen pour organiser une conférence ici mais elle n’avait pas les moyens. Elle n’a même pas pu avoir un spécialiste en géologie de quaternaire. En Afrique de l’Ouest, ce spécialiste n’existe pas. Je suis le seul. D’autres ont fait d’autres disciplines de la géologie mais ils touchent au quaternaire en passant mais moi, c’est ma spécialité. Quand cela s’est passé, j’ai cherché le financement avec des structures, j’ai eu à peu près 23 000 dollars, j’ai fait venir les gens à Bamako, on a fait la conférence. J’ai assuré la prise en charge complète. A l’issu de cette conférence, ils devaient renouveler le bureau et j’ai été élu président. Pour le mandat, c’était deux ans, deux fois deux mandats mais malheureusement à la fin du premier mandat, le problème de coronavirus est survenu et ce problème a fait que le bureau n’a pu être renouvelé. Mais je suis pressé de passer la main pour pouvoir faire autre chose mais malheureusement nous n’arrivons pas à faire une conférence physique.

 

Parlons d’autres choses, Quelle lecture faites-vous de la situation socio-politique du pays ?

 

‘’Le problème du Mali n’est pas politique, c’est un problème économique…’’

 

C’est très vaste mais ce que je peux dire, le débat est en train d’être mal posé. En tant que chercheur, c’est comme ça que je le vois. Tous les débats au Mali, on veut en faire un débat politique. Alors que le problème du Mali n’est pas politique, c’est un problème économique. Il faut donner à manger aux maliens, il faut habiller les maliens, il faut loger les Maliens, il faut éduquer les Maliens. Il faut assurer les soins de santé des Maliens, c’est ça ! Ce n’est pas qui va devenir président, qui va devenir premier ministre. Ce n’est pas ça notre combat en réalité, parce que ça, c’est un faux combat. Le vrai combat, c’est ce que j’ai cité. Si on veut la paix au Mali, c’est très simple. Il faut donner à manger aux Maliens. Si tous les Maliens mangeaient, si tous les Maliens avaient accès aux soins de santé, si tous les Maliens avaient accès à l’éducation de façon égale, si tous les Maliens avaient accès à la justice, vous pensez que le Mali aura des problèmes ? Mais on est en train de fausser le débat. Tout le débat est politique, il faut maintenant changer le débat. Et ensuite, depuis que cette situation a commencé on n’a jamais appelé les intellectuels, les scientifiques maliens pour se prononcer. Nous leur avons dit avant de faire les assises nationales, il faut faire les assises de l’intelligentsia pour prendre les propositions de ceux qui sont basés ici plus à l’extérieur ; qu’ils viennent réfléchir sérieusement sur le Mali. Après les résultats de ce niveau, on pourra amener à un niveau général mais qu’est-ce qu’on a fait ? On a appelé tout le monde s’asseoir dans la même salle et les professeurs d’université qui ont été appelés, et moi je dis, vraiment, ils n’étaient pas à leur place. Tu appelles un professeur d’université et au même moment tu appelles un chef de village qui n’a pas été à l’école, tu veux qu’ils s’asseyent pour parler du Mali, o bè se ka kè cogo di ? (Comment cela est-il possible ?) on peut faire ça ? Ce n’est pas possible. Mais c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont appelé quelques professeurs d’université plus ceux qui n’ont jamais été à l’école, on les a mis ensemble pour proposer des solutions pour le pays. Vous pensez que le pays va se relever comme ça ? Jamais ! Aucun pays ne se relèvera comme ça, le pays se développe toujours à partir de la tête, la réflexion.

 

Quand tu entends parler de la Chine actuelle, c’est le travail de certaines personnes au sommet, c’est Deng Xiaoping et aujourd’hui quand vous partez en chine tous les étudiants étudient la théorie de Deng Xiaoping. C’est lui qui a tracé toutes les grandes lignes de développement de la chine et que tous ceux qui viennent après suivent. Tout le monde étudie la théorie de Deng Xiaoping ce qu’ils appellent en chine « Deng Xiaoping Lilun ». Et il a tracé les voies par lesquelles la Chine doit passer et tous les présidents qui ont succédé, sont entrain de suivre cette théorie. Voilà pourquoi il y’a pas de rupture politique. Chez nous ici quelle ligne nous suivons ? Qu’est-ce que nous suivons ici ? Le pays est géré le jour au jour en fonction des humeurs. On se lève le matin, il y a grève quelque part, on cherche à gérer. Ensuite, il y’a une attaque quelque part, on gère. Non ! un pays ne se gère pas comme ça. Un pays se gère à partir d’une théorie de développement qu’on a élaboré que le pays suit et n’importe quel président qui vient, il est obligé de suivre cette théorie. En ce moment, tu peux avoir cinq (5), six (6) présidents qui viennent, ils suivent la même théorie et on se développe. Mais si on fait que chaque président qui vient, change et amène une nouvelle politique, on va s’en sortir ? Et notre école a été victime de ça. Regardez notre école, on a amené toutes sortes de théories : pédagogie convergente, un village une école, aujourd’hui d’autres théories, comme ça, l’école s’est complétement trouvée divisée, partagée entre les théories. Et on veut que ça marche, non. Dès le départ, on devrait avoir une politique claire de l’école. Notre école doit servir à ça et on travaille pour ça. On ne change pas sauf s’il y’a nécessité de changer. Et on change pour mettre une nouvelle théorie, elle doit être meilleure que la théorie ancienne. Ici, chaque fois que les blancs amènent quelque chose, on prend et on abandonne l’ancien. On amène la théorie, on amène l’argent avec. C’est dans ça que nous sommes. La situation politique du Mali, moi je la vois ainsi. Je veux qu’on sorte des débats politiques, qu’on parte au débat réel de l’économie du pays. On est en train de faire tout ça, le Mali est le 6ème avant dernier pays du monde, je crois bien, au classement IDH c’est-à-dire le classement du développement humain. Derrière le Mali, il n’y a que 5 pays. Sur les 189 pays classés, le Mali est le 6ème avant dernier. Il faut que les Maliens prennent conscience de ça ! Ça ne sert à rien de dire notre Maliba alors qu’on est complètement pauvre parmi les derniers.

 

Avec toutes les ressources que nous avons ?

 

‘’Pour parler de la ressource naturelle, il faut qu’il ait de la ressource humaine capable de transformer les conditions naturelles en ressources…’’

 

Est-ce que nous avons même de ressources ? Nous avons des ressources naturelles mais pas de ressources humaines parce que les ressources naturelles sont ressources naturelles que quand il y’a des ressources humaines pour transformer ces ressources-là. Avant tout, on ne peut même pas parler de ressources naturelles au Mali. On parle de conditions naturelles. Parce qu’il y’a une différence entre ressources naturelles et conditions naturelles. Pour le moment tout ce que nous avons dans notre sous-sol sont des conditions naturelles ; ce ne sont pas des ressources naturelles. Pour parler de la ressource naturelle, il faut qu’il ait de la ressource humaine capable de transformer les conditions naturelles en ressources. Mais nous n’avons pas ça. Le gouvernement dit qu’on va mettre en place une filature, on va créer des usines ; filature à Bamako, filature à Koutiala, etc. qui va travailler là-dedans ? Pense-t-on qu’il suffit de créer une usine et ramasser les gens dans rue pour travailler dedans ? Une usine, il faut des écoles de formation. Aujourd’hui l’usine, tout est électronique. Il faut des écoles textiles, de mécaniques, des écoles d’électroniques…, on n’en a pas. C’est ce qu’un chinois me disait qu’ils sont prêts à venir investir au Mali mais selon lui, le problème du Mali est que même si amène aujourd’hui une usine neuve, tu l’implantes, tu n’as personne pour travailler là-dedans. Tu amènes l’usine, tu es obligé encore d’aller chercher encore la main d’œuvre en chine pour l’amener. Il faut former, il faut créer des écoles.

 

Faites un tour dans les hôpitaux, les appareils qui sont gâtés, il n’y’a personne au Mali pour les réparer. Un scanner se gâte, il n’y a personne au Mali pour réparer le scanneur. On est obligé d’amener quelqu’un de la France pour le réparer. Quand le groupe électrogène de l’EDM se gâte, on va chercher les réparateurs où pour le réparer ? Il n’y a pas. Voilà les vrais défis de ce pays. Mais on est là, chaque jour en train de parler de politique. Telle personne a fait ceci, telle personne a fait cela. Ce n’est pas ça qui développe un pays. Le développement du pays, c’est au niveau de l’économie. Il faut qu’on arrête avec tous ce brouhaha là pour s’occuper réellement de notre économie. C’est ce qui va nous permettre réellement d’avoir la paix et de sortir la tête de l’eau.

 

La transition a-t-elle jusqu’ici été à la hauteur des attentes dans sa gouvernance du pays ?

 

Je ne veux pas me prononcer sur cette question. Je suis un chercheur, je ne fais pas de politique mais je peux seulement faire des analyses. La transition, pour le moment je préfère ne pas porter un jugement parce que je n’ai pas toutes les données, je n’ai pas toute l’analyse nécessaire pour me prononcer.

 

Et pour un Mali émergent et souverain. Pensez-vous que le pays est sur le bon chemin ?

 

‘’Pour émerger, il faut d’abord avoir une école.’’

 

Non ! ça je vous le dis clairement que le Mali n’est pas sur le bon chemin. Pour un Mali émergent, la première étape, c’est l’école, la formation. Tous ces grands pays que vous voyez là, ils n’ont pas commencé ailleurs, c’est l’école. Nous n’avons pas des ressources humaines, mais les ressources humaines sont formées où ? À l’école évidemment. Pour émerger, il faut d’abord avoir une école. Il faut une université ou des universités pour le moment, on n’a pas d’universités au Mali. Tout ce que vous voyez là sont des grands lycées. Des universités sans salles de classes, sans laboratoires, sans bibliothèques sans campus universitaires, rien. Ça, ce n’est pas une université. Ce sont des grands lycées. On envoie les étudiants là-bas pour se débarrasser d’eux, pas pour apprendre quelque chose. Et tout le monde s’en fout qu’ils aient appris ou qu’ils n’aient pas appris quelque chose. Donc pour émerger, il faut l’école. La chine par exemple…

 

Vous admirez beaucoup la chine ?

 

‘’N’importe quelle spécialisation que vous cherchez dans le monde, vous l’avez en Chine…’’

 

C’est ce je connais beaucoup plus.

 

La chine n’a pas assez de ressources naturelles. Sur le plan des ressources naturelles comme vous le disiez tantôt, mais moi je parle de conditions naturelles, le Mali est plus doté que la chine. Parce que la chine utile ne fait que 16% du territoire mais les chinois ont misé sur quoi ? sur la main d’œuvre. Ils ont formé des gens, des ingénieurs qualifiés, des ouvriers qualifiés… n’importe quelle spécialisation que vous cherchez dans le monde, vous l’avez en Chine. Et cette main d’œuvre coûte moins chère. Les ingénieurs coûtent moins chers. Le salaire d’un ingénieur français peut payer onze (11) ingénieurs chinois. Mais ils ont les mêmes niveaux, les mêmes compétences. Et qu’est ce qui s’est passé ? Les entreprises ont quitté l’Europe, les États-Unis pour s’installer en Chine parce que la main d’œuvre est là. Elle est qualifiée et moins chère. Voilà comment la Chine s’est développée, elle fabrique tout maintenant. Mais ce n’est pas sorcier, c’est l’école. La chine a mis l’argent dans l’école et l’école aujourd’hui a fait développer la Chine. Mais aujourd’hui nous, qu’est-ce que nous faisons ? Aujourd’hui, même le peu que nous pouvons faire nous n’arrivons pas à le faire. Quand quelqu’un amène son enfant dans une école et qu’on lui apprend que ce sont les enseignants sont Togolais, il est content. Mais quand on lui dit que ce sont les Maliens qui enseignent, il enlève son enfant pour l’amener où les Togolais enseignent parce qu’on n’a même pas confiance aux Maliens. Voilà comment notre école a été complétement détruite. On ne sera pas émergent tant qu’on ne reconstruira pas l’école. Tant qu’on ne prendra pas l’école au sérieux, on ne sera pas émergent. On va créer des usines, les étrangers viendront travailler là-dedans ; on va créer des écoles, les étrangers viendront y travailler.

 

Notre marché de construction va être toujours dominé par les sénégalais ainsi de suite. Nous serons le pays où les étrangers viendront travailler, s’enrichir chez nous ici. Et c’est ce qui se fait déjà et ça va continuer. Il faut revoir l’école, il faut reprendre l’école, il faut reconstituer l’école parce que tout le reste est lié à ça. Même la santé, si tu veux des médecins, c’est l’école. Aujourd’hui, est ce que les maliens ont confiance à leurs médecins. Tu dis à quelqu’un d’aller à l’hôpital Gabriel Touré, il commence à s’inquiéter parce qu’il se demande s’il y’aura des spécialistes pour le consulter.

 

L’école, c’est la base, le départ et la fin.

 

Un dernier message ?

 

Je ne perds pas confiance au Mali mais, je n’ai plus confiance aux autorités maliennes. Ça n’a rien de politique parce qu’en réalité nous ne sommes pas des adversaires encore moins des ennemis mais je ne leur fais pas confiance. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont jamais pris les choses par le bon bout. Le bon bout c’est quoi ? C’est l’école, la formation. Je dois le dire parce qu’après nous serons tous jugés, moi, eux et vous par rapport à ça.

 

Et nous sommes en train de former une bombe. L’âge moyen de notre jeunesse est 16 ans au Mali. Ce qui veut dire qu’il y’a plus de jeunes que d’adultes. Tous ces jeunes qui sont là, chacun veut au moins se marier, avoir sa famille, sa voiture, construire donc avoir un boulot. On est en train de les former au rabais. On les forme, on les jette dehors. Vous pensez qu’ils vont s’assoir et regarder ? Un jour viendra, ils vont réclamer et vous pensez que le Mali aura la paix ? Le Mali n’aura jamais la paix tant que ces jeunes resteront à la maison en train de prendre du thé, être ouvert à toutes sortes d’influences, on n’aura jamais la paix. Elle a des aspirations qu’il faut prendre en compte. Ça devrait être notre plus grande préoccupation. La majorité de la population qui est cette jeunesse-là, comment elle peut être prise en charge, être encadrée pour que le pays en profite ? Chaque année, des promotions sortent et chaque année, on produit 80 000 diplômés. Sur les 80 000, il n’y a que 3% qui ont le boulot. Les autres font quoi ? chacun se débrouille, moto-taxi par-ci Katakatani (moto tricycle) par-là. Et vous pensez que ces gens-là vont s’asseoir et regarder ? Non, un jour viendra, ils vont se lever et ce jour-là, tous ceux qui se disent des autorités, vont se chercher. Voilà pourquoi, on va refaire la transition. Tant qu’on ne prend pas en compte ces jeunes-là, dans 5 ans, on va faire une autre transition parce que ces jeunes-là ne vont pas s’asseoir et regarder. Voilà mon mot de fin.

 

Propos recueillis par Adama B. SAGARA avec Amadingué Sagara

 

xxxxxxxx

 

Qui est qui ? A découverte de docteur N’dji dit Jacques Dembélé un scientifique au parcours exceptionnel et au service de l’école malienne

 

Ils sont nombreux à avoir passé la grande partie de leur vie au service de leur pays. Ils se sont dévoués pour la cause de la patrie et les responsabilités qui leur ont été assignées.

 

 

 

Dr. N’dji dit Jacques Dembélé

Mais hélas ! Ils ne sont pas connus par la grande majorité de la population et passe le plus souvent inaperçu. Ces hommes au parcours exceptionnel, le Mali en regorge beaucoup. Aujourd’hui, nous partons à la découverte de l’un d’entre eux qui a tout quitté pour rejoindre son pays afin de jouer sa partition dans la construction de ce pays.

 

Qui est Jacques Dembélé ?

 

Vie et formation et parcours professionnel

 

Docteur N’dji dit Jacques Dembélé est né en 1974 à Dieli N’gosso Sous préfecture de Dieli, Préfecture de Santoro au cœur de la région du Santoro.

 

Après son Baccalauréat, il entre à l’Ecole Normale Supérieure (ENSUP) département Histoire et Géographie d’où il sort en 1997 en qualité de professeur d’histoire Géographie. Une fois son diplôme en poche, N’dji embrasse une riche carrière professionnelle. D’abord comme Professeur d’histoire et géographie à l’IPEG de Niono de novembre 1997 à novembre 2001. En 2001, il pose sa valise au lycée de Koutiala et y restera jusqu’en juillet 2004.

 

En quête perpétuelle du savoir, il s’envole pour la Chine où il obtient en 2008 un Master es Sciences à China University of Geosciences, Spécialité́ : Géologie du quaternaire,Géomorphologie. En 2012, il soutient et réussit sa thèse de Doctorat es Sciences dans la même université.

 

De novembre à décembre 2017, docteur Dembélé suit un stage de formation de Haut niveau au Laboratoire de Géographie Physique (LGP) du CNRS à Paris.

 

Suite à ce programme qu’il a réussi avec brio, s’en suivra alors une promotion en 2015 en tant que Maitre-assistant à la Faculté́ d’Histoire et Géographie de l’Université́ des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako. Puis, il devient Maitre-assistant des Universités du CAMES en 2017 et Maitre de conférences à la Faculté́ d’Histoire et Géographie de l’Université́ des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako en 2020.

 

L’intelligentsia au service du développement

 

Rentré de la Chine, il a créé le seul laboratoire qui existe dans sa faculté. Il a également instauré les journées scientifiques et le journal scientifique. Avant, il n’y avait pas de journal scientifique à la Faculté. L’instauration du Master est aussi une de ses idées. La carte des inondations utilisée au Mali est sa création. Intelligent, créatif et déterminé pour le travail bien fait, Dr Dembélé ne cesse de surprendre son entourage par des initiatives salutaires pour le développement du monde universitaire.

 

Pour arriver à produire des résultats pour l’avenir de l’école, il est parfois obligé de financier des projets de sa propre poche. Dr Dembélé a formé plusieurs jeunes maliens dans son domaine en tant responsable du laboratoire et du master.

 

Travaux de recherches et publications

 

Docteur N’Dji dit Jacques Dembélé est auteur d’une cinquantaine de recherches et publications de 2001 à nos jours et qui sont entre autres :

 

Dembélé N’dji dit Jacques, Tessougué Moussa Martin, Cisse Youssouf, Keita Daouda, Diallo Boubacar Amadou, Les structures de déformation des sédiments meubles dans les alluvions de la rive droite du fleuve Niger à Bamako, Mali et leur importance paléosismique, pp. 188-199

 

Dembélé N’dji dit Jacques, Keita Daouda, Tessougue Moussa Martin, Signification paléoenvironnementale des galets du profil stratigraphique de la rive droite du fleuve Niger à Bamako, Mali, Cahiers du CBRST, No10 Décembre 2016, Environnement et Sciences de l’Ingénieur, Cotonou, Benin, pp.19-33.

 

Dembélé N’dji dit Jacques, Keita Daouda, Diallo Boubacar Sega, Changements climatiques et Histoire politique du Soudan occidental de 850 a la pénétration coloniale, Revue de Géographie du Benin, Université d’Abomey-Calavi (Benin) No19, pp. 170-185.

 

Wang Jietao, Dembele N’dji dit Jacques, Geomorphological evolution of the Hengshixi Anticline of the Three Gorges Area through isobases : a model of the Yangtze Capture, IJSSST, pp. 171-177

 

Jietao Wang, Wang Tong, Pei Lai-Zheng, N’dji dit Jacques Dembele, Delineation of groundwater potential zone based on morphometric analysis of Qingjiang watershed, Hubei, China, Resources and Environment of the Yangtze Basin, Vol 31, Nº8, PP 1823-1835, 2022 ;

 

Wang Jietao, Pei Laizheng, Zhang Hongxin, N’dji dit Jacques DEMBELE, Morphology of gravels from the Yangluo Formation in the Southern Piedment of Dabie Mountains, Geology in China, Vol 48, Nº 1. Pp: 139-148,2021 ;

 

Salihi El Hadji Haidara, N’dji dit Jacques DEMBELE, Abdoulaye M Guindo, Variabilité interactionnelle de la pluviométrie dans la zone soudanienne du Mali. Revue Hommes-Peuplements-Environnements, Vol 1, Nº2, pp 43-51 2020 ;

 

WANG Jietao, DEMBELE N’dji dit Jacques, The Three Gorges Area and the linking of the Upper and Middle Reaches of the Yangtze River, Journal of Geographic Information System, vol 10, pp : 301-322, 2018 ;

 

COULIBALY Kadidia, DEMBELE N’dji dit Jacques, OUOLOGUEM Mahamadoun S. La variabilité́ pluviométrique et production agricole dans la zone cotonnière du Mali (Koutiala, San). Rev.Sc.Env.Univ., Lomé (Togo), 2018, no15, vol 1. Pp 195-206, 2018, etc.

 

Scientifique de renommée internationale, docteur Dembélé a participé à plusieurs conférences internationales. En mars 2022, il participe au congrès International de Géologie à New Delhi, Inde. En mai 2022, il participe au 1er Colloque International Mines et Société́. En septembre 2018, il participe au CAS-TWAS-WMO forum on ecohydrology and climate change, Beijing, China ; la même année à la conférence de AFQUA à Nairobi, Kenya. En Aout 2016, il prend part au Congrès International de Géologie à Capetown en Afrique du Sud pour ne citer celles-ci.

 

Un scientifique confirmé

 

Dr Dembélé est un scientifique confirmé avec une maitrise parfaite des outils informatiques. De maitrise des systèmes d’exploitation Windows, Mac Os X et Linux, les logiciels de dessin : Coreldraw, Adobe Illustrator, Inkscape en passant par les Logiciels de SIG (systemes d’Information Géographique) : GRASS GIS, QGIS, SAGA GIS, ARCGIS aux logiciels d’analyse d’images : IDRISI, ERDAS, ENVI, Photoshop et Logiciels de statistiques : STATISTICA, STATA, R Statistics, SPSS, rien ne lui résiste.

 

Présidence de l’association du quaternaire de l’Afrique de l’ouest

 

Depuis 2014, Dr N’dji dit JacquesDembélé est président de l’association quaternaire de l’Afrique de l’ouest. En effet, il est le seul spécialiste du domaine en Afrique de l’Ouest.

 

Marié et père d’un enfant, Dr N’dji Jacques Dembélé est un passionné de la lecture, la guitare et le sport. Comme langues internationales, il parlement couramment le français, l’anglais et le chinois. Il parle également le Bamanankan et Mamaara (minianka) comme langues locales.

 

De jeunes cadres honnêtes et travailleurs, le Mali en regorge suffisamment et le docteur N’dji dit jacques Dembélé est un exemple des élites maliennes qui sont loin des projecteurs, mais qui font avancer le pays dans leur différents domaines et spécialités. A la prochaine parution pour d’autres découvertes !

 

Amadingué SAGARA

Le SOLONI

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here